Le plus haut glacier de l’Everest a perdu 2 000 ans de glace en seulement 25 ans
La crise climatique qui touche la Terre a des répercussions dans les profondeurs des mers et dans les régions les plus reculées de la planète. Et de nouvelles recherches montrent qu’elle provoque également des changements dans les zones les plus élevées du monde.
Image d’entête : mont Everest et le glacier du khumbu. (Daniel Prudek)
Les scientifiques qui étudient le col Sud, le plus haut glacier de l’Everest, ont constaté une diminution rapide de la glace à mesure que les températures mondiales augmentent, la glace étant davantage exposée et vulnérable en raison de l’amincissement du manteau neigeux.
L’escalade du mont Everest sera donc plus difficile en raison de l’exposition de la roche-mère. Plus inquiétant encore est l’impact potentiel sur les populations qui dépendent de ces glaciers pour leur approvisionnement en eau potable et agricole. L’augmentation du risque d’avalanches est une autre préoccupation.
Selon Mariusz Potocki, glaciochimiste et premier auteur de l’étude, de l’université du Maine (‘États-Unis) :
Les prévisions climatiques pour l’Himalaya suggèrent un réchauffement continu et une perte continue de la masse des glaciers, et même le sommet de l’Everest est touché par le réchauffement d’origine anthropique.
À l’aide de données provenant de stations météorologiques et d’échantillons de glace, dont une carotte de glace prélevée à une altitude de 8 020 mètres, un record de hauteur pour ce genre d’échantillon, les modèles des chercheurs montrent que plusieurs décennies de glace accumulée sont perdues chaque année.
Mariusz Potocki et l’équipe de Sherpa forant la plus haute carotte de glace jamais récupérée à 8020m d’altitude avec le sommet du Mont Everest en arrière-plan. (Dirk Collins/ National Geographic)
La perte de la couverture neigeuse est critique, rapporte l’équipe. Au fur et à mesure de la sublimation (le passage direct de la neige à la vapeur), la glace située en dessous est davantage exposée et le rayonnement solaire est moins réfléchi. L’étude estime qu’environ 2 mètres d’eau sont perdus chaque année.
Ces nouvelles recherches s’inscrivent dans le cadre de la 2019 National Geographic and Rolex Perpetual Planet Everest Expedition, qui a pour mission d’étudier comment le changement climatique affecte le col Sud et le réseau de glaciers de l’Hindu Kush et l’Himalaya.
Selon le glaciologue Paul Mayewski de l’Université du Maine :
Il répond à l’une des grandes questions posées par notre expédition NGS/Rolex Planète Everest 2019, à savoir si les plus hauts glaciers de la planète sont touchés par le changement climatique d’origine humaine.
La réponse est un oui retentissant, et de manière très significative depuis la fin des années 1990.
Selon les modèles des chercheurs, l’amincissement des glaciers a atteint environ 55 mètres au cours des 25 dernières années, ce qui est 80 fois plus rapide que la formation de la glace au cours des deux derniers millénaires. Si les changements ont été les plus intenses sur l’Everest depuis la fin des années 1990, les déplacements déclenchés par le réchauffement climatique semblent s’être produits depuis les années 1950.
Outre le réchauffement des températures, les scientifiques invoquent la baisse de l’humidité relative et l’augmentation des vents pour expliquer la perte d’une telle quantité de neige qui disparaît actuellement à un rythme beaucoup plus rapide que son remplacement.
Le fait que cela se produise au point le plus élevé du globe constitue un avertissement pour les glaciers du monde entier à mesure que les températures augmentent. Les prévisions suggèrent que la tendance ne va que dans une seule direction, et que même les glaciers situés aussi haut que le col sud pourraient disparaître d’ici le milieu du siècle, un autre rappel brutal de la façon dont nous avons définitivement changé le paysage de la planète.
Selon les chercheurs dans leur étude :
Le plus haut glacier de l’Everest a servi de sentinelle pour cet équilibre délicat et a démontré que même le toit de la Terre est touché par le réchauffement d’origine anthropique.
L’étude publiée dans NPJ Climate and Atmospheric Science : Mt. Everest’s highest glacier is a sentinel for accelerating ice loss et présentée sur le site de l’Université du Maine : Human-induced climate change impacts the highest reaches of the planet — Mount Everest.