Restauration antique du pauvre : une momie recouverte d’un étrange cocon de boue
Des techniques scientifiques avancées ont révélé une rare coque peinte, ou “carapace” de boue au sein des enveloppes d’un corps momifié égyptien, remettant en question les connaissances existantes sur les momies.
Image d’entête : scans en 3D de la femme adulte momifiée. (Chau Chak Wing Museum/ Macquarie Medical Imaging)
C’est la première fois que l’on découvre ce type de préservation de corps de la dynastie égyptienne, selon Karin Sowada de l’université Macquarie de Sydney (Australie), qui a mené l’analyse avec des collègues Australien et de l’université de Cambridge au Royaume-Uni, ajoutant :
C’est une découverte véritablement nouvelle dans la momification égyptienne. Cette étude aide à dresser une image plus grande, et plus nuancée, de la façon dont les anciens Egyptiens traitaient et préparaient leurs morts.
A l’origine, des analyses avaient révélé qu’une pâte résineuse était utilisée pour recouvrir la peau et les bandages de lin, une fois que le corps et les organes internes aient été traités et les organes stockés dans des bocaux ou enveloppés et replacés à l’intérieur du corps avec des amulettes spéciales pour les protéger.
Au dire de tous, ce processus de momification sophistiqué et coûteux était utilisé par la royauté et les riches pour satisfaire leurs croyances religieuses, à savoir que seuls les corps préservés pouvaient entrer dans l’au-delà et renaître. D’autres préservaient les corps de leurs proches par des moyens moins coûteux.
Sowada et ses collègues ont utilisé des scanners (tomographie assistée par ordinateur) pour examiner un adulte momifié conservé au Chau Chak Wing Museum de l’université de Sydney, et ils ont publié leurs conclusions cette semaine (lien plus bas).
La femme momifiée, enveloppée dans une enveloppe moderne pour la conservation, et son sarcophage. (Chau Chak Wing Museum/ Macquarie Medical Imaging)
En 1860, Sir Charles Nicholson avait fait don du corps au musée après l’avoir acheté lors d’un voyage en Égypte quelques années auparavant. La carapace a été découverte pour la première fois en 1999 dans le cadre d’un programme de tomodensitométrie sur la collection du musée.
Elle a été scannée à nouveau en 2017, en même temps que les restes du squelette, à l’aide de techniques plus avancées qui ont révélé davantage de détails.
L’équipe a utilisé la datation au radiocarbone sur les échantillons de textile et des analyses par spectrométrie de fluorescence des rayons X et spectroscopie Raman pour identifier le matériau en lin et la composition minérale de la carapace de boue peinte, qui a été pris en sandwich avec de la paille entre les couches de lin.
Scanographies axiales d’un individu momifié présentant des vues transversales de la coque à différents endroits. La coque de boue est une fine ligne blanche sous les enveloppes (fléchée). (Chau Chak Wing Museum/ Macquarie Medical Imaging/ PLOS ONE)
Les enveloppes de lin remontent à environ 1200 ans avant J.-C., et les techniques de momification ont placé le corps à la fin de la 19e ou 20e dynastie. Les analyses ont également révélé que l’individu avait environ 150 à 200 ans de plus que le sarcophage, dont les décorations remontaient à environ 1000 ans avant Jésus-Christ.
Sowada suggère que des marchands plus récents ont probablement placé un corps sans lien de parenté dans le cercueil pour le vendre comme un ensemble complet.
Les restes du squelette montrent que le corps a été disloqué post-mortem puis réparé.
Selon Sowada :
Certains des os s’étaient séparés les uns des autres, dommages probablement causés par d’anciens pilleurs de tombes. La famille a probablement organisé une carapace de boue comme une forme de conservation antique pour l’aider dans sa transition vers l’au-delà.
Il est également possible, selon les auteurs, que la carapace de boue ait été utilisée pour imiter les pratiques d’élite visant à remplacer la résine coûteuse importée de la côte méditerranéenne par de la boue plus facilement disponible provenant du Nil tout proche.
En l’identifiant comme une « femme probable », l’équipe indique que les analyses d’ADN antérieures qui présentaient le corps comme un homme pourraient avoir été contaminées et devraient être réévaluées, ce qui n’est qu’une des nombreuses nouvelles pistes d’exploration.
Toujours selon Sowada :
Les résultats nous rappellent que de nombreuses nouvelles découvertes sont potentiellement sous notre nez dans les collections des musées. Il reste beaucoup à apprendre sur le passé avec l’application de nouvelles techniques scientifiques à du matériel acquis il y a longtemps, sans avoir à aller sur le terrain.
L’étude publiée dans PLOS ONE : Multidisciplinary discovery of ancient restoration using a rare mud carapace on a mummified individual from late New Kingdom Egypt et présentée sur le site de l’Université Macquarie : World first: Muddied mummy reveals new details of ancient practice.