Les plus anciennes données génétiques humaines révèlent à quoi ressemblait notre ancêtre commun avec les Néandertaliens
Des chercheurs rapportent avoir récupéré des données génétiques issues d’un fossile humain vieux de 800 000 ans.
La recherche met en lumière l’un des points de ramification de l’arbre généalogique humain, remontant beaucoup plus loin dans le temps qu’il ne l’était possible auparavant.
Les chercheurs ont récupéré l’ensemble des données génétiques humaines d’une dent appartenant à l’espèce d’hominidé Homo antecessor.
Image d’entête : les restes fossilisés de l’Homo antecessor. (José María Bermúdez de Castro)
Selon le premier auteur de l’étude, Frido Welker, chercheur à l’Institut Globe de l’université de Copenhague (Danemark) :
L’analyse des anciennes protéines fournit la preuve d’une relation étroite entre l’Homo antecessor, nous (Homo sapiens), les Néandertaliens et les Dénisoviens. Nos résultats soutiennent l’idée que l’Homo antecessor était un groupe frère du groupe contenant l’Homo sapiens, les Néandertaliens et les Denisoviens.
En utilisant une technique appelée spectrométrie de masse, les chercheurs ont séquencé d’anciennes protéines de l’émail dentaire et ils ont déterminé avec certitude la position de l’Homo antecessor dans l’arbre généalogique humain.
Dent d’Homo antecessor étudiée à l’aide de l’analyse d’anciennes protéines. (José María Bermúdez de Castro)
La nouvelle méthode moléculaire, la paléoprotéomique, permet aux scientifiques de récupérer des indices moléculaires pour reconstruire avec précision l’évolution humaine à partir d’une très lointaine époque.
Le chimpanzé est le plus proche parent vivant de l’homme moderne. Les lignées de l’homme et du chimpanzé se sont séparées l’une de l’autre il y a environ 9 à 7 millions d’années. Les scientifiques se sont efforcés sans relâche de mieux comprendre les relations évolutives entre notre espèce et les autres, toutes aujourd’hui éteintes, de la lignée humaine.
Selon l’auteur principal, Enrico Cappellini, professeur à l’Institut Globe :
Une grande partie de ce que nous savons jusqu’à présent est basée soit sur les résultats d’analyses d’anciens ADN, soit sur l’observation de la forme et de la structure physique des fossiles. En raison de sa dégradation chimique au fil du temps, le plus ancien ADN humain retrouvé jusqu’à présent ne date pas de plus de 400 000 ans environ.
Aujourd’hui, l’analyse des protéines anciennes par spectrométrie de masse, une approche communément appelée paléoprotéomique, nous permet de dépasser ces limites.
En 1994, l’un des auteurs de cette nouvelle étude, José María Bermúdez de Castro et son équipe ont trouvé les fossiles que les chercheurs ont analysés du site désigné TD6 de la grotte de Gran Dolina, un des sites archéologiques et paléontologiques de la Sierra de Atapuerca, en Espagne.
(José María Bermúdez de Castro)
Les premières observations ont permis de conclure que l’Homo antecessor était le dernier ancêtre commun aux humains modernes et aux Néandertaliens, une conclusion basée sur la forme et l’apparence physique des fossiles. Dans les années qui ont suivi, la relation exacte entre l’Homo antecessor et d’autres groupes humains, comme nous-mêmes et les Néandertaliens, a fait l’objet d’intenses discussions parmi les anthropologues.
Bien que l’hypothèse selon laquelle l’Homo antecessor pourrait être l’ancêtre commun des Néandertaliens et des humains modernes soit très difficile à intégrer dans le scénario évolutif du genre Homo, de nouvelles découvertes dans le TD6 et des études ultérieures ont révélé plusieurs caractères partagés entre les espèces humaines trouvées dans la région d’Atapuerca et les Néandertaliens. De nouvelles études ont confirmé que les traits du visage de l’Homo antecessor sont très similaires à ceux de l’Homo sapiens, mais très différents de ceux des Néandertaliens et de leurs ancêtres plus récents.
Pour José María Bermúdez de Castro, codirecteur scientifique des fouilles à Atapuerca :
Je suis heureux que l’étude des protéines apporte la preuve que l’espèce Homo antecessor peut être étroitement liée au dernier ancêtre commun de l’Homo sapiens, les Néandertaliens et les Dénisoviens. Les caractéristiques que l’Homo antecessor partage avec ces hominidés sont clairement apparues beaucoup plus tôt que ce que l’on pensait auparavant. L’Homo antecessor serait donc une espèce basale (de base) de l’humanité émergente formée par les Néandertaliens, les Dénisoviens et les humains modernes.
Et selon Jesper Velgaard Olsen :
Cette étude est un tournant passionnant dans le domaine de la paléoprotéomique. En utilisant la spectrométrie de masse de pointe, nous déterminons la séquence des acides aminés dans les restes de protéines de l’émail dentaire de l’Homo antecessor. Nous pouvons ensuite comparer les anciennes séquences de protéines que nous avons » interprétées » à celles d’autres hominidés, par exemple les Néandertaliens et les Homo sapiens, pour déterminer leur parenté génétique.
Les chercheurs ont maintenant hâtent de voir ce que la paléoprotéomique va leur révéler à l’avenir.
L’étude publiée dans Nature : The dental proteome of Homo antecessor et présentée sur le site de l’université de Copenhagen : Oldest ever human genetic evidence clarifies dispute over our ancestors.