Découverte du visage de l’un de nos plus insaisissables ancêtres
Le visage simiesque (de singe) d’un de nos premiers ancêtres connus a été révélé pour la première fois, grâce à la découverte en Ethiopie d’un crâne presque complet.
Le cranium, le crâne moins la mâchoire inférieure, appartient à l’Australopithecus anamensis qui vivait dans le bassin Afar en Ethiopie il y a environ 3,8 millions d’années.
Image d’entête : un composite du crâne de 3,8 millions d’années de l’anamensis Australopithecus et de sa reconstruction morphologique faciale. (Jennifer Taylor/ Cleveland Museum of Natural History/ John Gurche/ Susan et George Klein)
On pense que les Australopithèques sont les ancêtres directs des premiers membres de notre propre genre, Homo, qui est apparu avec l’Homo habilis, il y a environ 2,4 millions d’années.
Plusieurs espèces d’Australopithèques ont été identifiées. Le plus connu d’entre eux est l’Australopithecus afarensis, l’espèce qui compte Lucy en tant que célèbre porte-drapeau.
L’A. anamensis est le membre le plus ancien des Australopithèques, mais il est beaucoup moins bien connu, en partie à cause du faible nombre de fossiles, constitué de touts petits fragments de membres, d’os de mâchoires et de dents.
La nouvelle découverte de Yohannes Haile-Selassie du Musée d’Histoire Naturelle de Cleveland (Etats-Unis), et de ses collègues, pourrait changer cela.
Le crâne remarquablement complet d’un ancêtre humain du genre Australopithecus comble certaines lacunes de l’arbre évolutionnaire humain. (Dale Omori / Musée d’histoire naturelle de Cleveland)
Selon Haile-Selassie :
Le crâne est l’un des spécimens les plus importants que nous ayons trouvés si loin du site.
Ses dents et sa mâchoire supérieure indiquent clairement qu’il s’agit d’un membre d’A. anamensis, et un document d’accompagnement date les sédiments autour des restes à 3,8 millions d’années, similaires dans leur ancienneté aux autres découvertes faites avec l’A. anamensis.
L’analyse des sédiments fournit également des indices sur l’environnement dans lequel il vivait.
Selon la géologue Beverly Saylor de l’université Case Western Reserve, aux États-Unis, qui a dirigé l’analyse des sédiments :
Il y avait des forêts sur les rives du lac et le long de la rivière qui s’y jetait. Mais la région environnante était sèche et peu boisée.
Le crâne a été trouvé en deux parties, la mâchoire supérieure coupée du reste de la tête. Ces deux pièces s’emboîtent parfaitement, dit Haile-Selassie, et d’autres morceaux plus petits, dont l’orbite d’un œil, ont été trouvés à proximité.
Le crâne de l’Australopithecus anamensis. Des reconstructions superficielles (jaunes) de fossiles représentant les seules parties de la région crânienne de cette espèce qui étaient connues auparavant sont superposées au crâne. Ces fossiles vieux de 4,2 millions d’années provenant du Kenya sont un os de la mâchoire supérieure et un os de la mâchoire inférieure et de l’oreille. Les pommettes saillantes (flèche bleue) créent une similitude faciale apparente avec un spécimen de 2,5 millions d’années du Paranthropus aethiopicus hominin. (Dale Omori / Musée d’histoire naturelle de Cleveland/ Nature)
Ensemble, les fossiles donnent une image claire du visage d’A. anamensis et de sa place dans l’arbre généalogique humain.
De nombreuses caractéristiques d’A. anamensis sont semblables à celles d’un singe. Il avait un museau prononcé et son cerveau aurait été de la même taille que celui d’un chimpanzé. Mais d’autres caractéristiques rappellent les espèces d’hominidés qui ont vécu beaucoup plus tard. Par exemple, ses pommettes étaient orientées vers l’avant, préfigurant les visages plus plats qui se sont développés chez Homo habilis et, plus tard, chez notre propre espèce.
Reconstitution de la morphologie faciale du spécimen d’Australopithecus anamensis de 3,8 millions d’années. (Photographie de Matt Crow / Reconstruction faciale de John Gurche/ Susan et George Klein/ Cleveland Museum of Natural History)
Une comparaison du crâne avec d’autres spécimens d’australopithèque à travers l’Afrique suggère également que les précédentes hypothèses sur l’évolution de nos ancêtres méritent d’être redéfinies.
Dans l’imaginaire populaire, l’évolution humaine passe par une série d’espèces, chacune étant une version plus évoluée de la précédente. La plupart du temps, ce n’est pas vraiment le cas. Les espèces représentent souvent des branches séparées sur un arbre, les ancêtres directs, les extrémités des branches, ne laissant aucune trace et selon Spoor :
On ne trouve presque jamais le véritable ancêtre de quelque chose d’autre.
Mais pendant longtemps, l’A. anamensis a été considéré comme l’un de ces rares cas d’être un ancêtre direct de l’A. afarensis , Lucy.
Cette nouvelle trouvaille remet en question cette hypothèse. Pour commencer, les deux espèces se sont croisées pendant une période d’au moins 100 000 ans.
Cependant, pour Haile-Selassie, la découverte n’exclut pas cela. Une population d’A. anamensis aurait pu donner naissance à l’A. afarensis, tandis que d’autres ont divergé dans une autre direction. Sans plus de fossiles, c’est difficile d’en être sûr.
Maintenant que les caractéristiques faciales de l’A. anamensis ont été révélées, des études pour mieux comprendre sa vie sont possibles.
Les caractéristiques faciales robustes indiquent un régime alimentaire qui exige une bonne mastication. Mais la modélisation biomécanique des muscles faciaux et l’analyse isotopique des dents donneront une idée encore plus précise de la vie en Ethiopie il y a 3,8 millions d’années.
L’étude publiée dans Nature : A 3.8-million-year-old hominin cranium from Woranso-Mille, Ethiopia et présentée sur le site Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology : A face for Lucy’s ancestor.