Dans l’optique de produire un ordinateur sur le modèle d’un cerveau, des scientifiques créés une cellule cérébrale fonctionnelle à partir d’un mélange de sel et d’eau
Des chercheurs ont simulé pour la première fois des connexions neurologiques, des synapses, en utilisant de l’eau et des sels identiques à ceux utilisés par le cerveau, contribuant ainsi à un domaine émergent qui associe la biologie et l’électronique, “l’iontronic”.
Image d’entête : une représentation graphique de la synapse. La synapse est constituée de sphères colloïdales séparées par des nanocanaux. (Université d’Utrecht)
L’équipe de l’université d’Utrecht (Pays-Bas) et de l’université de Sogang (Corée du Sud) affirme s’être inspirée du fonctionnement du cerveau humain, qui utilise également des particules chargées, appelées ions, dissoutes dans l’eau pour transmettre des signaux à l’intérieur des neurones. Une caractéristique importante de la capacité du cerveau à traiter les informations est la plasticité synaptique, qui permet aux neurones d’ajuster la force des connexions entre eux en réponse à l’historique des entrées.
A partir de l’étude : Schéma simplifié de la transmission du signal synaptique. Un potentiel d’action déclenche la libération d’un neurotransmetteur (non représenté) par le neurone présynaptique (orange), qui se lie aux récepteurs du neurone postsynaptique (jaune), ce qui peut induire un transport d’ions et modifier son potentiel membranaire (8). La conductance dynamique du canal est analogue à la force synaptique. (T. Kamsma et col./ PNAS)
Appelé memristor iontronic, le dispositif “se souvient” de la quantité de charge électrique qui l’a précédemment traversé, ce qui nous rapproche de la création de systèmes artificiels capables d’imiter les superpouvoirs du cerveau humain.
Selon le physicien théoricien Tim Kamsma, de l’université d’Utrecht :
Il s’agit d’une avancée cruciale vers des ordinateurs capables non seulement d’imiter les schémas de communication du cerveau humain, mais aussi d’utiliser le même support.
En forme de cône contenant une solution d’eau et de sel, le memristor iontronic ne mesure que 150 sur 200 micromètres, soit la largeur de trois ou quatre cheveux humains côte à côte. Les impulsions électriques provoquent le déplacement des ions dans le canal conique, les variations de la charge électrique entraînant des variations dans le mouvement des ions. Le changement dans la façon dont la synapse conduit l’électricité peut être mesuré et décodé pour comprendre quel était le signal d’entrée, ce qui représente une sorte de mémoire.
A partir de l’étude : image microscopique de la synapse artificielle. (T. Kamsma et col./ PNAS)
Le dispositif, et l’iontronic en général, n’en sont qu’à leurs débuts. Cependant, la façon dont la longueur du canal affecte la durée de rétention de la mémoire du memristor suggère déjà que les canaux pourraient être adaptés à des tâches spécifiques, comme ils le sont dans le cerveau. Les physiciens veulent également voir comment ces synapses synthétiques pourraient être combinées de différentes manières.
Étant relativement rapide et peu coûteuse à produire, cette nouvelle technologie pourrait être mise à l’échelle pour toute une série d’applications futures.
Toujours selon Kamsma :
Alors qu’il existe déjà des synapses artificielles capables de traiter des informations complexes à partir de matériaux solides, nous montrons aujourd’hui pour la première fois que cet exploit peut également être réalisé à l’aide d’eau et de sel. Nous reproduisons effectivement le comportement neuronal à l’aide d’un système qui utilise le même support que le cerveau.
L’espoir est qu’en suivant si fidèlement le plan fourni par le cerveau, plutôt qu’en s’appuyant sur des processus et des composants électriques traditionnels, nous pourrons nous rapprocher de la capacité et de l’efficacité du cerveau avec nos ordinateurs. Pour les chercheurs, il s’agit également d’un exemple probant de la manière dont la physique théorique et expérimentale peut être combinée pour ouvrir de nouvelles perspectives scientifiques.
L’étude publiée dans PNAS : Brain-inspired computing with fluidic iontronic nanochannels et présentée sur le site de l’Université d’Utrecht : First experimental proof for brain-like computer with water and salt.