La transition entre les loups et les petits chiens fut simple, mais la domestication pourrait avoir réduit le cerveau des chats
Comment sommes-nous passés des majestueux loups hurlants et des tigres rôdeurs aux carlins trapus et aux petits bouts de choux distants que nous accueillons aujourd’hui dans nos foyers et nos cœurs ?
Deux nouvelles études ont permis d’approfondir notre connaissance du processus et des effets de la domestication sur nos amis à quatre pattes préférés.
Selon le récit populaire de la domestication, la transformation de grands animaux dangereux en animaux de compagnie fut un processus graduel, fruit de la sélection par l’humain de petits compagnons mignons. Bien que cela puisse encore être vrai pour certains animaux domestiqués, une nouvelle étude (lien plus bas) soutient que le processus pourrait avoir été beaucoup moins complexe pour les chiens que nous le pensions.
Des chercheurs du National Institutes of Health (NIH/ États-Unis) ont identifié une mutation génétique dans un gène régulateur de l’hormone de croissance chez les chiens qui correspond à une petite taille corporelle, et qui était présente chez les loups il y a plus de 50 000 ans, bien avant que les humains ne considèrent ces bêtes sauvages comme leurs meilleurs amis.
La recherche d’une telle mutation est en cours au NIH depuis plus de 10 ans, mais il a fallu une approche latérale pour la découvrir. L’équipe a recherché des séquences autour du gène régulateur de l’hormone de croissance qui étaient positionnées à l’envers chez les chiens domestiques, puis a cherché à confirmer si ces séquences étaient également présentes chez d’autres canidés et dans l’ancien ADN.
Cette approche novatrice a été couronnée de succès, puisqu’elle a permis d’identifier une forme inversée du gène du facteur de croissance analogue à l’insuline 1 (IGF-1) dont les variantes étaient corrélées à la taille corporelle dans chacune des 200 races étudiées.
Image tirée de l’étude : l’ancêtre des canidés était probablement petit et portait l’allèle C du gène candidat, rs22397284. L’allèle pour la grande taille est apparu quelque temps avant 53 000 ans avant le présent et a généré des animaux plus grands (Canis lupus). Le petit allèle ancestral continue d’exister dans la population de loups gris, bien qu’à une fréquence faible. Environ 15 000 ans avant aujourd’hui, la domestication canine a probablement commencé avec de grands chiens ressemblant à des loups. Peu après, la sélection par l’homme de petits canidés porteurs de l’allèle C ancestral a conduit à la prépondérance des petites races domestiques modernes. La flèche grise reflète l’hybridation réelle observée entre les coyotes et les loups dans la partie orientale de l’Amérique. (Plassais et col./ Current Biology)
En collaboration avec des chercheurs de l’université d’Oxford (Royaume-Uni) et de l’université Louis-et-Maximilien de Munich (Allemagne), l’équipe s’est ensuite penchée sur l’ADN d’un loup sibérien vieux de 54 000 ans : la mutation s’y trouvait également, ce qui exclut la possibilité qu’il s’agisse d’un sous-produit direct des efforts de domestication de l’humain, qui ont débuté il y a environ 20 000 ans.
Cette découverte change complètement le récit de l’évolution du meilleur ami de l’homme.
Selon le Dr Elaine Ostrander du NIH :
C’est comme si la nature l’avait gardé dans sa poche arrière pendant des dizaines de milliers d’années jusqu’à ce qu’on en ait besoin.
Cette découverte ne concerne pas seulement les chiens et les loups, mais aussi les coyotes, les chacals, les chiens de chasse africains et d’autres canidés.
Les éléments qui nous semblent très modernes sont en fait très anciens.
L’étude publiée dans Current Biology : Natural and human-driven selection of a single non-coding body size variant in ancient and modern canids.
La taille du cerveau a diminué chez les chats domestiques
Selon une nouvelle étude (lien plus bas), les chats n’ont peut-être pas connu un parcours aussi simple vers la domestication.
L’étude, compilée par une équipe de chercheurs internationaux, décrit un rétrécissement du cerveau des chats lors de la transition entre le stade de créatures sauvages et celui de chats domestiqués.
Selon l’équipe, un lien entre la domestication et la réduction du volume du cerveau a déjà été signalé auparavant, mais uniquement dans d’anciens ouvrages qui, dans certains cas, comparaient les animaux domestiques à des espèces sauvages qui ne sont plus considérées comme leurs véritables ancêtres.
Souhaitant commencer à distinguer la réalité de la fiction, l’équipe a comparé le volume crânien des chats domestiques avec celui des chats sauvages européens, des chats sauvages africains et des hybrides de races de chats sauvages et domestiques.
Le résultat est un clair enchaînement, la taille du cerveau diminuant régulièrement depuis les chats sauvages jusqu’à nos félins domestiques, en passant par les hybrides. L’équipe affirme qu’il s’agit là d’une preuve évidente de la diminution de la taille du cerveau en fonction de la domestication, mais elle ne sait pas encore pourquoi les deux phénomènes sont liés, ni si cette tendance peut s’appliquer à d’autres animaux domestiqués.
Ainsi, la diminution de la taille de nos amis à poils s’est peut-être accompagnée d’une diminution de leur intelligence, mais nous avons tout de même de la chance de les aimer.
L’étude publiée dans Royal Society Open Science : Cranial volume and palate length of cats, Felis spp., under domestication, hybridization and in wild populations.