Peau de bête : une analyse ADN des manuscrits de la mer Morte révèle que certains ont été écrits ailleurs
Les scientifiques en apprennent davantage sur les manuscrits de la mer Morte non pas en examinant les textes, mais en regardant sur quoi ils ont été écrits.
Image d’entête : à partir de l’étude, illustration résumant cette recherche. (Sarit Anava et Coll./ Cell)
Réunir plus de 25 000 fragments de ces anciens manuscrits, qui présentent un intérêt considérable pour l’histoire de la Bible, est compliqué par le fait que la plupart n’ont pas été acquis directement dans les 11 grottes de Qumrân près de la mer Morte, mais par l’intermédiaire de marchands d’antiquités. On ne sait pas très bien ce qui va avec quoi, et encore moins comment ils concordent.
Une des grottes de Qumran où les fragments du manuscrit de la mer Morte ont été trouvés. (Shai Halevi / Israel Antiquities Authority)
A présent, le concept très moderne de test ADN entre en jeu.
Une équipe de chercheurs israéliens, suédois et américains a extrait et séquencé l’ADN de différents morceaux de parchemin (certains si petits qu’on les qualifie de poussière de parchemin) et elle a découvert que la plupart étaient faits de peau de mouton.
Ils ont ensuite conclu que les morceaux fabriqués à partir de la peau du même mouton devaient être apparentés et que les parchemins de moutons étroitement apparentés avaient plus de chances de correspondre entre eux que ceux de moutons plus différents ou d’autres espèces.
A partir de l’étude : Carte du désert de Judée. Les endroits où les manuscrits de la mer Morte ont été découverts sont indiqués, ainsi que ceux de quatre des fragments analysés dans cette étude. (B) Les emplacements suggérés des différents fragments sont indiqués ainsi que les trois fragments analysés dans cette étude, frgs. 5, 8 et 9. (Bibliothèque numérique Leon Levy Dead Sea Scrolls/ Israel Antiquities Authority/ Shai Halevi)
Et inversement. Ils ont trouvé des cas où des morceaux que l’on pensait appartenir à un même ensemble étaient en fait fabriqués à partir d’animaux différents, des vaches et des moutons. L’exemple le plus remarquable est celui des rouleaux qui comprennent différentes copies du livre biblique et prophétique de Jérémie.
Selon Noam Mizrahi de l’université de Tel-Aviv, coauteur de l’étude :
L’analyse du texte trouvé sur ces pièces de Jérémie suggère qu’elles n’appartiennent pas seulement à différents parchemins, mais qu’elles représentent également différentes versions du livre prophétique.
Le fait que les parchemins les plus divergents sur le plan textuel sont également faits d’une espèce animale différente indique qu’ils proviennent d’une autre provenance.
Selon les chercheurs, cette découverte a également des implications plus larges.
Le fait que différentes versions du livre aient circulé en parallèle suggère que « la sacralité du livre biblique ne s’étendait pas à sa formulation précise ». Cela contraste avec les textes mutuellement exclusifs qui ont été adoptés plus tard par le judaïsme et le christianisme.
Pour l’auteur principal de l’étude, Oded Rechavi, de l’université de Tel-Aviv :
Cela nous renseigne sur la façon dont ce texte prophétique était lu à l’époque et nous donne également des indices sur le processus d’évolution du texte.
Parmi les autres points forts de cette étude, il y a la relation entre les différentes copies d’un ouvrage liturgique non biblique connu sous le nom de « Chants du sacrifice du sabbat« , que l’on trouve à la fois à Qumran et à Massada.
L’analyse montre que les différentes copies trouvées dans les différentes grottes de Qumran sont étroitement liées génétiquement, mais que la copie de Massada est distincte. Cette découverte suggère que l’œuvre avait une plus grande valeur à l’époque.
Selon Mizrahi :
Ce que nous apprenons des parchemins est probablement pertinent aussi pour ce qui s’est passé dans le pays à l’époque. Comme les Chants du Sacrifice du Sabbat préfigurent des développements révolutionnaires dans la conception poétique et la pensée religieuse, cette conclusion a des implications pour l’histoire du mysticisme occidental et de la liturgie juive.
Les chercheurs affirment que les preuves ont également confirmé que certains autres fragments de provenance inconnue étaient probablement issus d’autres endroits et non des grottes de Qumran.
Par exemple, les preuves ADN suggèrent qu’un fragment d’une copie du livre biblique d’Isaïe, l’un des livres les plus populaires de l’ancienne Judée, provenait probablement d’un autre site, ce qui suggère l’existence potentielle d’un autre lieu de découverte.
Cependant, l’ADN ne fournira pas toutes les réponses. Certains fragments sont trop fragiles, même pour une enquête moderne.
L’étude publiée dans Cell : Illumination Genetic Mysteries of the Dead Sea Scrolls et présentée sur le site de l’université de Tel-Aviv : Dead Sea Scrolls « puzzle » solved with DNA from ancient animal skins.