Évolution culturelle : les cachalots ont appris à esquiver les baleiniers à voiles et ils ont enseigné cette technique à leurs congénères
Selon une nouvelle étude, les cachalots se sont mutuellement enseigné comment éviter les harpons lorsqu’ils ont commencé à être chassés il y a 200 ans.
Image d’entête : Chasse au cachalot dans le Pacifique Nord depuis le navire Canton sur les terres du Japon. (Encre et aquarelle d’Oliver Wilcox, baleinier, 1837/ New Bedford Whaling Museum)
Publiée cette semaine (lien plus bas), cette recherche s’appuie sur des journaux de bord de baleiniers américains récemment numérisés, dans lesquels sont consignés les détails de leurs expéditions dans le Pacifique Nord au XIXe siècle, tels que le nombre de baleines repérées ou harponnées.
Les baleiniers chassaient sur des navires comme celui-ci, le Fleetwing.(Wikimedia)
Bien que les baleines aient été très prisées pour leurs fanons, leur ivoire et leur graisse et que près de 80 000 jours de leur périple aient été consignés, seules 2 405 baleines ont été observées, soit un taux de réussite de 3 % seulement.
Les auteurs de l’étude, le professeur Hal Whitehead et le docteur Luke Rendell, chercheurs sur les cétacés, ainsi que le docteur Tim D Smith, spécialiste des données, ont également constaté que le taux de frappe des harpons des baleiniers avait diminué de 58 % en moins de deux ans et demi après le début de la chasse dans la région.
Ce dessin de Thomas Beale (1807-1849) représente des cachalots se défendant contre les baleiniers. (Wikimedia)
Selon le professeur Whitehead de l’université Dalhousie (Canada) :
Ce fut assez remarquable. Je pensais qu’il y aurait une baisse, mais pas aussi importante et aussi rapide. Habituellement, on s’attend à ce qu’il augmente au fur et à mesure qu’ils comprennent des choses et qu’ils réussissent. C’est généralement comme ça que se passe notre exploitation de la faune. Nous devenons plus efficaces à mesure que nous apprenons à le faire.
L’étude conclut que les cachalots ont appris comment ils étaient chassés, qu’ils ont partagé cette information avec leur groupe et qu’ils ont modifié leur comportement en conséquence, faisant preuve d’une « évolution culturelle ».
L’espèce vit avec ses petits dans des groupes exclusivement féminins, ce qui leur permet de nouer des liens solides et de partager des astuces pour échapper aux chasseurs.
Femelle cachalot et son petit. (FDS/ Hubert Grejik)
Ces derniers ont reconnu que les cachalots avaient développé des tactiques pour leur échapper. Au lieu de former des carrés défensifs utilisés pour combattre leurs prédateurs naturels, les orques, les cachalots, ont compris que nager contre le vent leur permettrait de distancer les navires des chasseurs mus par le vent.
L’arrivée de la vapeur et des harpons à grenade dans les dernières années du 19e siècle a toutefois signifié que même le cachalot rusé était condamné à un massacre.
toujours selon Whitehead :
Il s’agissait d’une évolution culturelle, beaucoup trop rapide pour une évolution génétique.
Les cachalots ont le plus gros cerveau de tous les animaux de la planète et les chercheurs ont souligné que s’ils étaient capables de s’adapter il y a 200 ans, ils pourraient probablement aussi faire face aux défis de l’océan aujourd’hui.
L’étude publiée dans Biology Letters : Adaptation of sperm whales to open-boat whalers: rapid social learning on a large scale?