Près de 20 000 anciens volcans découverts au fond de l’océan
Moins d’un quart des fonds océaniques de la Terre ont été cartographiés, ce qui laisse des trous béants dans la connaissance du monde sous-marin.
Image d’entête : chaîne de volcans sous-marins, également connue sous le nom de monts sous-marins. (NOAA Ocean Exploration)
Des accidents peuvent survenir : des monts sous-marins non découverts, d’anciennes montagnes formées par l’activité volcanique, pourraient se dresser sur des milliers de mètres dans l’obscurité, mettant en danger les sous-marins sans méfiance.
Sous la direction de Julie Gevorgian, spécialiste des sciences de la terre à l’Institut d’océanographie Scripps (États-Unis), une équipe de scientifiques vient de découvrir plus de 19 000 nouveaux monts sous-marins à l’aide d’une nouvelle série de données satellitaires. Pour la chercheuse, le fait qu’un si grand nombre de pics sous-marins aient été découverts sous la surface de l’océan est « incroyable », ajoutant :
Surtout lorsqu’on se rend compte de la taille de ces monts sous-marins et du fait qu’ils étaient inconnus jusqu’à présent.
Créés par l’activité volcanique dans les profondeurs de l’océan, les monts sous-marins peuvent s’élever à une hauteur de 3 à 10 kilomètres. Ils sont généralement facilement détectables au sonar, mais seulement si un navire passe au-dessus d’eux. Les petits monts sous-marins de moins de 2 kilomètres de haut sont encore plus difficiles à trouver, bien qu’ils aient tendance à se former près des dorsales ou rides médio-océaniques, là où le magma pousse à travers la croûte mince et fracturée de la Terre.
Depuis une dizaine d’années, les scientifiques ont recours aux données satellitaires pour détecter les petites bosses à la surface de l’océan et cartographier les monts sous-marins. Alors que le sonar utilise les ondes sonores qui ricochent sur le fond marin pour en cartographier les caractéristiques, l’altimétrie par satellite le fait indirectement, en mesurant de légères variations de la hauteur de la surface de la mer qui reflètent la force de gravité exercée par les monticules de la croûte terrestre submergée. Plus le monticule est grand, plus son attraction gravitationnelle attire l’eau de mer à sa surface.
Grâce à cette méthode, Gevorgian et ses collègues ont identifié 19 325 nouveaux volcans sous-marins, qui viennent s’ajouter aux 24 643 monts sous-marins cartographiés que deux membres de l’équipe avaient déjà répertoriés en 2011, tout en corrigeant certaines erreurs. Cela porte le total à 43 454 montagnes sous-marines, soit presque le double de ce que nous connaissions.
La plupart des monts sous-marins ainsi découverts sont modestes, considérés comme trop petits pour être détectés par les données satellitaires. Cependant, les récents progrès réalisés pour étendre la couverture et améliorer la précision des données satellitaires du satellite CryoSat-2 de l’Agence spatiale européenne et de SARAL, la version des agences spatiales indienne et française, ont changé la donne.
Carte établie à partir des données de l’étude : les satellites ont détecté plus de 43 000 monts sous-marins. Mais seuls 16 000 ont été cartographiés en détail par les sonars des navires et des sous-marins. Les points verts représentent les monts sous-marins répertoriés/ visités et les points oranges les monts sous-marins inexplorés. (D. An-Pham/ SCIENCE, David Sandwell)
Sur les quelque 700 pics découverts par Gevorgian et ses collègues dans les zones particulièrement bien couvertes, le plus petit volcan ne mesurait que 421 mètres de haut, un nodule assez petit pour ce qui est des volcans sur le plancher océanique bosselé. La plupart des volcans mesuraient plus de 700 mètres de haut, certains s’étendant jusqu’à 2 500 mètres au-dessus du fond marin. En se basant sur ces volcans bien étudiés, les chercheurs ont ensuite estimé la forme et la taille des autres monts qu’ils ont repérés.
Ces découvertes pourraient permettre de mieux comprendre la tectonique des plaques, le volcanisme, les mouvements des courants océaniques et la vie marine, dans de vastes zones de l’océan qui n’ont pas été cartographiées depuis très longtemps.
Guidant les eaux riches en nutriments des profondeurs, les monts sous-marins sont des refuges pour la vie marine qui traverse les océans désertiques. Leurs pentes abruptes perturbent également les courants océaniques qui déplacent la chaleur autour du globe. Et dans leur géologie, les chercheurs s’attendent à trouver des indices sur la tectonique des plaques et le magmatisme, ainsi que des minéraux précieux à base de terres rares.
Selon les chercheurs dans leur étude (lien plus bas) :
En raison de leur impact sur l’océan et les écosystèmes, les monts sous-marins sont des éléments importants à étudier, à cartographier et à classer.
Malgré cette importante mise à jour du nombre de monts sous-marins connus, les chercheurs pensent que des milliers d’autres pourraient encore attendre d’être découverts. En 2011, ils estimaient qu’il pouvait y avoir jusqu’à 55 000 pics sous-marins dans le monde, un chiffre qui pourrait devoir être révisé sur la base des nouvelles données.
Des missions sont déjà en cours pour améliorer la résolution des données, mais il n’est pas facile de détecter les petits monts sous-marins : ils peuvent être masqués par les sédiments océaniques qui les recouvrent ou par les caractéristiques des fonds marins voisins et les courants océaniques turbulents, qui peuvent brouiller les subtiles différences gravitationnelles que les satellites sont censés détecter.
L’étude publiée dans la revue Earth and Space Science : Global Distribution and Morphology of Small Seamounts.