Les émissions de la Chine dépassent désormais celles de tous les pays développés réunis
C‘est une puissance en matière d’énergie renouvelable, mais elle dépend encore largement des centrales au charbon. Elle s’est engagée à être neutre en carbone d’ici à 2060, mais n’a présenté aucune feuille de route claire sur la manière d’y parvenir. Le pays compte la plus grande population du monde, et son empreinte climatique s’accroît à mesure que son pouvoir d’achat augmente.
Image d’entête : la centrale chinoise de gazéification du charbon GreenGen à Tianjin, qui est conçue pour brûler le charbon plus efficacement et contribuer au développement des techniques de capture et de stockage du carbone. (Asian Development Bank/ Flickr)
De toute évidence, il n’est pas facile pour la Chine de prendre des mesures pour lutter contre le changement climatique. Et malheureusement… la situation va empirer. La Chine a émis plus de gaz à effet de serre que l’ensemble des pays développés réunis en 2019, c’est la première fois que cela se produit depuis que les émissions nationales sont mesurées, selon un nouveau rapport. Même si tout se passe comme prévu, la Chine n’atteindra pas le pic de ses émissions d’ici à 2030, ce qui signifie que sa production continuera de croître.
Selon le Rhodium Group, les émissions mondiales ont atteint 52 gigatonnes d’équivalent CO2 en 2019, soit une augmentation de 11,4 % au cours de la dernière décennie. Et la part de la Chine augmente rapidement. Alors que ses émissions représentaient moins d’un quart de celles des pays développés en 1990, elles ont désormais triplé au cours des trois dernières décennies.
Les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre en 2019. (Rhodium Group)
La Chine se trouve donc dans une situation difficile. Elle a contribué à 27 % du total des émissions mondiales l’année dernière, dépassant largement les États-Unis, qui sont désormais le deuxième émetteur le plus important avec 11 % du total, selon le rapport. L’Inde s’est classée troisième pour la première fois, avec 6,6 % des émissions mondiales, une position autrefois occupée par l’Union européenne, qui est désormais rapidement dépassée par les pays en développement.
Les chercheurs ont également calculé les émissions par habitant. Avec une population de 1,4 milliard d’habitants, la Chine se classait bien plus bas que le monde développé. Mais cela change aussi assez rapidement. L’année dernière, ses émissions par habitant ont atteint 10,1 tonnes, soit trois fois plus qu’il y a vingt ans. Déjà, par habitant, la Chine émet plus que la France, le Royaume-Uni ou l’Espagne.
Ce chiffre se situe juste en dessous de la moyenne du bloc de pays qui composent l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et ces chiffres sont largement faussés par la présence des États-Unis, qui émettent toujours environ deux fois plus par habitant que la Chine ou l’Union européenne. Les chercheurs prévoient que lorsque les données de 2020 seront disponibles, les émissions par habitant de la Chine auront dépassé la moyenne de 10,5 tonnes de l’OCDE.
Comparaison du total des émissions de gaz à effet de serre entre la Chine et l’OCDE. (Rhodium Group)
Moyenne par personne des émissions de gaz à effet de serre de 1990 à 2019. (Rhodium Group)
La Chine a toutefois un argument en sa faveur : son histoire en tant que grand émetteur est beaucoup plus courte que celle des pays développés, dont beaucoup ont pris de l’avance il y a plus d’un siècle. Une grande partie des gaz à effet de serre libérés dans l’atmosphère chaque année y restent pendant des centaines d’années. Cela signifie que le réchauffement de la planète est le résultat d’émissions tant récentes que passées. Mais si les choses continuent sur cette lancée, elles ne tarderont pas à se rattraper.
Le rapport montre que, depuis 1750, les membres du bloc de l’OCDE ont émis quatre fois plus de CO2 sur une base cumulée que la Chine. Cela signifie qu’ils sont en grande partie responsables de l’augmentation de 1°C des températures moyennes mondiales depuis la révolution industrielle. C’est pourquoi les Nations unies affirment qu’il existe des responsabilités communes, mais différenciées en matière de climat.
Les émissions croissantes de la Chine placent le monde dans une situation difficile en ce qui concerne la crise climatique. Les pays se sont engagés dans l’Accord de Paris de 2015 à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour réduire les émissions et limiter la croissance des températures à 2°C, en visant idéalement 1,5°C. Cependant, les pays sont loin de respecter cet engagement.
Les pays devraient collectivement multiplier par trois leur action climatique pour être en phase avec l’objectif de 2°C de l’Accord de Paris, estime l’ONU. En revanche, pour atteindre l’objectif de 1,5 °C, ils devraient multiplier leur action par cinq. Sur la base des engagements actuels en matière de climat, la planète se dirige vers un réchauffement d’environ 3 °C, et la trajectoire de la Chine n’y contribue certainement pas.
Lors d’un sommet virtuel sur le climat organisé par les États-Unis le mois dernier, la Chine a réitéré sa promesse de plafonner ses émissions avant 2030 et d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2060, soit une décennie plus tard que les autres grandes économies. Le président Xi Jinping a également déclaré que le pays atteindrait le pic d’utilisation du charbon en 2025 et commencerait à l’éliminer progressivement l’année suivante.
Mais la Chine continue de financer des projets de combustibles fossiles à l’étranger et poursuit la construction de centrales électriques au charbon sur son territoire. Elle est à la fois le premier producteur mondial d’énergie renouvelable et le premier consommateur de charbon. Le pays compte actuellement 1 058 centrales au charbon en activité, soit plus de la moitié de la capacité mondiale.
Selon le Climate Action Tracker, un site web qui suit l’action des gouvernements en matière de climat, l’engagement de la Chine en faveur du climat (également appelé NDC) est « très insuffisant » et « pas du tout cohérent » avec les objectifs de l’accord de Paris. La Chine est censée présenter une nouvelle promesse climatique plus ambitieuse à un moment donné cette année.
Présentée sur le site du Rhodium Group : China’s Greenhouse Gas Emissions Exceeded the Developed World for the First Time in 2019.