Des latrines royales révèlent les parasites à l’origine d’anciens troubles digestifs
Une équipe de l’université de Cambridge a examiné les excréments de deux anciennes latrines de Jérusalem et y a découvert des traces d’un micro-organisme appelé Giardia duodenalis, qui provoque la diarrhée chez l’humain.
Image d’entête : siège de toilette provenant de la maison d’Ahiel, fouillée dans la vieille ville de Jérusalem. (F. Vukasavovic)
Les latrines constituent une ressource étonnamment précieuse pour les archéologues, pour des raisons qui sont évidentes après un moment de réflexion malaisé. Si vous laissez tomber un bijou ou une grosse pièce d’or dans un ruisseau ou un caniveau, votre premier réflexe sera probablement de vous baisser pour le ramasser. En revanche, si vous laissez tomber un objet, même coûteux, dans une fosse remplie d’excréments humains, il y a de fortes chances que vous ne souhaitiez pas le récupérer.
Ces collections de déchets sont également utiles parce qu’elles constituent une fenêtre, bien que dégoûtante, sur la santé d’anciens peuples en conservant des traces de parasites, d’agents pathogènes et de micro-organismes, ainsi que des indices concernant le régime alimentaire, la pollution et d’autres facteurs.
Il ne suffit pas de creuser soigneusement une ancienne fosse à excréments à l’aide d’une truelle et d’une attention appropriée, tout en essayant de cultiver un air de détachement professionnel, pour faire oublier la dure réalité de ce que l’on gratte, l’odeur distincte qui persiste même après des siècles, et la connaissance de la nature de ces couches dans la section et de la raison pour laquelle elles ont la forme qu’elles ont. Le fait d’appeler cela des « sédiments » n’aide pas non plus.
Les recherches menées en collaboration avec l’université de Tel-Aviv et l’Autorité israélienne des antiquités portaient sur des couches plutôt royales provenant de fosses d’aisances situées sous deux toilettes découvertes en 2019 dans le sud de la vieille ville de Jérusalem et remontant au VIIe siècle avant notre ère, lorsque Jérusalem était la capitale de Juda, qui était alors un État vassal de l’Empire assyrien.
Les toilettes étaient presque identiques, avec un siège sculpté peu profond, un trou au centre pour faire le numéro deux, et un petit trou à l’avant pour le numéro un. Ces latrines de luxe étaient utilisées par l’élite de l’époque et sont assez rares. Les dates des deux sièges sont bien établies, car on connaît la date du 8e siècle avant notre ère pour la construction de leurs complexes immobiliers, ainsi que le pillage de Jérusalem par le roi Nabuchodonosor II en 586 avant notre ère.
Le siège de toilette du domaine d’Armon ha-Natziv. (Ya’akov Billig)
Les anciens textes médicaux décrivent quelque chose comme une diarrhée à cette époque, mais ces textes sont souvent peu fiables, parlant de maladies sans équivalent moderne et de fléaux qui restent mystérieux à ce jour. C’est pourquoi il est très important de rechercher des preuves directes de l’existence d’anciens agents pathogènes. Pour cette nouvelle étude, l’équipe a utilisé une technique appelée ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay soit technique d’immunoadsorption par enzyme liée) qui lie les anticorps à des protéines propres à des organismes unicellulaires spécifiques.
Ceci est important car, contrairement aux œufs de parasites, ces organismes se décomposent et ne peuvent pas être vus directement. Les chercheurs ont constaté que les tests effectués pour l’Entamoeba et le Cryptosporidium étaient négatifs, mais que ceux effectués pour le Giardia duodenalis étaient positifs à plusieurs reprises, ce qui rejoint les Trichuris, les ténias et les oxyures sur la liste de la faune intestinale que les anciens Judéens devaient supporter, même dans les palais royaux.
En évoquant la diarrhée, cela donne aussi une idée de ce que devaient être les commodités de l’époque.
Selon l’auteur principal de l’étude, le Dr Piers Mitchell, du département d’archéologie de Cambridge :
La présence de ces parasites dans les sédiments de deux fosses d’aisance de la Jérusalem de l’âge du fer suggère que la dysenterie était endémique dans le royaume de Juda. La dysenterie est un terme qui décrit les maladies infectieuses intestinales causées par des parasites et des bactéries qui provoquent des diarrhées, des crampes abdominales, de la fièvre et de la déshydratation. Elle peut être mortelle, en particulier chez les jeunes enfants.
La dysenterie se propage par les excréments qui contaminent l’eau potable ou la nourriture, et nous soupçonnons qu’elle aurait pu être un important problème dans les premières villes du Proche-Orient antique en raison de la surpopulation, de la chaleur et des mouches, et du peu d’eau disponible en été.
L’étude publiée dans la revue Parasitology : Giardia duodenalis and dysentery in Iron Age Jerusalem (7th–6th century BCE) et présentée sur le site de l’Université de Cambridge : Early toilets reveal dysentery in Old Testament Jerusalem.