Des astronomes détectent pour la première fois un potentiel "effet de gloire" sur une lointaine et brulante exoplanète
Un monde tristement célèbre pour ses conditions infernales pourrait bien avoir été le théâtre de l’un des plus beaux phénomènes jamais observés sur exoplanète.
Image d’entête : représentation artistique d’une gloire géante scintillant sur WASP-76b. (ESA)
Dans le ciel chargé de métal de la planète WASP-76b, les astronomes ont découvert un halo de lumière scintillant et multicolore appelé « gloire« . Ce spectacle n’a jamais été observé en dehors du système solaire, et à l’intérieur de celui-ci, seulement sur deux mondes : la Terre (bien sûr) et Vénus.
Gloire sur Terre photographiée depuis la station spatiale internationale par l’astronaute allemand Alexander Gerst. (Alexander Gerst/ Wikimedia)
Constituées d’une série d’anneaux concentriques autour d’un centre lumineux, ces splendides démonstrations de couleurs nécessitent des conditions spécifiques pour se former. La lumière doit briller sur un brouillard de gouttelettes sphériques qui ont toutes plus ou moins la même taille. Son apparition sur WASP-76b peut donc révéler quelque chose sur l’atmosphère mystérieuse de ce monde extraterrestre.
Vues simulées d’une gloire sur Vénus et sur la Terre. (ESA)
Selon l’astronome Olivier Demangeon, de l’Institut d’astrophysique et des sciences de l’espace au Portugal :
Il y a une raison pour laquelle aucune gloire n’a encore été observée en dehors de notre système solaire : elle requiert des conditions très particulières. Tout d’abord, il faut que les particules atmosphériques soient presque parfaitement sphériques, complètement uniformes et suffisamment stables pour être observées sur une longue période. L’étoile voisine de la planète doit briller directement sur elle, et l’observateur, ici CHEOPS, doit se trouver dans la bonne position.
L’exoplanète WASP-76b est l’une des préférées des planétologues. Elle orbite autour d’une étoile jaune-blanc un peu plus grosse que le Soleil dans la constellation des Poissons, à quelque 640 années-lumière de la Terre. Son orbite autour de l’étoile est incroyablement rapprochée, puisqu’elle en fait le tour en seulement 1,8 jour. Cette proximité signifie qu’elle est aussi incroyablement chaude, les températures diurnes dépassant les 2 400 °C, ce qui est assez chaud pour vaporiser le fer. Et du fer, il y en a. Il y a littéralement des nuages de cet élément dans l’atmosphère gonflée de l’exoplanète. WASP-76b représente 90 % de la masse de Jupiter, mais environ 185 % de sa taille.
Représentation artistique de la face nocturne de WASP-76b où pleuvent des gouttes de pluie de fer en fusion. (ESO/M. Kornmesser/L. Calçada)
Lorsque la planète passe devant son étoile (transit), les astronomes peuvent observer son atmosphère. Jusqu’à présent, outre le fer, ils ont identifié du sodium, du calcium, du chrome, du lithium, de l’hydrogène, du vanadium, du magnésium, de l’azote, du manganèse, du potassium et du baryum.
C’est l’un des mondes les plus observés de la galaxie. Et dans toute cette observation, les astronomes ont remarqué quelque chose d’étrange à propos de la luminosité de l’exoplanète. Dans les données recueillies par le satellite CHEOPS (CHaracterising ExOPlanet Satellite) de l’Agence spatiale européenne (ESA), les chercheurs ont remarqué un excès de luminosité au niveau du terminateur oriental, la ligne qui marque la limite entre le jour et la nuit.
Selon Olivier Demangeon :
C’est la première fois qu’un changement aussi brutal est détecté dans la luminosité d’une exoplanète. Cette découverte nous amène à émettre l’hypothèse que cette lueur inattendue pourrait être causée par une forte réflexion localisée et anisotrope (dépendant de la direction), l’effet de gloire.
Le signal est très faible et d’autres travaux seront nécessaires pour confirmer qu’il s’agit bien d’un effet de gloire sur WASP-76b. Cependant, si c’est le cas, cela révélera quelque chose de nouveau sur la composition de la haute atmosphère de l’exoplanète.
L’effet ayant été analysé sur 23 observations en 3 ans, il est clair que les gouttelettes d’aérosol sphériques doivent être constamment présentes dans les nuages de l’exoplanète ou se renouveler à un rythme constant. Pour cela, il faut que les températures dans l’atmosphère de WASP-76b soient stables sur le long terme. Si le phénomène s’avère être une énorme gloire, les scientifiques devront modéliser l’atmosphère de la planète pour déterminer les conditions qui favorisent sa présence.
La découverte pourrait également avoir des implications plus importantes. L’identification positive d’une gloire sur WASP-76b donnerait aux scientifiques un modèle pour rechercher le même phénomène sur d’autres exoplanètes. En outre, le fait de pouvoir préciser les changements de lumière pourrait conduire à la découverte d’autres caractéristiques, telles que la lumière des étoiles scintillant sur les océans et les lacs liquides, de la même manière que la lumière du soleil brille sur les océans de la Terre.
De futures observations sont prévues…
L’étude publiée dans la revue Astronomy & Astrophysics : Asymmetry in the atmosphere of the ultra-hot Jupiter WASP-76 b et présentée sur le site de l’Agence spatiale européenne (ESA) : First ‘glory’ on hellish distant world?