Des scientifiques filment des atomes formant des liaisons chimiques en temps réel
C‘est la première fois que des images de liaison et de séparation d’atomes ont été enregistrées.
En utilisant la microscopie électronique à transmission (MET) pour visualiser et activer un groupe d’atomes, des scientifiques ont pour la première fois enregistré des images d’atomes qui se lient et se séparent en temps réel.
Image d’entête : des scientifiques ont filmé une paire d’atomes de rhénium (simulés ici en vert) alors qu’ils se liaient sur un nanotube de carbone (en gris). (Université de Nottingham)
Selon Andrei Khlobystov, professeur à l’université de Nottingham (Royaume-Uni) et l’un des principaux auteurs de cette nouvelle étude :
À notre connaissance, c’est la première fois que l’évolution, la rupture et la formation de liaisons à l’échelle atomique ont été enregistrées sur film.
La MET ressemble à la photographie traditionnelle sur film, en ce sens qu’il projette un faisceau d’électrons sur un échantillon très mince pour produire des images d’une résolution si élevée que l’on peut discerner les différents atomes.
La liaison chimique se produit à une échelle microscopique, environ un demi-million de fois plus petite que la largeur d’un cheveu humain.
Imager les processus ultra-rapides qui se produisent dans un monde aussi minuscule constituait un véritable défi, mais l’équipe internationale de chercheurs a su se montrer à la hauteur de la situation.
Les chercheurs, qui comprenaient des scientifiques de l’université de Nottingham et du projet SALVE de l’université d’Ulm (Allemagne), ont introduit des paires d’atomes de rhénium (Re), dans un “nano-test tube” constitué de nanotubes de carbone à paroi simple. En tant que métal de transition, le rhénium peut faire preuve de créativité avec ses liaisons. Les atomes forment des liaisons chimiques en donnant ou en partageant les électrons chargés négativement qui entourent leurs noyaux chargés positivement. La plupart des atomes ne peuvent former des liaisons qu’avec les électrons de leur enveloppe extérieure, mais les métaux de transition peuvent utiliser les électrons de deux couches extérieures.
Un atome de rhénium ne mesure que 205 picomètres de diamètre, soit 205 trillionièmes de mètre, alors que le diamètre d’un nanotube de carbone varie d’un nanomètre à quelques nanomètres.
Les atomes de rhénium se sont liés sur le côté des nanotubes de carbone, formant une quadruple liaison entre eux et ce confinement s’est avéré essentiel pour la focalisation et l’enregistrement des images de la liaison atomique. Dans leur étude, les auteurs expliquent que la courbure des nanotubes influence les modes de liaison dont disposent les atomes de rhénium pour former des molécules de rhénium.
Selon Kecheng Cao, un des auteurs de l’étude :
Il était étonnamment clair que les deux atomes se déplacent par paires, ce qui indique clairement une liaison entre eux. Il est important de noter que lorsque Re2 se déplace vers le bas du nanotube, la longueur de la liaison change, ce qui indique que la liaison devient plus forte ou plus faible selon l’environnement qui entoure les atomes.
Au final, les chercheurs ont réussi à enregistrer des vidéos des atomes formant des liaisons métal-métal pur en temps réel. De plus, le faisceau électronique du microscope a non seulement enregistré l’expérience, mais l’a également facilitée en ajoutant de l’énergie électronique.
Dans la vidéo, les paires d’atomes (points noirs) se déplacent le long de l’étroit espace entre les nanotubes de carbone. Lorsque la longueur de la liaison a dépassé la taille des atomes, la liaison s’est rompue. Après avoir voyagé indépendamment pendant un certain temps, les deux atomes se sont reformés en une molécule, car cette configuration plus stable réduit leur énergie.
Ces découvertes sont passionnantes, non seulement parce qu’elles représentent un accomplissement sans précédent, mais aussi parce qu’elles enrichissent nos connaissances sur les liaisons métalliques, qui sont encore assez mystérieuses. Elles sont en effet difficiles à étudier, car d’autres atomes et molécules sont attirés par elles, ce qui fausse la longueur des liaisons et d’autres facteurs que les scientifiques aimeraient mesurer.
L’étude publiée dans Science Advances : Imaging an unsupported metal–metal bond in dirhenium molecules at the atomic scale et présentée sur le site de l’université de Nottingham : Walking with atoms – chemical bond making and breaking recorded in action.