Vampire de Lugnano : découverte en Italie de la sépulture romaine d’un enfant dont on a empêché qu’il ne devienne un mort-vivant
De nos jours, les vampires et les zombies font partie du cinéma, mais pour de nombreuses anciennes cultures, ils étaient considérés comme une menace très réelle. Des archéologues, en fouillant un cimetière d’enfants en Italie, ont découvert un rappel macabre de cette croyance, le squelette d’un enfant avec une grosse pierre enfoncée dans la bouche, une mesure employée il y a fort longtemps pour éviter le retour des morts.
La découverte a été faite à La Necropoli dei Bambini (le Nécropole des Bébés) à Lugnano (Teverina, Italie), un cimetière pour enfants du Ve siècle de notre ère. Dans un tombeau de fortune réalisé en adossant deux grandes tuiles contre un mur, des archéologues ont trouvé le squelette allongé sur son flanc gauche, la roche étant placée dans sa bouche. À en juger par le développement de ses dents, les archéologues estiment que l’enfant avait environ 10 ans au moment de sa mort, bien qu’ils ne puissent pas encore dire si c’était un garçon ou une fille.
(David Pickel/Université Stanford)
Les découvreurs estiment que la roche n’a pas fait son apparition, à son emplacement actuel, au cours des 1 500 dernières années. La façon dont la mâchoire est ouverte n’a pas pu avoir lieu durant le processus normal de décomposition, et il y a des marques de dents sur la pierre qui indiquent qu’elle y a été poussée avec une certaine force.
La roche qui a été enlevée de la bouche du squelette (David Pickel/Université Stanford)
Alors pourquoi cette pierre était-elle délibérément enfoncée dans la bouche de l’enfant entre sa mort et son enterrement ? Dans de nombreuses anciennes civilisations, on croyait qu’après la mort, l’âme s’échappait du corps par la bouche, de sorte que bloquer cette sortie pouvait empêcher les morts de ressusciter.
Pour David Soren, archéologue de l’université d’Arizona, qui supervise les fouilles sur le site depuis les années 1980 :
Je n’ai jamais rien vu de tel. C’est extrêmement étrange et bizarre. Localement, ils l’appellent le « Vampire de Lugnano ».
Bien que ce squelette soit la découverte la plus marquante faite jusqu’à présent dans le cimetière, il s’intègre bien dans l’histoire que relatent ses voisins. Auparavant, une fillette de 3 ans avait été retrouvée enterrée avec de grosses pierres sur les mains et les pieds, dans une tentative apparente de l’empêcher de revenir d’entre les morts. D’autres fouilles dans la région ont également permis de trouver des objets liés à la pratique de la sorcellerie comme des griffes de corbeau, des os de crapaud, des chaudrons de bronze remplis de cendres, et même des chiots qui semblent avoir été sacrifiés.
Selon Soren :
Nous savons que les Romains s’en préoccupaient beaucoup et qu’ils allaient même jusqu’à utiliser la sorcellerie pour empêcher le mal, tout ce qui contamine le corps, de sortir.
Contrairement à ce que les Romains croyaient, la cause de la panique était probablement quelque chose de beaucoup plus naturel que surnaturel : le paludisme. Les analyses ADN de plusieurs des enfants qui y sont enterrés ont révélé des signes d’infection palustre. La maladie semble avoir atteint des proportions épidémiques dans la région au Ve siècle, d’où la nécessité d’un cimetière dédié aux enfants. Bien que les os de l’enfant de 10 ans n’aient pas encore fait l’objet d’un test ADN pour déceler les signes de la maladie, l’enfant avait un abcès dentaire, ce qui est un symptôme.
Bien sûr, il y a 1 500 ans, l’épidémie était plus susceptible d’être attribuée aux revenants. Dans les siècles qui ont précédé la montée du mythe des vampires et des zombies que nous connaissons aujourd’hui, on croyait que les revenants étaient des cadavres réanimés qui ressuscitaient des morts pour transmettre des maladies aux vivants, et les morts continuelles étaient probablement toutes les preuves dont ces personnes avaient besoin.
Des indices de croyances similaires ont été trouvés dans d’autres parties du monde. L’an dernier, des ossements trouvés dans une fosse funéraire du XIe siècle, en Angleterre, présentaient des traces de décapitation, de démembrement et de calcination, dans une tentative manifeste de repousser les revenants.
Selon Jordan Wilson, le bioarchéologue qui a examiné les restes :
Il s’agit d’un traitement mortuaire très inhabituel que l’on trouve sous diverses formes dans différentes cultures, en particulier dans le monde romain, et qui pourrait indiquer la crainte que cette personne ne revienne d’entre les morts et ne tente de transmettre la maladie aux vivants. C’est très humain d’avoir des sentiments compliqués à propos des morts et de se demander si c’est vraiment la fin. Chaque fois que vous pouvez regarder les sépultures, elles sont importantes parce qu’elles ouvrent une fenêtre sur les anciens esprits. Nous avons un dicton en bioarchéologie : « Les morts ne s’enterrent pas tout seuls.” On peut en dire long sur les croyances et les espoirs des gens et sur la façon dont ils traitent les morts.
D’autres fouilles sont prévues à La Necropoli dei Bambini l’été prochain.
Présentée sur le site de l’université d’Arizona : ‘Vampire Burial’ Reveals Efforts to Prevent Child’s Return from Grave.