Il a 200 000 ans, des humains se fabriquaient des lits dans une grotte
Tous les animaux aiment avoir accès à une “literie” confortable. Ce n’est pas la première de leurs préoccupations, mais après la nourriture, l’eau et le logement, un endroit confortable pour dormir figure en bonne place sur la liste des priorités, et les humains ne font pas exception. Il y a 200 000 ans déjà, nos ancêtres fabriquaient une litière à partir d’herbe.
Située près de la frontière entre l’Afrique du Sud et le Swaziland, la Border Cave est l’un des sites les plus intéressants pour étudier l’ancienne histoire des humains.
Image d’entête et ci-dessous : vues de drone sur l’entrée de la Border Cave. (A. Kruger)
La grotte a d’abord suscité l’intérêt en tant que source de guano et a donné lieu à de précieuses découvertes depuis les années 1970. La grotte a un historique d’occupation remarquablement continu qui s’étend sur environ 200 000 ans, les archéologues ayant découvert des squelettes d’Homo sapiens, ainsi que des dizaines d’outils et d’artefacts en pierre. Des vestiges de plus de 43 espèces de mammifères (dont trois sont aujourd’hui éteintes) ont également été découverts.
Récemment, des chercheurs ont trouvé un autre objet intrigant : trois lits. Les lits, constitués de touffes d’herbe, ont été placés près de l’arrière de la grotte, sur des couches de cendres. La cendre aurait empêché tout insecte de se glisser sur le lit, tandis que l’herbe elle-même aurait été plus confortable que de dormir directement sur le sol. Cette herbe n’est pas visible en elle-même, ce n’est qu’à l’aide d’un grossissement et d’une analyse chimique que les chercheurs l’ont identifiée. Selon le professeur Lyn Wadley, chercheur et auteur principal de l’étude :
Nous pensons que le fait de poser de l’herbe sur des cendres était une stratégie délibérée, non seulement pour créer une base isolée et sans saleté pour la litière, mais aussi pour repousser les insectes rampants.
Parfois, la base cendrée de la litière était un reste de vieille litière d’herbe qui avait été brûlée pour nettoyer la grotte et détruire les insectes nuisibles. En d’autres occasions, la cendre de bois des cheminées était également utilisée comme surface propre pour une nouvelle couche de litière.
Lyn Wadley réalisant un bloc micromorphologique de litière pour des sections fines. (D. Stratford et L. Wadley)
Les chercheurs ne peuvent pas savoir avec certitude si les habitants dormaient sur l’herbe. Cependant, il semble qu’une grande quantité ait été introduite intentionnellement dans la grotte et placée sur la couche de cendres, et un lit semble de loin l’option la plus plausible. Comme toujours en archéologie, il est possible que la structure ait été utilisée pour des rituels.
Fragments d’herbes fossilisés découverts dans la Border Cave. (Lyn Wadley)
Les insectes semblent avoir été un gros problème pour les habitants de la grotte. En plus des blocs de cendres, qui déshydratent et bloquent l’appareil piqueur des insectes, les chercheurs ont trouvé des traces de tarchonanthus (camphrier), une plante encore utilisée pour éloigner les insectes dans les zones rurales d’Afrique de l’Est. La grotte elle-même, encastrée dans une falaise luxuriante des monts Lebombo, était probablement un excellent habitat pour les insectes comme pour les humains.
Selon Wadley :
Nous savons que les humains travaillaient aussi bien qu’ils dormaient à la surface de l’herbe, car les débris de la fabrication d’outils en pierre sont mélangés aux restes d’herbe. De plus, de nombreux petits grains arrondis d’ocre rouge et orange ont été trouvés dans la litière où ils pourraient avoir frotté la peau humaine ou des objets colorés.
Dans la grotte, les chercheurs ont également trouvé des signes de combustion, datant également d’il y a 200 000 ans. Les foyers empilés datant d’il y a 200 000 à 38 000 ans indiquent que les habitants de la Border Cave allumaient régulièrement des feux.
Tout cela donne une image intéressante. Les populations étaient encore des chasseurs-cueilleurs à l’époque, mais elles se rassemblaient probablement dans des camps, et peut-être même passaient-elles de longues périodes à l’abri d’une grotte. Ils faisaient également preuve d’une remarquable connaissance de la façon de tenir les insectes indésirables à distance.
Toujours selon Wadley :
Nos recherches montrent qu’avant 200 000 ans, près de l’origine de notre espèce, les humains pouvaient produire du feu à volonté, et ils utilisaient le feu, les cendres et les plantes médicinales pour maintenir des camps propres et exempts de parasites. De telles stratégies auraient eu des effets bénéfiques sur la santé qui auraient favorisé ces premières communautés.
L’étude publiée dans Science : Fire and grass-bedding construction 200 thousand years ago at Border Cave, South Africa et présentyée sur le site de l’Université du Witwatersrand : 200 000 years ago, humans preferred to kip cozy.