Les placébos peuvent réduire le stress émotionnel même en sachant que c’est un placébo
Le potentiel des placébos, des « médicaments » qui n’ont pas de principe actif, est bien connu, mais les raisons exactes de leur efficacité restent un mystère. En général, un placebo est tenu secret, l’idée étant que si le destinataire sait qu’il reçoit une pilule de sucre ou une autre faux médicament, les effets positifs disparaîtront. Toutefois, une nouvelle étude suggère que ce n’est pas le cas, en constatant des effets « puissants » même dans les cas où le placebo est connu du destinataire, dans ce cas appelé “placébo non trompeur” (non-deceptive placebo).
Lorsque les chercheurs mènent des expériences impliquant des placebos non trompeurs, les participants sont clairement informés à l’avance qu’ils ne recevront qu’un placebo, mais on peut aussi leur dire comment les placebos et l’effet placebo peuvent, dans certaines circonstances, donner des résultats physiologiques bénéfiques, même en l’absence de réel médicament.
Cette information, ainsi que la conviction et l’attente des participants que les placebos puissent leur être bénéfiques, semble suffire à déclencher l’effet placebo en soi, sans enfreindre aucune limite éthique.
Selon les chercheurs, ce phénomène quelque peu surprenant est quelque chose que nous pourrions exploiter dans le cadre de traitements.
Selon le chercheur et psychologue Darwin Guevarra, de l’université d’État du Michigan (MSU/ Etats-Unis) :
Et si quelqu’un prenait une pilule de sucre sans effet secondaire deux fois par jour après avoir visionné une courte vidéo convaincante sur le pouvoir des placebos et que son stress s’en trouvait réduit. Ces résultats soulèvent cette possibilité.
Dans leur nouvelle étude, Guevarra et son équipe ont mené des expériences dans lesquelles des personnes devaient regarder une série d’images contradictoires conçues pour provoquer une réponse émotionnelle négative.
Lors de ces expériences, la moitié du groupe randomisé a reçu un placebo (un spray nasal composé d’une solution saline et sans principe actif). Ils ont également été informés de l’effet placebo et de la manière dont il pouvait avoir un effet même dans les cas où les placebos n’étaient pas trompeurs.
En outre, on leur a dit que le spray nasal, même s’il s’agissait d’un placebo, aiderait à réduire les réactions émotionnelles négatives à des images angoissantes, s’ils le croyaient. Il s’agissait de groupes placebo non trompeurs.
En revanche, les participants des groupes de contrôle des expériences n’ont rien appris sur les placebos ou l’effet placebo, et on leur a simplement dit que le spray salin était utilisé pour améliorer la clarté des mesures physiologiques dans les expériences.
Deux expériences ont été menées, et elles étaient essentiellement similaires, sauf que dans la première expérience (impliquant 62 personnes), les participants ont rapporté comment ils se sentaient après avoir pris le spray salin et regardé les images, alors que dans la seconde expérience (avec 198 personnes), les participants ont eu leur activité cérébrale contrôlée par EEG tout en regardant les images.
Dans la première expérience, les résultats ont montré que les participants qui ont pris le placebo ont déclaré des niveaux de stress émotionnel plus faibles que les participants du groupe de contrôle.
Dans la seconde expérience, impliquant un EEG, le placebo non trompeur semblait également donner des résultats, produisant la preuve d’une réduction significative d’un biomarqueur neural du stress émotionnel, dénotée par un effet durable sur le Late positive component (LPP/ potentiel cérébral lié à un événement positif) dans les ondes cérébrales.
Le résultat de la deuxième expérience en particulier est remarquable, selon les chercheurs, car si d’autres études ont montré les avantages déclarés des placebos non trompeurs, ainsi qu’une étude qui a examiné des résultats comportementaux objectifs, l’identification d’un véritable biomarqueur neural de la réduction du stress émotionnel n’avait jamais été faite auparavant.
Selon les chercheurs dans leur étude :
Cette découverte apporte une première confirmation que les placebos non trompeurs, du moins dans le domaine du stress émotionnelle, ne sont pas simplement le produit d’un biais de réponse, mais représentent de véritables effets psychobiologiques.
Il reste encore beaucoup de recherches à faire avant que les psychologues puissent transformer ces résultats en traitements pratiques, sûrs et éprouvés pouvant être administrés aux patients, mais un jour, selon l’équipe, cela pourrait devenir réalité.
Pour Jason Moser, coauteur de l’étude et psychologue à la MSU :
Des placebos non trompeurs sont nés pour qu’on puisse les utiliser dans la pratique courante. Ainsi, plutôt que de prescrire une multitude de médicaments pour aider un patient, vous pourriez lui donner un placebo, lui dire que cela peut l’aider et qu’il y a des chances, s’il croit que c’est possible, que cela le fasse.
L’étude publiée dans Placebos without deception reduce self-report and neural measures of emotional distress et présentée sur le site de l’université d’État du Michigan : Placebos prove powerful…even when people know they’re taking one.