En s’aidant de leurs restes, des scientifiques ont estimé les doses de radiation reçues par les victimes d’Hiroshima
Cela fait maintenant 73 ans que le bombardement d’Hiroshima a eu lieu, et les scientifiques tentent toujours d’évaluer l’impact de l’explosion sur la santé humaine. Au cours de ces sept décennies, les chercheurs ont essayé de déterminer la quantité de radiations produite par les retombées, la portée du rayonnement infligé à la population et son incidence sur le bien-être physique. Ainsi, les scientifiques ont rapidement commencé à étudier comment les retombées radioactives ont rendu les gens malades et ont eu un impact sur leur ADN.
Un groupe de scientifiques brésiliens a assuré le suivi de ces travaux de recherche et ils ont réussi à déduire la dose exacte de rayonnement absorbée dans les os des victimes après le bombardement. Selon l’équipe, cette étude est unique en ce qu’elle utilise des échantillons de tissus humains provenant de victimes d’Hiroshima.
Entre 90 000 et 120 000 civils ont été tués lorsque les États-Unis ont fait exploser une arme nucléaire de 15 kilotonnes au-dessus de la ville japonaise d’Hiroshima, le 6 août 1945. De nombreux civils ont été tués instantanément, mais une partie importante a survécu à l’explosion initiale pour succomber à leurs blessures au cours des jours, des semaines et des mois qui suivirent. Un grand nombre d’entre eux sont morts des suites d’un grave empoisonnement par irradiation.
De nouvelles recherches améliorent notre image de cet épisode sombre, révélant l’ampleur étonnante à laquelle la population fut exposée aux radiations à Hiroshima. Pour faire leur analyse, une équipe de scientifiques a utilisé une technique qui remonte au début des années 1970 et dont les origines remontent à l’archéologie. Les chercheurs affirment qu’il s’agit de la première tentative réussie d’évaluer la dose de rayonnement dans un échantillon de tissu humain prélevé sur une victime de l’attaque d’Hiroshima.
La résonance de spin électronique (RSE) est utilisée pour mesurer la fréquence de transition entre les différentes vitesses de rotation des électrons ou pour étudier des matériaux avec des électrons non appariés. Dans les années 1970, le coauteur de l’étude, Sérgio Mascarenhas de l’université de São Paulo, au Brésil, a découvert que les rayons X et les rayons gamma magnétisent les os humains, un processus connu sous le nom de paramagnétisme. Ce phénomène fait que la partie minérale de l’os perd des électrons à un rythme mesurable, ce qui conduit à l’idée que le RSE pourrait être utilisé pour une « rétrospective dosimétrique« , une manière fantaisiste de dire que la technique pourrait être utilisée pour créer une chronologie de l’exposition d’un objet au radiations.
Dans un premier temps, Mascarenhas a utilisé la technique pour faire de la datation archéologique, en mesurant l’âge des os, des coquillages, d’anciens outils, etc. Le RSE fonctionne comme une technique de datation parce que les matériaux absorbent naturellement le rayonnement au fil du temps, par exemple par une longue exposition au thorium. Il est vite apparu à Mascarenhas que cette technique pouvait également être utilisée pour mesurer la quantité de rayonnement absorbée lors d’un incident nucléaire, comme le bombardement d’Hiroshima. Avec de cette idée, il est parti au Japon en 1972.
Selon Mascarenhas :
Ils m’ont donné une mâchoire, et j’ai décidé de mesurer les radiations juste là, à l’Université d’Hiroshima. J’avais besoin de prouver expérimentalement que ma découverte était authentique.
La mâchoire d’une victime de la bombe d’Hiroshima. (Sergio Mascarenhas (IFSC-USP))
Mascaren a réussi à obtenir un signal dosimétrique, ce qui suggère que ce dernier était sur une piste. Mais étant donné de la faiblesse du signal et de l’absence d’ordinateurs pour aider à l’analyse, son équipe n’a pas été en mesure de progresser de façon significative dans sa recherche. Mais l’idée de Mascarenhas a enfin été validée.
Selon M. Baffa :
Il y a eu des améliorations majeures dans l’instrumentation pour la rendre plus sensible au cours des 40 dernières années. Maintenant, vous voyez les données traitées numériquement dans des tableaux et des graphiques sur l’écran de l’ordinateur. La physique de base a également évolué au point que vous pouvez simuler et manipuler le signal de l’échantillon à l’aide de techniques informatiques.
La mise à jour de cette technique a également permis aux chercheurs de séparer deux signaux piégés dans l’os, à savoir le signal indicatif du rayonnement d’Hiroshima et le bruit de fond créé par la surchauffe pendant l’explosion.
Dans le cadre de cette nouvelle analyse, Mascarenhas a prélevé le même os de la mâchoire qu’il a utilisé dans l’analyse originale, un os qui a été trouvé de 1,2 à 1,5 km du centre de l’explosion. Les chercheurs ont mesuré une dose de 9,46 grays (Gy), ce qui est très, très élevé. Une personne dont le corps est exposé à 5Gy meurt. Un Gy est l’absorption d’un joule d’énergie (sous forme de rayonnement ionisant) par kilogramme de matière. Ces résultats concordent avec les études génétiques des survivants d’Hiroshima et des objets physiques prélevés sur le site, comprenant des fragments irradiés de briques et de tuiles de maison.
Selon Oswaldo Baffa, de l’Université de São Paulo et coauteur de l’étude:
Imaginez quelqu’un à New York plantant une bombe ordinaire avec une petite quantité de matières radioactives collées à l’explosif. De telles techniques peuvent aider à identifier qui a été exposé à des retombées radioactives et qui a besoin d’être soigné.
L’étude publiée dans PLoS One : Electron spin resonance (ESR) dose measurement in bone of Hiroshima A-bomb victim.