De courtes et mystérieuses pulsations magnétiques détectées à la surface de Mars vers minuit
Si l’on pensait autrefois que Mars était un endroit stérile et ennuyeux, il n’y a plus aucune raison de le croire aujourd’hui. Non seulement la planète rouge abritait de l’eau liquide et une atmosphère, mais elle semble encore avoir un semblant d’activité tectonique. Ce n’est pas moins de 174 événements sismiques qui ont été enregistrés par le sismomètre de l’atterrisseur InSight sur Mars, indiquant une plaque active à la tectonique intrigante.
Image d’entête : représentation de l’atterrisseur InSight sur Mars, on peut voir des couches du sous-sol de la planète et des tourbillons de poussière en arrière-plan. (IPGP/ Nicolas Sarter)
La mission Interior Exploration using Seismic Investigations, Geodesy and Heat Transport (ou InSight) a été lancée en 2018 pour étudier le sous-sol de la planète. Le plan était assez simple : envoyer un atterrisseur sur Mars, et déployer quelques capteurs géologiques, dont un sismomètre et une sonde thermique. L’objectif est d’étudier l’évolution géologique initiale de Mars, de comprendre comment elle s’est formée et a évolué, et si elle est active aujourd’hui.
InSight (représenté ci-dessous sous forme d’étoile) a atterri sur une ancienne plaine volcanique au sud de l’Elysium Mons et au nord de “l’équateur » martien.
(Banerdt et coll/ Nature Geoscience)
Les capteurs sismiques ont fourni des informations inestimables ici sur Terre. La plupart de ce que nous savons sur les profondeurs de la Terre provient de données sismiques, la façon dont les ondes sismiques se propagent à travers la croûte, le manteau et le noyau, peut nous aider à comprendre leur taille et leurs propriétés physiques. Bien qu’un seul capteur ait une portée limitée, il offre une vue sans précédent sur les profondeurs martiennes.
L’atterrisseur InSight de la NASA a déployé son sismomètre sur la surface martienne le 19 décembre 2018. Cette image, capturée le 2 février 2019 (Martian Sol 66) par la caméra de déploiement du bras robotique de l’atterrisseur, montre le bouclier de protection contre le vent et la chaleur qui recouvre le sismomètre. (NASA/ JPL-Caltech)
Selon Nicholas Schmerr, professeur adjoint de géologie à l’université du Maryland et coauteur de l’étude :
C’est la première mission axée sur la prise de mesures géophysiques directes de toute planète autre que la Terre, et elle nous a permis d’acquérir une première véritable compréhension de la structure interne et des processus géologiques de Mars. Ces données nous aident à comprendre le fonctionnement de la planète, son taux de sismicité, son degré d’activité et les endroits où elle est active.
Dans une série de nouvelles études (lien plus bas), des chercheurs de la NASA ont présenté les premiers résultats d’InSight, notamment l’identification et l’étude de près de 200 tremblements de terre.
Les formes d’onde des ondes sismiques ont montré que la plupart des tremblements de terre étaient de haute fréquence et de faible intensité.
Cependant, plus de 20 séismes avaient une magnitude de 3-4, et plusieurs étaient de basse fréquence (indiquant potentiellement un mouvement tectonique). Trois d’entre eux présentaient des ondes nettement similaires aux tremblements de terre tectoniques sur Terre. Les chercheurs pensent pouvoir identifier leur source.
Comparaison entre les ondes sismiques de deux tremblements de terre (en haut, marron) et de deux séismes (en bas, bleu). (Banerdt et coll/ Nature Geoscience)
Selon Vedran Lekic, professeur associé de géologie à l’université du Maryland et coauteur de l’étude :
Ces événements de basse fréquence étaient vraiment passionnants, car nous savons comment les analyser et extraire des informations sur la structure du sous-sol. En se basant sur la façon dont les différentes ondes se propagent à travers la croûte, nous pouvons identifier les couches géologiques de la planète et déterminer la distance et l’emplacement de la source des tremblements de terre.
En plus du sismomètre, la mission a également déployé le premier magnétomètre terrestre, capable d’étudier le champ magnétique de la croûte terrestre. Bien que les missions satellitaires aient également mesuré la magnétisation crustale, les relevés terrestres peuvent fournir des informations plus détaillées et plus précises sur le champ magnétique localisé de la planète. Les mesures ont montré que ce dernier était plus fort que prévu, ce qui correspond à un ancien champ de dynamo semblable à celui de la Terre qui aurait été capable de supporter une atmosphère.
Cela souligne encore plus le passé de Mars en tant que planète active, semblable à la Terre.
Les capteurs du sismomètre ont également fourni d’importantes informations sur la météo martienne. Par exemple, lorsque des vents forts soulèvent le sol de manière significative, le sismomètre enregistre une inclinaison du substrat. Les chercheurs ont découvert que ces vents produisent une signature sismique distincte, qui, avec les informations météorologiques directes, peut brosser un tableau de l’activité météorologique quotidienne.
L’équipe rapporte que les vents commencent à s’intensifier à minuit et deviennent plus forts au petit matin, lorsque l’air plus frais descend des hauts plateaux vers la plaine où l’atterrisseur exerce son activité. Cette activité éolienne produit suffisamment de bruit pour masquer l’activité sismique pendant la journée. De la fin de la soirée jusqu’à minuit, tout devient très calmes autour de l’atterrisseur, et c’est après que presque tous les événements sismiques ont été détectés. Il est presque certain que l’activité se poursuit en dehors des mille heures, mais il y a trop de bruit pour détecter les ondes sismiques.
Toujours selon Lekic :
Ce qui est si spectaculaire dans ces données, c’est qu’elles nous donnent cette image magnifiquement poétique de ce qu’est réellement une journée sur une autre planète.
Dans le résumé graphique ci-dessous des récentes découvertes, cette vue en coupe de Mars présente le module InSight qui étudie l’activité sismique.
Traduction du texte d’accompagnement :
Les premiers résultats rapportés de la mission insight de la NASA sur Mars comprennent des preuves d’une magnétisation crustale localement forte, de processus atmosphériques inattendus et de tremblements de source lointaine et énigmatique. Certains des séismes détectés par le sismomètre d’Insight peuvent être attribués à Cerberus Fossae, une région qui pourrait être tectoniquement active. Ensemble, les mesures géophysiques d’Insight fournissent des informations sur la structure intérieure de Mars et son évolution.
(J.T. Keane/ Nature Geoscience)
Les études publiées dans Nature Geoscience :
…et présentées sur le site de a NASA : A Year of Surprising Science From NASA’s InSight Mars Mission, de l’université du Maryland : Monitoring ‘Marsquakes’ et de l’université Cornell : InSight detects gravity waves, low rumbles and devilish dust.