En Inde, un champignon poussant sur une grenouille vivante déconcerte les scientifiques
Dans les contreforts luxuriants et pluvieux des Ghats occidentaux, en Inde, un groupe de chercheurs affiliés au Fonds mondial pour la nature (WWF)s’est lancé dans une audacieuse expédition dans la nature. Leur mission était simple : explorer la riche biodiversité des amphibiens et des reptiles dans ce haut lieu de la biodiversité. Cependant, ce qui a commencé comme une quête herpétologique s’est rapidement transformé en une découverte extraordinaire qui a brouillé les frontières entre la flore et la faune. Alors qu’ils naviguaient dans le paysage verdoyant en évitant les sangsues, l’attention de l’équipe a rapidement été attirée par une scène étrange : une grenouille avec un minuscule champignon poussant sur son flanc. Les membres de l’équipe n’en croyaient pas leurs yeux.
Image d’entête, à partir de l’étude : la grenouille Hylarana intermedia et son champignon à chapeau. (Chinmay C . Maliye et Lohit Y.T./ Reptiles and Amphibians)
La créature en question est la grenouille Hylarana intermedia, une espèce indigène de cette région riche en biodiversité. Les chercheurs ont pris des photos du minuscule membre fongique émergeant du flanc de la grenouille et ont rapidement partagé leurs découvertes dans une nouvelle étude (lien plus bas).
Tout comme les bactéries, d’innombrables souches de champignons vivent à l’intérieur de la plupart des créatures. Une étude réalisée en 2010 a par exemple révélé qu’entre 9 et 23 souches d’espèces fongiques pouvaient se trouver dans la bouche d’une personne. Les champignons sont également très répandus à la surface de la peau humaine, où ils se nourrissent de nutriments rares. Certaines de ces espèces sont symbiotiques et contribuent à renforcer le système immunitaire contre les agents pathogènes. D’autres espèces présentes sur la peau provoquent des infections fongiques, dont les plus courantes sont le pied d’athlète, l’eczéma, la teigne et les infections à levures.
Cependant, vous ne verrez jamais un champignon (le fruit charnu d’un champignon) pousser sur le bras d’une personne. Les champignons n’apparaissent que lorsque les mycéliums, des structures filiformes semblables aux racines d’une plante, absorbent suffisamment de nutriments, qui sont généralement très pauvres à la surface de la peau. C’est la première fois que des scientifiques observent un champignon poussant sur un tissu animal vivant.
Images du spécimen tirées de l’étude. (Chinmay C . Maliye et Lohit Y.T./ Reptiles and Amphibians)
Les chercheurs qui ont fait la première découverte n’ont pas recueilli l’animal. Sans la grenouille ou le champignon en main pour une étude plus approfondie, la nature exacte de cette croissance fongique reste spéculative. Les mycéliums auraient-ils pénétré la peau de l’amphibien ou s’agit-il d’une excroissance superficielle ?
La découverte a suscité l’intérêt de la communauté scientifique et des citoyens scientifiques. Les images de la grenouille, partagées en ligne par Lohit, ont suscité des comparaisons avec les champignons d’un genre connu sous le nom de Mycena (mycènes), qui se développe généralement sur du bois en décomposition. L’apparition d’un tel champignon sur un amphibien vivant constituait une énigme déconcertante : comment ce champignon a-t-il poussé sur la grenouille ? Est-il bénin ou pathogène ? Les scientifiques ne le savent pas encore et n’ont que peu de moyens à leur disposition pour brosser un tableau clair de la situation, avec seulement quelques photographies à leur disposition.
Les champignons proposés, qui ressemblent à des mycènes, poussent bien dans ce milieu. Les forêts humides des Ghats occidentaux, alimentées par la mousson, constituent un terrain idéal pour la croissance de tels champignons, grâce à leur combinaison d’humidité et de matière organique. Cependant, en l’absence d’une étude approfondie, l’impact de ce champignon sur la santé de la grenouille reste inconnu.
Bien que cette excroissance soit bénigne, d’autres champignons sont beaucoup moins indulgents. La chytridiomycose, une infection causée par un champignon appelé Batrachochytrium dendrobatidis, a été associée au déclin massif des populations (plus de 90 %) et à l’extinction de centaines d’espèces d’amphibiens.
Seules des études plus approfondies, et peut-être une seconde observation, pourraient apaiser les spéculations sur ce spécimen très inhabituel.
L’étude publiée dans la revue Reptiles and Amphibians : Mushroom Sprouting out of a Living Frog.