Des chercheurs dévoilent les éléments nécessaires à la conception d’une voile interstellaire
Les sondes Voyager 1 et Voyager 2 de la NASA, lancées dans les années 1970, restent les deux seuls objets de fabrication humaine à avoir quitté notre système solaire. Bien que les deux sondes aient défié les attentes et soient toujours opérationnelles, des chercheurs continuent de concevoir de nouvelles missions qui pourraient explorer au-delà de notre voisinage stellaire. Une technologie connue sous le nom de voile solaire, une voile poussée par la lumière au lieu du vent, semble être un moyen prometteur d’atteindre un objectif aussi ambitieux.
Image d’entête : représentation artistique du vaisseau spatial Starshot Lightsail pendant son accélération par un réseau laser terrestre. (Masumi Shibata/ Breakthrough Initiatives)
Dans deux nouvelles études, des chercheurs ont examiné la meilleure façon de concevoir une voile pour un voyage interstellaire. Ils ont constaté que celle-ci devrait être gonflable et avoir un motif en forme de grille, et ils sont parvenus à certaines conclusions sur les meilleurs matériaux à utiliser.
Ces études ont été menées dans le cadre de l’Initiative Breakthrough Starshot, un projet de recherche et d’ingénierie visant à développer de nouveaux modèles d’engins légers à voile capables de se rendre à Alpha du Centaure, notre voisin le plus proche dans le système solaire.
Représentation de la voile solaire du projet Breakthrough Starshot.
Breakthrough Starshot est un projet des Breakthrough Initiatives, « une série de programmes scientifiques spatiaux qui étudient les questions fondamentales de la vie dans l’univers », selon le site Web du programme.
Breakthrough Starshot vise à développer une voile solaire ou photovoile qui transporterait une sonde de la taille d’une micropuce à 20 % de la vitesse de la lumière. Cette vitesse élevée permettrait à la sonde d’atteindre Alpha Centauri en seulement 20 ans environ.
À titre de référence, Alpha Centauri se trouve à environ 4 années-lumière de la Terre, et certains experts estiment qu’il faudrait au moins 6 300 ans pour atteindre le système avec la technologie actuelle.
Les voiles solaires ne relèvent pas de la science-fiction et ne sont pas une idée nouvelle. Elles peuvent servir à propulser des vaisseaux spatiaux sans utiliser de carburant pour fusée. Les photovoiles fonctionnent lorsque des particules de lumière, appelées photons, frappent la voile réfléchissante, transférant leur élan à la feuille.
Au fil du temps, des milliards et des milliards de photons frappent la voile, transmettant suffisamment d’élan pour « pousser » le vaisseau.
En 2019, la Planetary Society, une organisation américaine à but non lucratif d’éducation et de sensibilisation à l’espace, a lancé en orbite terrestre un engin spatial alimenté par une voile lumineuse, appelé LightSail 2, financé par le crowdfunding. Le nano-satellite cubesat a tout juste la taille d’une miche de pain, mais sa voile solaire s’étend sur environ 32 mètres carrés.
Représentation de la voile solaire LightSail 2. (Planetary Society)
La voile de l’engin est constituée de quatre sections triangulaires en Mylar aluminisé. L’engin est arrivé dans l’espace à bord d’une fusée Falcon Heavy de la société américaine SpaceX, mais en orbite, il a manœuvré grâce à la poussée de la lumière du soleil.
L’agence spatiale japonaise JAXA a également lancé une sonde qui se déplace à l’aide d’une voile solaire appelée Ikaros.
Starshot diffère toutefois de LightSail 2. Alors que celle-ci ne s’appuie que sur les photons du soleil, Starshot aurait besoin d’une lumière plus intense pour atteindre les vitesses extrêmes que les responsables du projet espèrent réaliser. Pour ce faire, le projet vise à utiliser des lasers terrestres pour concentrer une lumière intense directement sur les voiles lumineuses des futures sondes Starshot, afin de les envoyer rapidement sur leur trajectoire après leur mise en orbite.
Dans ces deux nouvelles études, les chercheurs ont examiné la forme et le motif les plus efficaces d’une photovoile.
La première étude, dirigée par Igor Bargatin, chercheur au département de génie mécanique et de mécanique appliquée de l’université de Pennsylvanie, propose le meilleur matériau et la meilleure forme pour une voile interstellaire.
Tout d’abord, l’étude suggère que la voile solaire de Starshot soit constituée de feuilles ultrafines d’oxyde d’aluminium, un composé chimique, et de disulfure de molybdène, un métal de transition noir argenté.
L’équipe recommande également que, pour éviter les déchirures, la voile ait une courbe importante et « s’enroule comme un parachute plutôt que de rester plate ».
Selon Bargatin :
L’intuition ici est qu’une voile très serrée, que ce soit sur un voilier ou dans l’espace, est beaucoup plus sujette aux déchirures. « C’est un concept relativement facile à saisir, mais nous avons dû faire des calculs très complexes pour montrer réellement comment ces matériaux se comporteraient à cette échelle.
En particulier avec les vitesses élevées que l’équipe de Starshot vise, la voile endurera un certain nombre de contraintes en étant poussée à l’extrême. Ces chercheurs suggèrent que la forme ondulée de la voile l’empêchera de se briser sous cette contrainte.
Selon l’auteur principal, Matthew Campbell, chercheur postdoctoral dans le groupe de Bargatin :
Les photons laser rempliront la voile comme l’air gonfle un ballon de plage. Et nous savons que les conteneurs légers et pressurisés doivent être sphériques ou cylindriques pour éviter les déchirures et les fissures. Pensez aux réservoirs de propane ou même aux réservoirs de carburant des fusées.
L’étude publiée dans Nano Letters : Relativistic Light Sails Need to Billow.
La deuxième étude a exploré comment un motif à l’intérieur de la voile pourrait distribuer le plus efficacement possible la chaleur de la lumière provenant des lasers sur Terre.
Selon l’auteur principal, Aaswath Raman, chercheur au département de science et d’ingénierie des matériaux de l’université de Californie à Los Angeles :
Si les voiles absorbent ne serait-ce qu’une infime partie de la lumière laser incidente, elles atteindront des températures très élevées. Pour s’assurer qu’elles ne se désintègrent tout simplement pas, nous devons maximiser leur capacité à rayonner leur chaleur, qui est le seul mode de transfert de chaleur disponible dans l’espace.
Auparavant, les chercheurs ont suggéré que le « tissu » d’une voile légère pourrait être recouvert de minuscules trous régulièrement espacés pour faire face à ce problème de surchauffe. Cependant, ces chercheurs suggèrent que la voile pourrait avoir des trous en plus du tissu de la voile assemblé en grille pour maximiser la distribution de la chaleur.
Selon le coauteur Deep Jariwala, un chercheur qui travaille avec Bargatin à l’Université de Pennsylvanie (Etats-Unis) :
Il y a quelques années, le fait même de penser ou de faire un travail théorique sur ce type de concept était considéré comme farfelu. Aujourd’hui, non seulement nous avons un concept, mais ce concept est fondé sur des matériaux réels disponibles dans nos laboratoires. Notre plan pour l’avenir serait de fabriquer de telles structures à petite échelle et de les tester avec des lasers de grande puissance.
L’étude publiée dans Nano Letters : Multiscale Photonic Emissivity Engineering for Relativistic Lightsail Thermal Regulation. Les deux études présentées sur le site du Penn Engineering Today de l’Université de Pennsylvanie : How to Design a Sail that Won’t Tear or Melt on an Interstellar Voyage.