Ça se rafraichit : 17 ans d’étude de Neptune révèlent de surprenants changements de température
Sur Neptune, la nuit est sombre et remplie de menaces. L’hémisphère nord de la planète subit actuellement l’un de ses hivers qui durent depuis 40 ans, tandis que le sud profite d’un été relativement « doux » (la température moyenne de la planète est d’environ 220 °C). Mais d’étranges phénomènes météorologiques enregistrés au cours d’un projet de 17 ans visant à suivre les températures atmosphériques de Neptune suggèrent que globalement, l’hiver arrive bel et bien sur Neptune.
Images d’entête : les images thermiques, prises entre 2006 et 2021 par l’instrument VISIR du VLT, montrent un refroidissement progressif de Neptune, avant un réchauffement spectaculaire de son pôle sud au cours des dernières années. (ESO/ M. Roman)
Vue de Neptune par la sonde Voyager 2, capturée en août 1989. (NASA/ JPL-Caltech/ Kevin M. Gill)
Une équipe internationale d’astronomes a utilisé des télescopes terrestres, dont le Very Large Telescope de l’Observatoire européen austral (le VLT de l’ESO), pour suivre l’atmosphère de la planète pendant 17 ans. En combinant près de 100 images infrarouges thermiques de la planète gelée recueillies au cours de cette période, ils ont reconstitué la trajectoire des températures et ils ont découvert quelque chose de surprenant.
A gauche, image de la planète Neptune acquise par l’optique adaptative de l’instrument MUSE du Very Large Telescope de l’ESO. L’image à droite est issue du Télescope Spatial Hubble. (ESO/P. Weilbacher (AIP)/NASA, ESA, et M.H. Wong/ J. Tollefson (UC Berkeley))
Selon une nouvelle étude publiée cette semaine (lien plus bas), bien que Neptune soit à l’apogée de sa longue saison estivale (l’été y est présent depuis 2005), les températures moyennes globales de la planète ont chuté de 8°C depuis 2003.
Ce qui est peut-être encore plus surprenant, c’est que malgré ce changement glacial global, le pôle sud de la planète a connu une augmentation significative de la température de 11°C entre 2018-2020 seulement. Bien que le vortex polaire chaud de Neptune soit connu depuis de nombreuses années, un réchauffement polaire aussi rapide n’avait jamais été observé auparavant sur la planète.
Selon le coauteur de l’étude Glenn Orton, chercheur principal au Jet Propulsion Laboratory (JPL) de Caltech aux États-Unis :
Nos données couvrent moins de la moitié d’une saison de Neptune, donc personne ne s’attendait à voir des changements importants et rapides.
Pour Michael Roman, associé de recherche postdoctorale à l’Université de Leicester, au Royaume-Uni, et auteur principal de l’étude :
Ce changement était inattendu. Comme nous avons observé Neptune au début de son été austral, nous nous attendions à ce que les températures se réchauffent lentement, et non à ce qu’elles se refroidissent.
Les astronomes ont mesuré la température de Neptune à l’aide de caméras thermiques qui fonctionnent en mesurant la lumière infrarouge émise par un objet. Lorsqu’il s’agit de Neptune, ce n’est pas une mince affaire, car les températures de sa surface sont très froides et parce qu’elle est très éloignée.
Selon le coauteur, Leigh Fletcher, professeur à l’université de Leicester :
Ce type d’étude n’est possible qu’avec des images infrarouges sensibles prises par de grands télescopes comme le VLT, qui peuvent observer clairement Neptune, et ces images ne sont disponibles que depuis une vingtaine d’années.
Si vous voulez avoir une idée de l’ampleur de ces changements de température, sachez que les climatologues s’accordent tous à dire que même un réchauffement de 2 °C sur la Terre au cours des 150 années qui se sont écoulées depuis la révolution industrielle pourrait avoir des répercussions désastreuses sur la vie. Heureusement, Neptune n’abrite pas d’êtres vivants.
Ce graphique montre le changement relatif de la luminosité dans l’infrarouge thermique de la stratosphère de Neptune en fonction du temps pour toutes les images existantes prises par des télescopes terrestres. Les images les plus brillantes sont interprétées comme étant plus chaudes. Les images infrarouges thermiques correspondantes (en haut) à des longueurs d’onde de ~12 µm montrent l’apparence de Neptune en 2006, 2009, 2018 (observée par l’instrument VISIR du Very Large Telescope de l’Observatoire européen austral) et 2020 (observée par l’instrument COMICS de Subaru). Le pôle sud semble s’être considérablement réchauffé au cours des dernières années. (Michael Roman/ NASA/ JPL/ Voyager-ISS/ Justin Cowart)
Mais quelle pourrait être la cause de ces régimes de température inhabituels ? Pour l’instant, les scientifiques sont perplexes. Il est possible qu’elles soient liées à des changements dans la chimie de la stratosphère de Neptune, à des phénomènes météorologiques aléatoires ou au cycle solaire. Mais pour décoder les secrets de ces extrêmes de température, il faudra poursuivre les recherches.
Les futurs télescopes terrestres tels que l’ELT (Télescope géant européen) de l’ESO pourraient observer ce genre de changements de température de manière plus détaillée, tandis que le télescope spatial James Webb de la NASA/ESA/CSA fournira de nouvelles cartes de la chimie et de la température de l’atmosphère de Neptune.
L’étude publiée dans le Planetary Science Journal : Subseasonal Variation in Neptune’s Mid-infrared Emission et présentée sur le site de l’Observatoire européen austral : Le VLT de l’ESO observe des changements surprenants dans les températures de Neptune et sur le site de l’Université de Leicester : Neptune is cooler than we thought: Study reveals unexpected changes in atmospheric temperatures.