Des scientifiques découvrent des nuages contenant les restes des toutes premières étoiles
Des nuages de gaz dérivant dans l’Univers primordial (à ses débuts) ont permis aux astronomes d’entrevoir ce qu’il reste des toutes premières étoiles qui ont vu le jour.
Image d’entête : représentation artistique d’un lointain nuage de gaz contenant différents éléments chimiques, illustrés ici par des représentations schématiques de divers atomes. (ESO/ L. Calçada, M. Kornmesser)
Il ne s’agit pas des étoiles elles-mêmes : elles ont disparu depuis fort longtemps, brûlant vite et fort avant d’exploser dans un feu d’artifice de supernovas trop lointaines pour que nos instruments puissent les détecter. Cependant, la matière qu’elles laissent derrière elles lors de ces explosions révèle les produits de la fusion atomique qui s’est produite en leur cœur.
Selon l’astronome Andrea Saccardi de l’Observatoire de Paris :
Pour la première fois, nous avons pu identifier les traces chimiques des explosions des premières étoiles dans des nuages de gaz très lointains.
Selon notre cosmologie actuelle, il fut un temps dans l’histoire de l’Univers où tout était sombre et sinistre. L’Univers, beaucoup plus petit à l’époque, il y a environ 13,8 milliards d’années, était rempli d’un brouillard chaud et trouble de gaz ionisé qui empêchait la lumière de voyager à travers l’Univers. Les photons auraient simplement été dispersés par les électrons libres.
Lorsque l’Univers s’est suffisamment refroidi, les protons et les électrons se sont recombinés en hélium et en hydrogène neutres. Ce n’est qu’après la naissance des premières étoiles et galaxies, dont le rayonnement ultraviolet a réionisé l’hydrogène neutre, que la lumière a pu circuler librement sur l’ensemble du spectre électromagnétique.
Schéma décrivant les grandes étapes de l’évolution de l’Univers. (NAOJ)
Nous pensons que ces premières étoiles sont apparues il y a 13,7 à 13,5 milliards d’années, mais nous n’en avons jamais vu. Nous les appelons étoiles de population III, et elles étaient probablement très différentes des étoiles qui nous entourent aujourd’hui. Elles auraient pu être massives, ce qui signifie qu’elles se seraient consumées rapidement, se terminant par des explosions de supernova qui auraient projeté leur contenu dans l’espace, pour être repris dans la génération suivante de formation d’étoiles.
Mais la production d’éléments lourds nécessite des étoiles. Celles de population III étaient principalement composées d’hydrogène et d’hélium, car c’est tout ce qu’il y avait dans l’Univers à leur naissance (avec des traces minimes de lithium, le troisième élément le plus léger). Mais les fabriques nucléaires de leur cœur ont fusionné les atomes de ces éléments pour en créer de plus lourds, comme le carbone, l’oxygène et le magnésium. Ces éléments se sont ensuite répandus dans l’espace lors de l’explosion de l’étoile.
Les étoiles ayant disparu depuis fort longtemps, il est impossible de les étudier directement à l’heure actuelle, même si les astronomes nourrissent l’espoir de pouvoir le faire un jour. Toutefois, cela ne signifie pas que toute trace de ces étoiles a disparu.
Selon Stefania Salvadori, astrophysicienne et cosmologiste à l’université de Florence, en Italie :
Les étoiles primordiales peuvent être étudiées indirectement en détectant les éléments chimiques qu’elles ont dispersés dans leur environnement après leur mort.
Afin de découvrir les entrailles des étoiles primordiales, Saccardi et ses collègues ont utilisé l’instrument X-shooter du Très Grand Télescope de l’Observatoire européen austral (ESO) pour analyser la lumière de galaxies lointaines et très brillantes, appelées quasars. Lorsque cette lumière se déplace dans l’espace, elle traverse parfois des nuages de matière. Cela peut modifier légèrement la lumière, en rendant certaines parties du spectre plus ou moins lumineuses, car les longueurs d’onde sont absorbées et réémises par les éléments présents dans les nuages.
Cette image illustre comment les astronomes peuvent analyser la composition chimique de lointains nuages de gaz en utilisant la lumière d’un objet d’arrière-plan comme un quasar comme phare. (ESO/ L. Calçada)
Les scientifiques peuvent étudier de près ces signatures dans un spectre et les relier à des éléments spécifiques. Les chercheurs ont recueilli des observations sur 54 nuages de ce type et ils ont cherché des traces des éléments susceptibles d’être dispersés dans l’espace par les étoiles de la population III, en combinaison avec un faible niveau d’éléments plus lourds tels que le fer.
Ils ont trouvé la signature qu’ils recherchaient dans trois nuages, datant d’environ 1 à 2 milliards d’années après le Big Bang. Ces trois nuages présentaient une forte abondance de carbone et d’oxygène, avec du magnésium et des rapports silicium/fer qui correspondaient parfaitement à d’anciennes étoiles proches contenant très peu d’éléments lourds.
En outre, l’abondance de magnésium et de silicium est compatible avec les supernovae de faible énergie attendues des étoiles primordiales.
Les résultats suggèrent que, bien que nous n’ayons pas encore vu d’étoiles de population III, il est possible de trouver leurs vestiges. Et, avec des outils suffisamment puissants, nous pouvons sonder ces traces pour en savoir plus sur l’évolution de la matière dans l’Univers, car les étoiles modifient l’abondance des éléments qui nous entourent au fil du temps.
Toujours selon Salvadori :
Notre découverte ouvre de nouvelles voies pour étudier indirectement la nature des premières étoiles, en complément des études sur les étoiles de notre galaxie.
L’étude publiée dans The Astrophysical Journal : Evidence of First Stars-enriched Gas in High-redshift Absorbers* et présentée sur le site de l’Observatoire européen austral : Astronomers find distant gas clouds with leftovers of the first stars.