Les "couteaux suisses" préhistoriques d’une grotte chinoise révèlent un nouveau chapitre de l’histoire de la Chine ancienne
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Des archéologues ont découvert des outils polyvalents en pierre, remontant à au moins 80 000 ans, taillée à l’aide d’une technique qu’on estimait être apparue beaucoup plus tard en Asie. Les archéologues pensaient que ces anciens outils avaient été apportés en Chine par des migrants, mais il semble maintenant qu’ils aient été inventés localement.
Image d’entête : Plusieurs des outils en pierre récemment identifiés, provenant d’une collection de musée. (Hu Yue/ Marwick et col./ Nature)
L’équipe rapporte avoir trouvé des « pierres Levallois« , une technique distinctive de taille de pierre développée par les ancêtres de l’homme moderne. Ce type de technologie est apparu pour la première fois en Europe et en Afrique il y a environ 300 000 ans et elle est remarquable parce qu’il représente le « couteau Suisse/ le multi-outil » du monde préhistorique. Cependant, on pensait que ce type d’outil en pierre ne serait apparu en Asie qu’il y a environ 40 000 ans, de sorte que la nouvelle découverte repousse cette date bien plus loin. Comme les chercheurs n’ont pas été en mesure de relier la découverte à des fossiles ou à des populations migratrices, ils pensent que cette technologie a été développée indépendamment en Asie.
Selon Ben Marwick, professeur d’anthropologie à l’université de Washington et l’un des auteurs de l’étude :
On pensait autrefois que les noyaux Levallois étaient arrivés en Chine relativement récemment avec les humains modernes. Notre travail révèle la complexité et la capacité d’adaptation des personnes qui s’y trouvent, qui sont équivalentes à celles d’ailleurs dans le monde. Cela montre la diversité de l’expérience humaine.
La technique consiste à frapper des éclats lithiques (de pierre) à partir d’un noyau lithique préparé. Les bords du noyau sont rognés en éliminant les morceaux autour du contour de ces éclats lithiques, créant ainsi une forme bombée sur le côté du noyau. Puis, lorsque la plate-forme de frappe est finalement heurtée, un éclat lithique se sépare du noyau avec une forme particulière. Cette méthode permet un grand contrôle de la taille et de la forme de l’outil final, qui aurait été utilisé comme couteau ou racleur. Des projectiles pourraient également être dérivés à l’aide d’une technique similaire.
Animation présentant le débitage Levallois à éclat préférentiel. (Wikimédia)
Ce type d’outil est considéré comme défini par le niveau de sophistication de la culture qui l’a construit. La méthode de taille Levallois est nommée d’après le faubourg Levallois-Perret à Paris, où les premiers éclats de pierre ont été trouvés dans les années 1800.
Ces objets ne sont pas nouveaux, ils ont été fabriqués dans la grotte de Guanyindong dans la province du Guizhou en Chine dans les années 1960 et 1970. Marwick et ses collègues les datent maintenant à l’aide de la luminescence optiquement stimulée (LSO), qui permet de déterminer l’âge en évaluant quand un échantillon de sédiments, jusqu’à un grain de sable, a été exposé pour la dernière fois à la lumière du soleil, ce qui indique la durée durant laquelle il est resté enfoui dans le sédiment. Il s’agit d’une technique de datation relativement inhabituelle, mais précise.
Le site de la grotte de Guanyindong est situé dans le sud de la Chine.
Selon Bo Li, professeur agrégé d’archéologie à l’université de Wollongong en Australie et l’un des auteurs de l’étude :
La datation de ce site a été difficile parce qu’il a été excavé il y a 40 ans et que le profil sédimentaire a été exposé à l’air et sans protection. Ainsi, des arbres, des plantes, des animaux, des insectes pourraient perturber la stratigraphie, ce qui pourrait affecter les résultats de la datation si des méthodes conventionnelles étaient utilisées pour la datation. Pour résoudre ce problème, nous avons utilisé une nouvelle technique de datation mono-grain récemment mise au point dans notre laboratoire OSL à l’université de Wollongong pour dater les grains minéraux individuels dans les sédiments. Heureusement, nous avons trouvé des sédiments résiduels laissés par les fouilles précédentes, ce qui nous a permis de prélever des échantillons pour la datation.
On ne sait pas exactement qui a mis au point ces outils, bien qu’il s’agisse probablement d’un des précurseurs de l’homme moderne. Après les pierres de Levallois, l’étape technologique suivante a été le développement d’outils de coupe plus affinés à base de roches et de minéraux plus résistants au débitage. Viennent ensuite les outils composés, comme les pointes de lance.
Selon M. Marwick :
L’apparition de la stratégie Levallois représente une forte augmentation de la complexité de la technologie parce qu’il y a tellement d’étapes à franchir pour obtenir le produit final, comparé aux technologies précédentes.
La principale conclusion est que ce type d’innovation dans le domaine des outils en pierre a évolué indépendamment dans plusieurs régions du monde, ce qui n’est pas inhabituel. La construction navale s’est développée indépendamment dans plusieurs parties du monde, tout comme l’écriture, par exemple.
L’étude publiée dans Nature : Late Middle Pleistocene Levallois stone-tool technology in southwest China et présentée sur le site de l’université Wollongong : New stone tools analysis challenges theories of human evolution in East Asia.