La toute première image d’un bout de la toile cosmique reliant les galaxies entre elles
Des traînées de gaz légèrement brillantes entourant des galaxies situées à 12 milliards d’années-lumière ont donné aux astronomes leur première chance de confirmer l’existence d’une structure connue sous le nom de toile cosmique.
Image d’entête : un amas massif de galaxies avec des filaments cosmiques, issue de la simulation Cluster-Eagle. (Joshua Borrow/ C-EAGLE)
C’est une toile de filaments de gaz, que le modèle standard de la cosmologie prédit qu’elle se serait formée à la suite du Big Bang. Là où ces filaments galactiques géants se croisent, selon la théorie, c’est là que les galaxies se forment.
Selon Erika Hamden, astrophysicienne à l’université d’Arizona (États-Unis), des indices suggérant que de tels filaments pourraient exister, s’étaient déjà manifestées dans les spectres de galaxies lointaines, qui contenaient des bandes d’absorption indiquant que leur lumière avait traversé de grands nuages d’hydrogène avant d’atteindre la Terre.
Il y a donc beaucoup d’hydrogène entre vous et les galaxies.
Mais on ne savait pas si cela signifiait que la lumière avait traversé un ou plusieurs des filaments de la toile cosmique, ou autre chose.
Dans une étude publiée la semaine dernière, une équipe dirigée par Hideki Umehata, astronome au RIKEN (Cluster for Pioneering Research), Japon, a utilisé l’un des plus grands télescopes de la Terre pour observer une protogalaxie massive appelée SSA22, à 12 milliards d’années-lumière en direction de la constellation du Verseau.
C’est assez loin pour que la lumière de l’Univers ait voyagé vers nous pendant la plus grande partie de son histoire… ce qui signifie que l’équipe d’Umehata regardait dans le passé, seulement 1,8 milliard d’années après le Big Bang.
L’équipe d’Umehata a ensuite fait passer la lumière à travers un spectroscope pour voir si l’hydrogène s’éclairait sous l’effet du rayonnement à haute énergie des galaxies proches.
La détection a été rendue possible, ajoute-t-elle, grâce à un instrument spectrographique appelé Multi Unit Spectroscopic Explorer (MUSE) : un spectrographe à haute résolution qui permet aux astronomes de rechercher les signatures spectroscopiques de choses comme l’hydrogène, sur un large champ de vision.
L’amas de galaxies SSA22, traversé par deux filaments cosmiques s’étendant horizontalement en haut et en bas. (Hideki Umehata)
Selon Hamden :
C’est la seule raison pour laquelle on pouvait le faire, parce que ces structures sont si grandes qu’il faut un grand champ de vision [pour les voir].
C’est un résultat important, car la toile cosmique est l’une des principales prédictions du modèle standard de la cosmologie. Le fait d’en trouver un morceau est un indicateur que nous sommes sur la bonne voie.
C’est aussi important, dit-elle, parce que les astronomes croient depuis longtemps que la majeure partie de la matière normale de l’Univers ne se trouve pas dans les galaxies. La preuve de l’existence de la toile est donc une étape importante pour déterminer où elle se trouve.
La prochaine étape, pour Umehata, est de chercher d’autres filaments et il ajoute :
Jusqu’à présent, nous venons d’ouvrir une petite fenêtre. La toile cosmique devrait être beaucoup plus grande.
De plus, ajoute-t-il, il serait utile de rechercher des éléments autres que l’hydrogène, comme l’hélium ou le carbone, et de chercher des filaments plus anciens plus près de la Terre.
Ce serait excitant de voir l’évolution des filaments, et la formation de galaxies dans les filaments, à travers le temps cosmique.
L’étude publiée dans Science : Gas filaments of the cosmic web located around active galaxies in a protocluster et présentée sur le site du RKEN : Massive filaments fuel the growth of galaxies and supermassive black holes.