Un étonnant crabe vieux de 100 millions d’années parfaitement préservé dans de l’ambre
Il y a plus de 100 millions d’années, alors que les dinosaures erraient encore sur la Terre, un minuscule crabe s’est aventuré sur un rivage. Par malchance, il s’est retrouvé coincé dans de la résine et a péri. Mais heureusement pour nous, cette résine s’est fossilisée en ambre, préservant non seulement les parties du corps du crabe, mais aussi les tissus mous comme les antennes et même ses yeux globuleux.
Image d’entête : reconstruction artistique du Cretapsara athanata, dont le nom se traduit par » l’esprit immortel des nuages et des eaux du Crétacé « . (Franz Anthony/ Javier Luque)
A partir de l’étudie, le petit crabe fossilisé dans l’ambre. (Javier Luque et Lida Xing/ Science Advances)
Selon Javier Luque, chercheur postdoctoral au département de biologie organique et évolutive de l’université Harvard (États-Unis) :
Il ne manque pas un seul poil sur le corps, ce qui est remarquable.
Ce spécimen spectaculaire est, en fait, le fossile de crabe le plus complet jamais découvert. L’ancien crabe, que les scientifiques ont baptisé Cretapsara athanata, provient du nord de la Birmanie. Des chercheurs du Musée de l’ambre de Longyin, en Chine, ont acheté le fossile à des mineurs locaux en 2015 et il est resté dans la collection du musée quelque peu en retrait jusqu’à ce que Luque en entende parler.
Ce dernier étant l’une des plus grandes autorités mondiales en matière d’évolution des crabes, il a naturellement été invité à participer à une coopération internationale réunissant des chercheurs de Chine, du Canada et des États-Unis.
Lorsque Luque a posé les yeux sur le fossile d’ambre, l’une de ses premières pensées fut de se demander ce que pouvait bien faire un crabe coincé dans de la résine d’arbre fossilisée.
(Javier Luque et Lida Xing/ Science Advances)
Grâce à des microtomographie aux rayons X, Lida Xing de l’Université de Chine et ses collègues ont reconstitué un modèle 3D de l’ancien crabe, permettant aux chercheurs d’étudier le spécimen dans ses moindres détails, y compris les fins poils qui tapissaient son corps.
D’après ces scans, le spécimen vieux de 100 millions d’années ressemblait beaucoup aux crabes modernes qui se promènent aujourd’hui sur les côtes du monde entier. À en juger par sa taille minuscule, qui ne mesure que 5 millimètres de diamètre, il s’agissait probablement d’un bébé crabe. Bien que les plus anciens fossiles de crabes remontent au Jurassique, il y a plus de 200 millions d’années, les fossiles de crabes découverts précédemment étaient incomplets, essentiellement constitués de fragments de pinces.
Un modèle en 3D du crabe fossilisé. ((Javier Luque et Lida Xing/ Science Advances)
Le nouveau spécimen est également antérieur de 25 à 50 millions d’années aux précédents fossiles de crabes et correspond parfaitement aux reconstitutions moléculaires de l’arbre de vie des crabes. Ces analyses de l’ADN moléculaire prévoient que les crabes non marins se sont séparés de leurs ancêtres marins il y a plus de 125 millions d’années. Ainsi, cet étonnant crabe du Crétacé comble le fossé entre les prédictions théoriques et les archives fossiles réelles.
Dans leur étude (lien plus bas), les auteurs notent que le fossile de l’ambre montre que les crabes sont passés de la mer à la terre beaucoup plus tôt qu’on ne le pensait, à l’époque des dinosaures plutôt qu’à celle des mammifères.
Mais il n’est pas certain que le Cretapsara athanata aimait la terre, à en juger par ses poumons incomplets qui n’étaient pas adaptés à une vie entièrement terrestre. Les scientifiques pensent plutôt que l’ancien crabe prospérait probablement en eau douce ou peut-être en eau saumâtre. Parmi les habitats préférés du crabe, il est possible qu’il y ait eu des flaques d’eau sur le sol des forêts, ce qui explique comment ce spécimen en particulier a pu trouver la mort.
Selon Luque :
Les crabes sont présents partout dans le monde, ils font de bons animaux d’aquarium, ils sont délicieux pour ceux d’entre nous qui les mangent, et ils sont célébrés dans des parades et des festivals, et ils ont même leur propre constellation. Les crabes, en général, sont fascinants, et certains ont une apparence tellement bizarre, depuis les minuscules crabes en forme de pois jusqu’aux énormes crabes à noix de coco. La diversité des formes des crabes captive l’imagination du public scientifique et non scientifique, et les gens sont actuellement très enthousiastes à l’idée d’en apprendre davantage sur un groupe aussi fascinant qui n’est pas un dinosaure. C’est un grand moment pour les crabes.
L’étude publiée dans Science Advances : Crab in amber reveals an early colonization of nonmarine environments during the Cretaceous et présentée sur le site de l’Université Harvard : Bad for 100-million-year-old crab, but good for scientists.