Finalement, les tyrannosaures étaient loin d’être aussi intelligents qu’un singe
Le Tyrannosaurus rex était à peu près aussi intelligent que les crocodiles modernes et d’autres reptiles, selon une équipe de chercheurs qui a étudié les récentes affirmations selon lesquelles les prédateurs du Crétacé auraient été aussi intelligents que des singes.
Image d’entête : une représentation du Tyrannosaurus rex. (RJ Palmer)
Il n’y a pas si longtemps, la neuroscientifique brésilienne Suzana Herculano-Houzel a publié une étude controversée (lien ci-dessous) qui affirmait avec audace que le T. rex avait une intelligence rivalisant avec celle des babouins modernes. L’hypothèse était que le Tyrannosaurus rex était très intelligent et qu’il aurait même pu utiliser des outils. Selon cette étude, il aurait pu transmettre ses connaissances à sa progéniture par le biais d’une transmission culturelle.
La précédente étude de la neuroscientifique brésilienne Suzana Herculano-Houzel :
Tout cela a naturellement attiré l’attention des médias. Soudain, le roi des dinosaures était non seulement physiquement menaçant, mais aussi très intelligent (pour un reptile).
Cependant, une nouvelle étude publiée cette semaine (lien plus bas) ne va pas dans le même sens et tempère notre enthousiasme. Selon une équipe internationale de paléontologues qui a réexaminé l’étude de Herculano-Houzel, les estimations du nombre de neurones du T. rex étaient erronées. Ils proposent une évaluation plus prudente et concluent que le T. rex et d’autres dinosaures similaires étaient probablement aussi intelligents (ou stupides) que les crocodiles et les lézards modernes.
Après avoir lu attentivement l’étude originale, les chercheurs ont constaté qu’elle comportait plusieurs lacunes et qu’elle ne tenait pas compte des recherches plus larges dans le domaine de la paléontologie. Cela les a incités à tenter une nouvelle fois d’estimer le nombre de neurones chez les dinosaures, et en particulier chez le T. rex, qui est devenu un « organisme modèle » pour les espèces fossiles, et selon les chercheurs :
Nos résultats sont cohérents avec ce que nous savions déjà sur la biologie et l’intelligence des dinosaures, mais nous restons convaincus qu’ils sont importants et passionnants, car ils constituent, jusqu’à présent, les estimations les plus fiables dont nous disposons sur le nombre de neurones dans le cerveau des dinosaures.
La première méthodologie utilisée pour évaluer la taille du cerveau des dinosaures reposait principalement sur les endocastes, des moules naturels ou artificiels de la cavité cérébrale du crâne. Ces endocastes étaient censés représenter fidèlement la taille et la forme du cerveau, ce qui permettait aux neuroscientifiques d’en estimer le volume. Les caractéristiques morphologiques de base ont ensuite été comparées à celles d’espèces vivantes pour en déduire les capacités cognitives et les traits comportementaux. Par exemple, un volume cérébral plus élevé par rapport à la taille du corps (quotient d’encéphalisation ou QE) est souvent lié à une intelligence plus élevée. L’étude initiale a permis d’établir que le QE du T. rex était à peu près le même que celui des primates.
Toutefois, cette méthode présentait d’importantes limites. Tout d’abord, elle supposait que l’endocaste correspondait parfaitement à la morphologie du cerveau. Ce n’est pas toujours le cas, en particulier chez les dinosaures non aviaires dont le cerveau ne remplissait pas complètement la cavité crânienne. Deuxièmement, l’utilisation d’animaux modernes comme analogues directs d’espèces disparues ne tient pas compte des vastes changements évolutifs et des adaptations qui se sont produits au cours de millions d’années.
Représentation d’une image thermique d’un T. rex avec sa fenestra dorsotemporale brillante sur le crâne. Cette ouverture joue un rôle dans la fixation du muscle de la mâchoire. (Brian Engh./ Université du Missouri)
Selon Hady George de kl-Université de Bristol et coauteur de l’étude :
Dans l’étude précédente, la densité des neurones dans le cerveau des dinosaures a été déterminée en tentant de déduire le métabolisme à l’aide d’une mesure de la taille relative du cerveau. En gros, si la métrique était suffisamment élevée, on pensait que la densité de neurones était la même que celle de nombreux oiseaux modernes à sang chaud, et si la métrique était suffisamment faible, on pensait que la densité de neurones était la même que celle de nombreux reptiles modernes à sang froid. Cette méthode est profondément erronée, car elle ne tient pas compte d’autres sources de données permettant de déduire le métabolisme des dinosaures et les différences de forme du cerveau qui sont directement liées à la densité des neurones dans le cerveau. Nous montrons que tous les dinosaures, à l’exception de ceux qui sont très proches des oiseaux, ont des cerveaux qui sont probablement remplis avec la même densité que ceux des reptiles modernes et non des oiseaux. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles nos résultats ont révélé un nombre de neurones beaucoup plus faible.
Selon les chercheurs, prédire l’intelligence d’espèces disparues depuis des dizaines de millions d’années simplement en examinant des endocastes ou des cavités cérébrales en général n’est pas une bonne pratique. Ces recherches doivent au contraire être plus holistiques/ avoir une vision plus globale. Il faut également tenir compte d’autres éléments, tels que l’anatomie du squelette, le comportement des parents vivants, les traces de fossiles, etc.
Dans l’ensemble, la nouvelle étude a révélé que l’estimation précédente du nombre de neurones de T. rex était largement surestimée, en particulier pour le cerveau frontal. Au lieu des 3 milliards de neurones indiqués précédemment, le cerveau du T. rex ne comptait pas plus de 1,7 milliard de neurones. Et même ce résultat est peut-être trop généreux. Un nombre de neurones plus réaliste se situe peut-être autour de 250 millions, ce qui correspond à peu près au nombre de neurones du cerveau du chat, une espèce beaucoup plus petite. Le T. rex était probablement plus proche d’un crocodile géant, en termes d’intelligence et de comportement, que d’un babouin. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’était pas sophistiqué. Il était encore capable, d’un point de vue cognitif, de maîtriser des proies dangereuses, de faire son nid et de faire la cour à ses partenaires.
Relation entre la masse cérébrale et la masse corporelle chez les vertébrés terrestres. Les dinosaures comme le T. rex ont des rapports entre la taille du cerveau et celle du corps similaires à ceux des reptiles vivants. (Cristian Gutierrez-Ibanez/ Université de Bristol)
Selon Darren Naish, paléozoologue à l’université de Southampton et coauteur de l’étude :
La possibilité que le T. rex ait pu être aussi intelligent qu’un babouin est à la fois fascinante et terrifiante, car elle pourrait réinventer notre vision du passé. Mais notre étude montre que toutes les données dont nous disposons vont à l’encontre de cette idée. Ils ressemblaient plutôt à des crocodiles géants et intelligents, et c’est tout aussi fascinant.
Nous espérons que de futures études exploreront les estimations du nombre de neurones dans d’autres groupes de fossiles, car cela pourrait grandement contribuer à l’évolution des cerveaux et de la cognition.
L’étude publiée dans The Anatomical Record : How smart was T. rex? Testing claims of exceptional cognition in dinosaurs and the application of neuron count estimates in palaeontological research et présentée sur le site de l’Université de Bristol : T. rex not as smart as previously claimed, scientists find.
Article intéressant, mais le T-rex comme les dinosaures ne sont pas des reptiles … un groupes à part avec leurs spécificités anatomiques