L’intense vague de chaleur actuelle sur les États-Unis et le Canada serait “virtuellement impossible’” sans le changement climatique
S‘il ressemble à un changement climatique, s’il évoque un changement climatique et s’il provoque de terribles vagues de chaleur comme un changement climatique… c’est bien un changement climatique.
Image d’entête : à partir des données du programme Copernicus (Copernicus Climate Change Service), anomalie de température de l’air en surface pour le mois de juin 2021 par rapport à la moyenne du mois de juin pour la période 1991-2020. (ERA5/ Copernicus Climate Change Service (C3S)/ ECMWF)
Des scientifiques ont calculé que le changement climatique augmentait considérablement les chances que ce type de chaleur extrême se produise. L’étude, qui n’a pas encore fait l’objet d’un examen par les pairs, montre qu’avant l’ère industrielle, ce type de vague de chaleur n’aurait tout simplement pas eu lieu. Selon les chercheurs, même dans le monde qui se réchauffe aujourd’hui, la chaleur est un événement qui ne se produit qu’une fois par millénaire.
Les villes des provinces occidentales du Canada et des États américains de l’Oregon et de Washington ont connu des températures supérieures à 40 °C ces derniers jours, avec un nouveau record canadien de 49,6 °C dans la ville de Lytton, record qui a été battu trois jours de suite. Ces températures record ont entraîné une hausse soudaine de la mortalité et une forte augmentation des visites à l’hôpital.
Les vagues de chaleur ne sont pas seulement une nuisance, mais peuvent être très dangereuses, entraînant des maladies et des décès, en particulier chez les personnes âgées et les plus jeunes. En raison du changement climatique, elles sont plus fréquentes, plus intenses et durent plus longtemps que par le passé. Les températures mondiales ont déjà augmenté de 1°C par rapport à l’époque préindustrielle et ne montrent aucun signe de ralentissement.
Des scientifiques des États-Unis, du Canada, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de France, d’Allemagne et de Suisse ont collaboré pour évaluer dans quelle mesure le changement climatique d’origine humaine a rendu cette vague de chaleur plus chaude et plus probable. Ils ont analysé comment le changement climatique d’origine humaine a affecté les températures maximales dans les villes les plus touchées par la chaleur.
Juin 2021 a été le mois de juin le plus chaud de l’histoire de l’Amérique du Nord. (Copernicus Sentinel-3)
À l’aide de modèles climatiques bien établis, les scientifiques ont conclu que l’apparition d’une vague de chaleur avec des températures maximales quotidiennes telles que celles observées dans certaines régions des États-Unis et du Canada était « pratiquement impossible » sans changement climatique. Les températures étaient si extrêmes qu’elles se situent bien au-delà de la fourchette des températures historiquement observées.
Selon Friederike Otto, l’une des chercheuses à l’origine de l’étude :
Sans les gaz à effet de serre supplémentaires dans l’atmosphère, dans les statistiques dont nous disposons avec nos modèles, et aussi les modèles statistiques basés sur les observations, un tel événement ne se produit tout simplement pas. Ou si un tel événement se produit, il se produit une fois sur un million de fois.
Selon les chercheurs, il y a deux possibilités pour expliquer le brusque changement de température observé dans la région. La première est qu’il s’agit simplement d’un événement extrêmement rare, aggravé par le changement climatique. L’autre possibilité est que le climat ait franchi un seuil qui rendrait beaucoup plus probable le type de vagues de chaleur qui se sont produites récemment. En d’autres termes, soit le changement climatique est en cours et il est mauvais, soit il est en cours et il est très mauvais…
Jusqu’à présent, les chercheurs avaient constaté une augmentation progressive des extrêmes de chaleur dus au changement climatique. Mais ce qui s’est passé ces derniers jours au Canada et aux États-Unis a modifié cette idée de changement progressif. Selon l’étude, si le monde se réchauffe de 2 °C, les chances de connaître une vague de chaleur similaire à celle de la semaine dernière pourraient passer d’une fois tous les 1 000 ans à une fois tous les 5 à 10 ans.
Les chercheurs, regroupés au sein de l’organisation World Weather Attribution, avaient déjà effectué par le passé des analyses rapides similaires, qui sont ensuite publiées dans des revues à comité de lecture. Dans le passé, ils ont constaté que le changement climatique était à l’origine de vagues de chaleur, notamment en Europe et en Sibérie. Mais dans quelques cas, ils ont estimé que le changement climatique n’était pas un facteur, comme dans le cas d’une sécheresse au Brésil.
Selon les chercheurs :
Nos résultats constituent un avertissement fort : notre climat qui se réchauffe rapidement nous entraîne dans un territoire inexploré qui a des conséquences importantes sur la santé, le bien-être et les moyens de subsistance. L’adaptation et l’atténuation sont nécessaires de toute urgence pour préparer les sociétés à un avenir très différent. Les mesures d’adaptation doivent être beaucoup plus ambitieuses et tenir compte du risque croissant de vagues de chaleur.
Notre meilleure chance de limiter les effets du changement climatique est de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Bien que nous fassions quelques progrès sur ce front, ils sont bien trop faibles pour éviter des problèmes comme cette canicule (et des effets encore plus catastrophiques à l’avenir).
L’étude en prépublication sur le site du World Weather Attribution : Rapid attribution analysis of theextraordinary heatwave on the Pacific Coastof the US and Canada June 2021 et présentée sur ce même site : Western North American extreme heat virtually impossible without human-caused climate change.