Des œufs aux motifs uniques permettent aux drongos d’éviter de se faire squatter par les coucous
Voici le dernier exemple en date dans la course aux armements qui oppose le coucou à ses victimes.
Les coucous africains (Cuculus gularis) pratiquent le parasitisme de couvée en pondant leurs œufs dans les nids des Drongos brillants (Dicrurus adsimilis), une espèce d’oiseau que l’on trouve en Afrique subsaharienne.
Image d’entête : nid d’un drongo brillant parasité par un coucou africain (œuf de coucou en bas à droite). (Jess Lund/ Université de Cambridge)
Pour tromper les drongos, les coucous ont fait évoluer leurs œufs de manière à ce qu’ils imitent fidèlement la couleur et les motifs des œufs du drongos. Cependant, une étude menée par des chercheurs de l’université de Cambridge (Royaume-Uni) et de l’université du Cap (Afrique du Sud), en collaboration avec une communauté de Zambie, a révélé que les drongos possèdent un mécanisme de défense remarquable contre ces œufs falsifiés.
L’imposteur, le poussin du coucou africain. (Claire Spottiswoode/ Université de Cambridge)
La victime, un Drongo brillant (Dicrurus adsimilis) en Afrique du Sud. (Bernard DUPONT/ Wikimedia)
Les chercheurs ont d’abord mesuré les différences de couleur et de motif entre les œufs de drongos et de coucous et ils ont constaté qu’en moyenne, les œufs de coucous ressemblaient beaucoup aux œufs de leurs victimes, copiant même les divers motifs propres à chaque drongos. Ce mimétisme très fidèle est un exemple rare d’une telle précision dans la nature.
L’équipe a ensuite mené des expériences de « rejet d’œuf » en introduisant des œufs étrangers (agissant comme des substituts d’œufs de coucou) dans les nids de drongos. Ils ont observé comment les parents drongos acceptaient les œufs étrangers comme les leurs ou les rejetaient en les retirant du nid. En analysant les différences de couleur et de motif qui prédisaient le mieux le rejet, ils ont créé un modèle qui estimait la probabilité que les drongos détectent et rejettent les œufs de coucou. Le modèle a prédit un impressionnant taux de rejet de 93,7 %, ce qui montre l’efficacité des défenses des drongos.
Une sélection de couvées de drongos brillants qui ont été parasitées par des coucous africains. Sur chaque photo, l’œuf le plus à droite est celui du coucou. (Claire Spottiswoode/ Université de Cambridge)
L’étude a démontré que, bien que les coucous aient développé des contrefaçons presque parfaites, ils ne ciblent pas des nids de drongos spécifiques qui correspondent à l’apparence de leurs œufs. Par conséquent, la probabilité de trouver une correspondance parfaite avec la signature d’un drongo est minime. Ceux-ci ont probablement développé leurs « signatures » d’œufs et leurs capacités de détection par sélection naturelle, car s’ils ne reconnaissent pas une contrefaçon, leurs oisillons risquent d’être tués par le coucou et d’élever un oisillon parasite, ce qui est coûteux sur le plan énergétique.
Il est intéressant de noter que la recherche suggère que les femelles coucous pourraient ne réussir à élever que deux poussins au cours de leur vie, se remplaçant ainsi à peine elles-mêmes et leurs compagnons. Cela soulève des questions quant à la pérennité de la population de coucous, étant donné qu’ils sont encore des oiseaux communs dans de nombreuses régions d’Afrique. Les chercheurs supposent que la région de Zambie où s’est déroulée l’étude pourrait être un point chaud pour le parasitisme, ce qui expliquerait que les drongos aient des défenses bien adaptées contre les coucous.
En conclusion, les drongos brillants ont développé une impressionnante capacité à détecter et à rejeter les œufs de coucou, malgré le mimétisme très précis de ces derniers. Ce mécanisme de défense a probablement évolué grâce à la sélection naturelle et assure la survie des poussins de drongos tout en réduisant le nombre de jeunes coucous qui réussissent à prendre leur envol. D’autres recherches pourraient mettre en lumière les implications plus larges de ces résultats pour la dynamique de la population de coucous africains.
L’étude publiée dans The Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences : When perfection isn’t enough: host egg signatures are an effective defence against high-fidelity African cuckoo mimicry et présentée sur le site de l’Université de Cambridge : Cracking the great cuckoo cover-up.