Agrégations façon K-Pop : les bandes d’oiseaux composées de plusieurs espèces se comportent comme des groupes de Pop coréenne
Dans le monde, des oiseaux de multiples espèces différentes volent et se nourrissent souvent ensemble. En Amazonie, jusqu’à 50 espèces peuvent ainsi voyager ensemble.
Mais les oiseaux de ces nuées/ agrégations mixtes coopèrent-ils les uns avec les autres ou sont-ils en compétition ?
Une nouvelle étude suggère les deux. Tout comme un groupe de Pop coréenne (K-pop) comme BTS (image d’entête, à côté d’une Mésange bicolore), Blackpink ou Red Velvet, que le Guru cite, mais qui lui sont totalement étranger et c’est peut-être d’ailleurs mieux ainsi…
Une analogie tordue ? Pas du tout selon les biologistes. Les groupes de K-Pop travaillent ensemble tout en ayant chacun leur propre style et savoir-faire. Vous avez souvent un leader, un qui rape, un danseur meilleur que les autres, un guitariste… « C’est la même chose avec les oiseaux », explique Harrison Jones, doctorant au département de biologie de l’université de Floride et auteur principal d’une nouvelle étude sur la dynamique des nuées (agrégation) qui ajoute :
Il faut être assez semblable aux autres membres pour s’entendre en groupe mais aussi être spécialisé d’une certaine manière. Ils traînent ensemble parce qu’ils ont des choses en commun, mais ils ne peuvent pas trop partager. Si vous êtes si semblables que vous mangez le déjeuner de l’autre, alors vous avez un sérieux problème.
Dans une analyse de près de 100 agrégations du nord de la Floride, les chercheurs ont découvert que les espèces d’oiseaux similaires avaient beaucoup plus de chances de se rassembler que de chasser seules, travaillant en groupe pour se protéger des prédateurs tout en parcourant la canopée à la recherche d’insectes. Les espèces maintenaient toutefois une petite concurrence au sein du groupe, en différenciant leur technique de recherche de nourriture, leur choix de lieu de chasse ou la distance générale qu’elles gardaient par rapport à un tronc d’arbre.
La communauté hivernale de Floride du Nord est « probablement la plus complexe d’Amérique du Nord », a déclaré Jones, avec des dizaines d’espèces migratrices et une multitude de possibilités de recherche de nourriture. Néanmoins, les chercheurs ont été surpris de constater à quel point les habitudes alimentaires des oiseaux étaient spécialisées, une caractéristique qui rappelle davantage l’Amazonie que l’Amérique du Nord.
L’étude a documenté des comportements de recherche de nourriture jusqu’alors inconnus en Floride, notamment l’habitude de la paruline à gorge jaune de se suspendre sur le côté ou à l’envers sur les feuilles de palmier pour se nourrir d’insectes.
Paruline à gorge jaune. (Mitchell Walters)
Les Parulines verdâtres sondent l’intérieur des feuilles mortes tandis que les Parulines des pins passent au peigne fin les plantes aériennes.
Parulines des pins. (Mitchell Walters)
Selon le coauteur de l’étude, Scott Robinson, chercheur au Florida Museum Ordway, qui étudie les espèces d’oiseaux tropicaux depuis 1977, en se concentrant sur l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud :
Ce sont des caractéristiques très tropicales, ce n’est pas quelque chose que je m’attendais à voir dans un environnement subtropical comme la Floride. Il n’est pas facile de se nourrir à partir des palmiers. Il faut un oiseau très spécialisé qui utilise une technique spécialisée.
Les espèces qui prélèvent des insectes vivants sur des feuilles et les attrapent dans les airs, les techniques de recherche de nourriture les plus courantes, étaient relativement abondantes dans les colonies mixtes. Parmi celles-ci, on trouvait des roitelets à couronne rubis, des Gobemoucheron gris-bleu et des parulines des pins. Mais les oiseaux qui chassent exclusivement des matériaux plus difficiles à trouver ont tendance à être représentés par un seul membre par groupe. Ces spécialistes avertissent par des appels, à plusieurs reprises, comme pour prévenir les autres membres de leur espèce : « Bas les pattes ! C’est bien ma bande », selon Jones.
Moucherolle phébi. (Mitchell Walters)
La diversité des agrégations de Floride variait de 3 à 13 espèces et de 4 à 36 individus par groupe. Les chercheurs ont identifié 14 espèces comme faisant régulièrement partie de groupes mixtes, 10 espèces apparaissant dans plus de 80 % des groupes mixtes.
Selon Jones :
Nous ne savions pas que les oiseaux passaient 80 à 90 % de leur temps dans ces colonies. Il est clair que ce comportement est vraiment important pour leur écologie et peut expliquer pourquoi il y a une telle répartition des ressources au sein du groupe. Ils passent presque toutes leurs heures d’éveil ensemble.
Les bandes d’espèces mixtes ne se produisent qu’en hiver, la période de non reproduction des oiseaux. Trouver suffisamment de nourriture pendant les mois les plus froids est vital pour les oiseaux, qui doivent trouver le bon équilibre entre stocker suffisamment de graisse corporelle pour survivre à la nuit, tout en restant assez maigres pour échapper rapidement à un prédateur.
Chasser les insectes en groupe peut leur sauver la vie. Les membres de l’agrégation comptent sur les espèces sentinelles, qui dirigent également les mouvements et le rythme du groupe, pour donner l’alerte si un hibou ou un faucon s’approche. Cela permet à la majorité des oiseaux du groupe de consacrer plus d’attention à la recherche de nourriture. Le fait de se déplacer en nombre réduit également les chances qu’un oiseau soit la victime malchanceuse d’une attaque de prédateur.
Dans les groupes d’espèces mixtes du nord de la Floride, les Mésanges bicolores et les mésanges de Caroline jouent le rôle de sentinelles, « des oiseaux très bavards », selon Jones qui ajoute :
Ils s’appellent toujours par petits appels de contact, pour signifier que tout va bien. S’ils s’arrêtent, tous les autres sont sur les nerfs. Lorsqu’ils voient un prédateur, ils lancent un cri d’alarme et tout le monde dans le groupe se fige.
Mésange bicolore. (Mitchell Walters)
Mais ces espèces sentinelles ne semblent pas recruter activement des membres de leurs bandes :
Ils font juste leur travail, et tout le monde se joint à eux.
L’étude publiée dans The Auk – Ornithological Advances : Do similar foragers flock together? Nonbreeding foraging behavior and its impact on mixed-species flocking associations in a subtropical region et présentée sur le site de l’université de Floride : How bird flocks with multiple species behave like K-pop groups.