Découverte de nuages de minéraux dans l’atmosphère d’une “étoile ratée”
De nouvelles observations effectuées par le télescope spatial James Webb (Webb ou JWST) ont confirmé que certains mondes extraterrestres possèdent des nuages de roche.
Le télescope a directement détecté des nuages de silicates dans l’atmosphère d’une naine brune. Selon une équipe internationale d’astronomes, c’est la première fois qu’une telle détection est faite dans une compagne de masse planétaire en dehors du système solaire.
Image d’entête : représentation artistique d’une naine brune. (NASA)
Selon l’équipe, l’ensemble des résultats constitue le meilleur spectre à ce jour pour un objet de masse planétaire. Ces résultats pourraient non seulement aider à mieux comprendre ces « étoiles ratées », mais ne représentent qu’un avant-goût de ce que le Webb peut faire.
Nous avons déjà vu le Webb prendre une image directe d’une exoplanète, mais une naine brune, c’est un peu différent.
Ces objets (naine brune) sont le résultat de l’accumulation par une jeune étoile d’une masse insuffisante pour déclencher la fusion de l’hydrogène en son cœur. Ils se situent entre les plus grosses planètes et les les plus pâles étoiles.
Cependant, à environ 13,6 fois la masse de Jupiter (désolé, Jupiter, tu auras essayé…), les naines brunes peuvent fusionner du deutérium ou hydrogène lourd (heavy hydrogen), de l’hydrogène dont le noyau contient un proton et un neutron, au lieu d’un seul proton.
Les naines brunes sont plus massives que les planètes, mais pas autant que les étoiles. En général, elles ont entre 13 et 80 fois la masse de Jupiter. Une naine brune devient une étoile si la pression de son noyau est suffisamment élevée pour déclencher la fusion nucléaire. (NASA/ JPL-Caltech)
La pression et la température de fusion du deutérium sont inférieures à celles de l’hydrogène, ce qui signifie que les naines brunes sont en quelque sorte des étoiles « légères ».
Cela signifie également que, contrairement aux exoplanètes, les naines brunes émettent leur propre chaleur et leur propre lumière. Celle-ci est évidemment bien moindre que celle des étoiles, mais nous pouvons la détecter directement, notamment dans les longueurs d’onde infrarouges dans lesquelles le JWST est spécialisé.
Les observations obtenues par une équipe dirigée par l’astronome Brittany Miles de l’Université de Californie de Santa Cruz (États-Unis) proviennent d’une naine brune située à quelque 72 années-lumière et désignée VHS 1256-1257 b, décrite pour la première fois en 2015.
Sa masse est environ 19 fois supérieure à celle de Jupiter, elle est relativement jeune et son atmosphère est de couleur rougeâtre. Cette teinte fut précédemment attribuée aux nuages de jeunes naines brunes, l’équipe a donc pris des spectres infrarouges pour voir si elle pouvait déterminer la composition de la naine brune.
Cette méthode permet aux différents éléments d’absorber et de réémettre de la lumière à différentes longueurs d’onde. Les scientifiques peuvent observer le spectre pour voir des caractéristiques plus ou moins brillantes, et déterminer les éléments qui en sont la cause.
L’équipe a constaté que la composition atmosphérique de VHS 1256-1257 b était similaire à celle d’autres naines brunes étudiées dans les longueurs d’onde infrarouges, mais beaucoup plus claire.
Selon les chercheurs dans leur étude :
L’eau, le méthane, le monoxyde de carbone, le dioxyde de carbone, le sodium et le potassium sont observés dans plusieurs parties du spectre du JWST, d’après les comparaisons des spectres de naines brunes modèles, des opacités moléculaires et des modèles atmosphériques.
La caractéristique du monoxyde de carbone, disent les chercheurs, est la plus claire jamais observée. Et ils ont également détecté, comme ils l’espéraient, des nuages de particules de silicate en couche épaisse, dont la taille des grains est inférieure au micron, selon une vieille hypothèse. Il s’agit probablement de minéraux tels que la forstérite, l’enstatite ou le quartz, note l’équipe.
Cela semble enfin confirmer que les jeunes naines brunes peuvent être entourées de nuages de silicates épars qui influencent la variabilité de la luminosité. Cela fournit un outil pour interpréter les observations de naines brunes et quelque chose à rechercher dans les observations futures, notent les chercheurs, ajoutant dans leur étude :
Ces premiers résultats des observations scientifiques de la première version du JWST sont révolutionnaires et peuvent également être obtenus pour de nombreuses autres naines brunes proches qui seront observées lors des prochains cycles d’observation.
Cet observatoire sera un précurseur, poussant notre compréhension de la physique atmosphérique des planètes-compagnes, des naines brunes et des exoplanètes pour les années à venir.
L’étude a été soumise aux revues de l’Union américaine d’astronomie et n’a donc pas encore fini de passer le processus d’évaluation par les pairs, mais elle disponible en prépublication dans arXiv : The JWST Early Release Science Program for Direct Observations of Exoplanetary Systems II: A 1 to 20 Micron Spectrum of the Planetary-Mass Companion VHS 1256-1257 b.