Les plantes sont plus sensibles aux infections bactériennes dans l’espace que sur Terre
Entre les repas réhydratés à longue durée de conservation et les tortillas à la farine blanche, les astronautes ont parfois besoin de quelques légumes verts. Mais des travaux scientifiques novateurs ont montré que lorsque l’on modifie la gravité, la laitue peut devenir sujette aux infections bactériennes. La nouvelle étude, qui consistait à placer des laitues dans un environnement simulant l’absence de gravité, a été menée à l’université du Delaware (États-Unis).
Image d’entête : l’astronaute de la NASA Shane Kimbrough récolte de la laitue romaine rouge fraîche sur la Station spatiale internationale dans le cadre de l’enquête Veggie. Les membres de l’équipage ont rapidement consommé cette salade au cours de leur repas du soir. (NASA)
Là où il y a des humains, il y a des bactéries, même dans l’espace. Les chercheurs tentent depuis des années de limiter la croissance des bactéries et des biofilms à bord de la Station spatiale internationale (ISS), mais il est difficile d’empêcher une bonne bactérie de proliférer, et certaines prospèrent dans l’ISS.
Bien que la laitue ait été cultivée (et mangée) pour la première fois par des astronautes dans l’espace en 2015 et que, pour autant que nous le sachions, il n’y ait pas encore eu de problèmes gastro-intestinaux, des missions plus longues et un plus grand nombre de personnes signifient que les astronautes doivent se préparer à d’éventuels problèmes avec la laitue.
Les chercheurs de ces deux nouvelles études n’ont malheureusement pas eu accès à de la laitue cultivée dans l’ISS. Ils ont préféré simuler la microgravité en faisant tourner lentement des plantes à une vitesse comprise entre 2 et 4 rotations par minute, afin de s’assurer que les plantes ne puissent pas savoir où est le haut. L’équipe décrit cette vitesse comme « celle d’un poulet rôti dans une centrifugeuse ».
Selon Noah Totsline de l’Université du Delaware, premier auteur de l’une des deux études (lien plus bas) et qui a entrepris les travaux en tant qu’étudiant :
En fait, la plante ne pouvait pas savoir dans quelle direction se trouvait le haut ou le bas. Nous avons en quelque sorte confondu leur réaction à la gravité.
Un échantillon de plante ayant participé à l’étude, qui a poussé sous une microgravité simulée. (Evan Krape/ Université du Delaware)
Bien sûr, une plante qui tourne lentement ne représente pas une véritable situation de microgravité, mais elle permet aux plantes de perdre leur sens de l’orientation.
Normalement, lorsque des plantes comme la laitue sont exposées à des agents pathogènes ou à des menaces, les stomates, qui laissent normalement entrer l’air et sortir l’eau, se ferment. Dans cette étude, l’équipe a utilisé une bactérie à l’origine de la salmonelle pour tester les réactions des plantes. Elle a toutefois constaté que lorsque les plantes tournaient, les stomates s’ouvraient au lieu de se fermer.
Selon Totsline :
Le fait qu’ils restent ouverts alors que nous les soumettons à ce qui semble être un stress fut vraiment inattendu.
A partie de l’étude : C Stomate d’une plante en rotation sans traitement bactérien. L’ouverture stomatique semble plus étroite que dans le cas du témoin non traité. D Stomate d’une plante en rotation avec application foliaire de bactéries. La fermeture défensive du stomate semble supprimée. (Noah Totsline, Kalmia E. Kniel et Harsh P. Bais/ npj Microgravity)
Pour y remédier, les chercheurs ont ajouté une souche bactérienne appelée Bacillus subtilis UD1022, connue pour aider les plantes à mieux pousser et à se protéger contre les agents pathogènes. Dans ce cas, cela n’a pas fonctionné non plus.
Selon Harsh Bais, professeur à l’université du Delaware :
L’incapacité de l’UD1022 à fermer les stomates dans des conditions de microgravité simulée est à la fois surprenante et intéressante, et ouvre une autre boîte de Pandore. Je soupçonne que la capacité de l’UD1022 à annuler la fermeture des stomates en simulation de microgravité peut submerger la plante et la rendre incapable de communiquer avec l’UD1022, favorisant ainsi une invasion de la plante par la salmonelle.
Pour l’instant, les astronautes à bord de l’ISS n’ont probablement pas à s’inquiéter outre mesure pour leur laitue, mais des recherches supplémentaires pourraient être menées pour essayer de modifier la génétique des plantes afin de les empêcher d’ouvrir leurs stomates de la même manière.
Selon Bais :
Si, par exemple, nous trouvons une plante qui ferme ses stomates par rapport à une autre que nous avons déjà testée et qui ouvre ses stomates, nous pourrons alors essayer de comparer la génétique de ces deux cultures différentes. Cela nous permettra de poser de nombreuses questions sur ce qui est en train de changer.
Les études publiées dans Scientific Reports Simulated microgravity facilitates stomatal ingression by Salmonella in lettuce and suppresses a biocontrol agent et dans la revue npj Microgravity : Microgravity and evasion of plant innate immunity by human bacterial pathogens, présentées sur le site de l’Université du Delaware : Problems with rocket salad.