Une nouvelle loi universelle concernant la mobilité des humains
Selon des scientifiques américains, la façon dont les humains se déplacent dans les villes suit un modèle prévisible et universel, qui sera crucial non seulement pour l’urbanisme, mais aussi pour le contrôle des pandémies.
En analysant les données de suivi des téléphones portables sur quatre continents, l’équipe Massachusetts Institute of Technology (MIT/ États-Unis) a confirmé que les humains se rendent plus souvent dans des endroits où ils n’ont pas à parcourir de longues distances pour y aller.
Selon le chef de projet Carlo Ratti, du MIT :
Nous pouvons faire nos courses tous les jours dans une boulangerie située à quelques centaines de mètres, mais nous n’irons qu’une fois par mois dans la boutique chic située à plusieurs kilomètres de notre quartier.
Ce type de notion intuitive n’avait jamais été testé empiriquement. Lorsque nous l’avons fait, nous avons trouvé une loi incroyablement régulière et robuste, que nous avons appelée la loi de visite (visitation law).
Cette nouvelle étude (lien plus bas) a examiné les données de téléphonie mobile de villes du monde entier entre 2006 et 2013, notamment Boston aux États-Unis, Singapour, Abidjan en Côte d’Ivoire, Dakar au Sénégal et deux villes du Portugal. Les données téléphoniques sont utiles pour ce type d’étude, car elles indiquent à la fois la zone de résidence d’un individu et les destinations qu’il fréquente à grande échelle. La recherche portait sur plus de 8 milliards de données de localisation provenant de plus de 4 millions de personnes.
Même si chaque ville est très différente, le nombre de personnes se rendant à différents endroits était cohérent, la fréquence des visites diminuant sur les longues distances et les zones à forte densité étant remplies de personnes ayant effectué des trajets plus courts.
Les écarts par rapport à ce modèle étaient généralement associés à des lieux spécifiques comme les ports ou les parcs à thème.
À partir de ces données, l’équipe de recherche a conçu un modèle de déplacement humain dans lequel les personnes recherchent les lieux les plus proches offrant un type d’activité particulier.
Pour Paolo Santi, coauteur de l’étude au MIT :
Il existe une relation inverse très claire entre la distance à parcourir et la fréquence à laquelle on s’y rend. Vous n’allez que rarement dans des endroits éloignés, et généralement vous avez tendance à visiter plus souvent les endroits proches de vous. Cela nous indique comment nous organisons nos vies.
A partir de l’étude : cette image représente les flux d’individus à travers la région du Grand Boston (aire urbaine centrée autour de Boston/ Etats-Unis) sous forme de lignes (la fréquence de visite est la couleur, le nombre de visiteurs uniques la largeur) qui forment des regroupements spatiaux de lieux attrayants, la hauteur des sommets représentant l’attrait spécifique du lieu. (Guangyu Du)
Ce genre d’étude est important, car le mouvement humain est fondamental pour le fonctionnement de nos sociétés et selon les chercheurs dans leur étude :
Il permet les échanges sociaux, économiques et culturels, façonne la forme des villes, donne lieu à des embouteillages et à la pollution, et alimente la propagation des maladies contagieuses.
Pour Carlo Ratti, leur nouvelle loi pourrait donc avoir de nombreuses applications pratiques, de la conception de nouvelles infrastructures à la planification du trafic en passant par l’urbanisme et l’endiguement des maladies.
Par exemple, elle pourrait aider à mettre en œuvre le concept de la « ville des quinze minutes », qui vise à réorganiser l’espace physique autour de quartiers où l’on peut se promener et qui est devenu très populaire pendant la pandémie de COVID-19. Notre loi suggère que nous pouvons effectivement englober une grande fraction de tous les déplacements urbains dans un rayon de quinze minutes, tout en laissant le reste, peut-être 10 %, plus éloigné.
Dans un article accompagnant l’étude, Laura Alessandretti et Sune Lehmann, de l’Université technique du Danemark, notent que « la recherche sur la mobilité humaine a fleuri ces dernières années, en raison de la disponibilité de données à résolution spatiale et temporelle de plus en plus fine ».
Cette nouvelle recherche identifie un élément important, mais absent des modèles précédents : la fréquence de visite, qui correspond au nombre de voyages effectués par une personne dans un lieu donné au cours d’une période donnée.
Mais plusieurs questions restent sans réponse, soulignent Alessandretti et Lehmann, notamment celle de savoir si les modèles de déplacement s’appliquent également en dehors des zones urbaines :
Les géographies des zones rurales sont moins centralisées et contiennent moins de lieux d’intérêt pour les visiteurs que les zones urbaines. Ces caractéristiques pourraient entraîner des schémas de déplacement différents de ceux observés.
L’étude publiée dans Nature : The universal visitation law of human mobility et présentée sur le site du Massachusetts Institute of Technology : Study reveals a universal travel pattern across four continents.