Des physiciens viennent de battre le record de l’aimant le plus fin au monde
Des scientifiques américains ont mis au point un matériau magnétique bidimensionnel qui est le plus fin du monde, ce qui pourrait ouvrir de nouvelles possibilités dans le domaine de l’informatique et de l’électronique. L’aimant n’a qu’un seul atome d’épaisseur et, contrairement aux matériaux similaires développés précédemment, il est capable de fonctionner à température ambiante, ce qui, entre autres applications, pourrait permettre de stocker des données à des densités beaucoup plus élevées.
Identifier des matériaux bidimensionnels dotés de propriétés magnétiques est une chose que les scientifiques ont déjà réalisée. En 2017, des recherches portant sur un matériau ferromagnétique appelé triiodure de chrome, ont révélé qu’il pouvait être réduit à une monocouche d’un atome d’épaisseur tout en conservant son magnétisme.
Les scientifiques du Lawrence Berkeley National Laboratory et de l’Université de Californie à Berkeley (Etats-Unis) se sont efforcés de remédier à l’une des faiblesses des aimants 2D précédemment développés, à savoir une instabilité à température ambiante qui leur fait perdre leur magnétisme. Cela a limité jusqu’à présent l’aspect pratique de cette technologie, mais les chercheurs ont maintenant trouvé une voie prometteuse.
Selon l’auteur principal Jie Yao :
Les aimants 2D de pointe ont besoin de très basses températures pour fonctionner. Mais pour des raisons pratiques, un centre de données doit fonctionner à température ambiante. Notre aimant 2D n’est pas seulement le premier à fonctionner à température ambiante ou plus, mais c’est aussi le premier aimant à atteindre la véritable limite 2D : il est aussi fin qu’un seul atome !
Illustration de la structure d’un film magnétique 2D récemment développé, avec des sphères rouges, bleues et jaunes représentant des atomes de cobalt, d’oxygène et de zinc. (Berkeley Lab)
Les scientifiques ont commencé par un mélange d’oxyde de graphène, de zinc et de cobalt qui a été chauffé en laboratoire et transformé en une couche d’oxyde de zinc parsemée d’atomes de cobalt. D’une épaisseur d’un seul atome, cette couche a été prise en sandwich entre deux couches de graphène, qui ont ensuite été brûlées pour former un film magnétique en 2D.
Grâce à des expériences complémentaires, l’équipe a découvert que le magnétisme pouvait être modifié en changeant la quantité de cobalt dans le matériau. Une concentration de 5 ou 6% d’atomes de cobalt a donné un aimant relativement faible, tandis qu’une concentration de 12% a créé un aimant très puissant. L’augmentation de la concentration à 15 % a conduit à ce que les scientifiques appellent un état quantique de « frustration », où des états magnétiques contradictoires au sein du matériau sont en concurrence les uns avec les autres.
L’équipe a constaté que, contrairement aux précédents aimants en 2D, le matériau conservait ses propriétés magnétiques non seulement à température ambiante, mais aussi à des températures atteignant 100 °C.
Selon Rui Chen, auteur de l’étude :
Notre système magnétique 2D présente un mécanisme distinct par rapport aux précédents aimants 2D. Et nous pensons que ce mécanisme unique est dû aux électrons libres dans l’oxyde de zinc.
L’aimant 2D de l’équipe est un million de fois plus fin qu’une feuille de papier et peut être plié dans presque toutes les formes. L’une des applications prometteuses de cette technologie réside dans le stockage des données. Les dispositifs de mémoire utilisés aujourd’hui reposent sur des films magnétiques très fins, mais toujours tridimensionnels et mesurant des centaines ou des milliers d’atomes d’épaisseur. Des aimants plus fins, notamment d’un seul atome, permettraient de stocker des données à des densités beaucoup plus élevées.
Le matériau offre également de nouveaux modes d’étude dans le monde de la physique quantique en permettant l’observation individuelle d’atomes magnétiques et des interactions entre eux. Une autre possibilité concerne le domaine de la spintronique, où le spin des électrons plutôt que leur charge serait utilisé pour stocker et manipuler des données. Les scientifiques imaginent que l’aimant 2D pourrait faire partie d’un dispositif compact facilitant ces processus.
Selon le coauteur Robert Birgeneau :
Je pense que la découverte de ce nouvel aimant robuste et véritablement bidimensionnel à température ambiante constitue une véritable percée.
L’étude publiée dans Nature Communications : Tunable room-temperature ferromagnetism in Co-doped two-dimensional van der Waals ZnO et présentée sur le site du Berkeley Lab : Main Attraction: Scientists Create World’s Thinnest Magnet.