Le monde jurassique du vampire des abysses
Le Guru revient sur quelques recherches publiées lors de sa pause de 12 jours pour son appel aux dons… qui n’est pas totalement clôturé (c’est par ici).
Quand vous pensez à Jurassic Park, vous imaginez sans doute un T-Rex déchiqueté, ou même un Mosasaurus géant bondissant hors de l’océan. Mais pourquoi pas un calmar vampire ?
Bien qu’il n’ait fait l’objet d’aucun film à succès, le vampire des abysses est l’une des créatures les plus mystérieuses de l’océan, avec une seule espèce encore vivante à ce jour. Le Vampyroteuthis infernalis, de l’ordre des Vampyromorphides, vit dans des environnements océaniques extrêmement profonds qui contiennent souvent peu d’oxygène. Ils ne veulent pas vous sucer le sang, mais tirent leur nom de leur apparence effrayante, semblable à une cape. Ils vivent en fait de détritus flottant dans les abysses.
Un vampire des abysses Vampyroteuthis infernalis. (Hendrik J. T. Hoving)
Grâce à des techniques modernes d’imagerie en 3D, des spécimens fossiles exceptionnellement bien conservés d’un ancien parent, le Vampyronassa rhodanica, ont été réanalysés. Contrairement à l’espèce actuelle, ce calmar vampire du Jurassique était bien adapté à la chasse active et possédait des ventouses capables de s’accrocher à ses proies.
Image d’entête : reconstruction hypothétique du Vampyronassa rhodanica. (A. Lethiers, CR2P-SU)
Selon le Dr Patrick Smith, l’un des experts australiens en céphalopodes fossiles basé à l’Australian Museum :
Les ventouses sont vraiment utiles pour l’identification de ces animaux à des niveaux taxonomiques élevés. Cette étude nous donne une bien meilleure résolution de la façon dont ces ventouses étaient construites et comment elles se comparent à d’autres groupes de céphalopodes vivants et éteints.
Cette créature vivait il y a 164 millions d’années, avait huit bras et deux petites nageoires sur leur petit corps de forme ovale d’environ 10 cm de long. Le Vampyronassa rhodanica possédait des ventouses musculaires à l’extrémité de deux longs bras, utilisées pour créer un joint étanche, ce qui facilitait la manipulation et la rétention des proies. Il possédait également des appendices coniques pour détecter ses proies, signe qu’il était un chasseur actif.
A partir de l’étude : reconstruction hypothétique du V. rhodanica basée sur les données de cette étude. (Alison J. Rowe et col./Scientific Reports)
Selon Smith :
Cela nous permet de mieux comprendre la transition évolutive des vampyromorphes. Le calmar vampire actuel est hautement spécialisé dans l’alimentation du plancton dans les eaux froides et profondes. Pourtant, dans les archives fossiles, cette espèce semble être un prédateur de poissons et peut-être d’autres céphalopodes.
A partir de l’étude : scanographie à rayons X (acquises à l’ESRF (Grenoble, France)) et reconstructions du V. rhodanica. (a) Photographie (P. Loubry, CR2P) montrant la préservation exceptionnelle en 3-D des tissus mous conservés. (b) Coupe CT du spécimen. (c) Représentation 3-D montrant la couronne du bras et d’autres éléments présumés (d) Reconstruction 3-D externe (e) Coupe CT montrant la vue de profil. (Alison J. Rowe et col./Scientific Reports)
Alors que l’espèce fossile Vampyronassa rhodanica provient de dépôts jurassiques de La Voulte-sur-Rhône (France), il existe d’autres espèces de Vampyromorphe comme en Australie qui possède sa propre espèce de Vampyromorphe dans le bassin d’Eromanga, dans le Queensland, bien que datant du Crétacé, une période légèrement plus jeune. En rassemblant ces données à l’échelle mondiale, nous pouvons voir comment les calmars vampires et d’autres groupes de céphalopodes ont évolué au cours de deux événements majeurs d’extinction, celle du Trias-Jurassique, il y a environ 200 millions d’années, et l’extinction Crétacé-Paléogène, il y a environ 66 millions d’années.
Toujours selon Smith :
Nous avons plusieurs groupes de céphalopodes du Crétacé en Australie. Malheureusement, aucun d’entre eux avec des tissus mous n’est préservé tout à fait comme ceux du Jurassique. Nous avons au moins deux espèces de vampyromorphes préservées dans le bassin d’Eromanga, qui pouvaient atteindre jusqu’à six mètres de long.
L’étude publiée dans Scientific Reports : Exceptional soft-tissue preservation of Jurassic Vampyronassa rhodanica provides new insights on the evolution and palaeoecology of vampyroteuthids et présentée sur le site de l’European Synchrotron Radiation Facility : It sucked to be the prey of ancient cephalopods.