Certaines étoiles naines blanches semblent plus jeunes qu’elles ne le sont en réalité et cela pourrait aider à prédire la fin de l’univers
Lorsqu’une étoile d’une certaine masse cesse sa fusion nucléaire, meurt et devient une naine blanche, tout ce qui reste pour la faire briller est la chaleur résiduelle. Elle finit par se refroidir dans l’obscurité, laissant un hypothétique cristal froid et mort connu sous le nom de naine noire.
Image d’entête : l’amas globulaire M13 ou Messier 13, très souvent appelé le Grand Amas d’Hercule, imagé par le télescope spatial Hubble, est l’un des deux grands regroupements d’étoiles étudiés ici. (ESA/Hubble/NASA)
Nous pensons que l’Univers n’est pas assez vieux pour qu’un tel processus soit complètement achevé, et nous n’avons donc pas été en mesure de le confirmer. Maintenant, il semble que nous ayons pu nous tromper : les astronomes ont trouvé des preuves de l’existence d’une étoile naine blanche sur laquelle l’hydrogène brûle encore de manière stable, mais à la surface et non au cœur.
Cela suggère que ces noyaux stellaires résiduels pourraient vieillir et mourir encore plus lentement que nous ne le pensions, retardant leur disparition éventuelle en brûlant leurs enveloppes extérieures riches en hydrogène.
Selon l’astronome Jianxing Chen de l’université de Bologne et de l’Institut national italien d’astrophysique en Italie :
Nous avons trouvé la première preuve observationnelle que les naines blanches peuvent encore subir une activité thermonucléaire stable. C’est une surprise, car cela va à l’encontre de ce que l’on croit généralement.
Les naines blanches sont le stade d’évolution tardif des étoiles de faible masse, celles dont la masse est environ 8 fois supérieure à celle du Soleil. Lorsqu’elles terminent leur vie sur la séquence principale et ne sont plus en mesure de faire fusionner l’hydrogène dans leur noyau, elles éjectent leur matière extérieure.
Le noyau restant, qui n’est plus soutenu par la pression extérieure de la fusion, s’effondre en un objet ultradense. C’est la naine blanche, dont la masse maximale est d’environ 1,4 fois la masse du Soleil.
Ces naines blanches sont extrêmement chaudes. L’Univers a environ 13,8 milliards d’années. Selon la modélisation, il faut beaucoup plus de temps pour qu’une naine blanche refroidisse complètement. Mais ce processus intéresse beaucoup les astronomes. Ils prévoient qu’environ 97 % de toutes les étoiles de l’Univers, y compris le Soleil, finiront leur vie de cette façon. En connaissant l’évolution des naines blanches, il est possible de prédire la fin de l’Univers.
Les astronomes ont calculé la vitesse à laquelle elles doivent se refroidir, ce qui signifie que, si nous connaissons la masse et la température d’une naine blanche, nous devrions être en mesure de déterminer son âge. Cela peut servir d’outil pour estimer l’âge des amas d’étoiles dans lesquels on trouve des populations de naines blanches.
Nous pouvons également observer plusieurs amas pour observer les différents stades d’évolution des naines blanches et les comparer. C’est ce que Chen et son équipe ont fait, en utilisant la caméra à large champ WFC3 du télescope spatial Hubble pour étudier les naines blanches dans deux amas d’étoiles, nommés M3 et M13.
Pour étudier la physique qui sous-tend l’évolution des naines blanches, les astronomes ont comparé les naines blanches qui se refroidissent dans deux groupes d’étoiles massives : les amas globulaires M3 et M13. (ESA/Hubble & NASA, G. Piotto et col.)
Ces deux amas sont intéressants, car les étoiles qui les composent présentent une métallicité similaire, c’est-à-dire l’abondance d’éléments plus lourds que l’hélium. Ces éléments n’étaient pas abondants dans l’Univers avant que quelques générations d’étoiles n’apparaissent et ne disparaissent, fusionnant des éléments dans leur cœur et libérant ces éléments dans l’Univers lorsque les étoiles mouraient et les éjectaient dans l’espace. Cela signifie que l’abondance de ces éléments peut être utilisée pour déterminer approximativement l’âge des étoiles.
Les étoiles de M3 et M13 se trouvent à un stade d’évolution connu sous le nom de Branche Horizontale. Ce stade se situe juste après qu’une étoile de masse solaire ait épuisé son hydrogène pour le faire fusionner dans son noyau. Elle a dépassé le stade de la géante rouge, au cours duquel elle se débarrasse de son enveloppe extérieure, et fusionne désormais de l’hélium.
Les métallicités similaires des étoiles des deux amas signifient que celles-ci devraient avoir à peu près le même âge, mais certaines des étoiles de M13 brûlent plus fort que celles de M3, ce qui suggère qu’elles pourraient se refroidir différemment.
Grâce à des observations dans le proche ultraviolet, les chercheurs ont examiné de plus près plus de 700 naines blanches dans les deux amas pour voir quelle différence cela pouvait faire.
Les naines blanches de M3 étaient plutôt normales, exactement ce que l’on s’attend à voir dans des noyaux stellaires ultradenses en refroidissement. Les naines blanches de M13, en revanche, étaient de deux sortes : normales et celles qui avaient conservé une enveloppe riche en hydrogène.
Des simulations informatiques de l’évolution stellaire ont montré que ces étoiles, qui représentent environ 70 % des étoiles de M13, brûlent de l’hydrogène dans leur enveloppe extérieure. Elles restent donc plus chaudes plus longtemps, ce qui signifie qu’elles vieillissent à un rythme différent de celui des naines blanches qui ne brillent que par leur chaleur résiduelle.
Il s’agit d’un problème majeur, car cela signifie que nos estimations de l’âge des naines blanches pourraient être faussées de près d’un milliard d’années, si elles sont de cette variété brûlant de l’hydrogène.
Et, pour ajouter une autre pierre à l’édifice, en 2019, des astronomes ont découvert un autre type de naine blanche brûlant anormalement, assez pour retarder le refroidissement de 8 milliards d’années. Ce phénomène reste à expliquer, mais, combiné aux nouvelles découvertes, il suggère que nous ne comprenons peut-être pas aussi bien que nous le pensions cette étape de la vie des étoiles.
Selon l’astronome Francesco Ferraro de l’Université de Bologne et de l’Institut national italien d’astrophysique :
Notre découverte remet en question la définition des naines blanches alors que nous envisageons une nouvelle perspective sur la façon dont les étoiles vieillissent.
Nous étudions maintenant d’autres amas similaires à M13 pour déterminer plus précisément les conditions qui poussent les étoiles à maintenir la fine enveloppe d’hydrogène qui leur permet de vieillir lentement.
L’étude publiée dans Nature Astronomy : Slowly cooling white dwarfs in M13 from stable hydrogen burning et présentée sur le site de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) : Hubble Discovers Hydrogen-Burning White Dwarfs Enjoying Slow Ageing.