Des étoiles à neutrons entrent en collision et créent une étoile à neutrons plus lourde que ce que l’on pensait possible auparavant
Des astronomes ont été témoins d’un flash de rayonnement gamma provoqué par la collision de deux étoiles à neutrons, mais l’analyse a balayé d’un revers de main une partie de ce que nous croyons savoir de l’astrophysique.
Image d’entête : représentation artistique d’un sursaut gamma alimenté par une étoile à neutrons. (Nuria Jordana-Mitjans/ Université de Bath)
Au moment où la physique commence à comprendre comment les choses fonctionnent, l’univers nous envoie inévitablement une nouvelle énigme.
Les étoiles à neutrons sont des poids lourds du cosmos. Elles comptent parmi les objets les plus denses de l’univers, atteignant environ une à trois fois la masse de notre Soleil, pour un diamètre d’à peine plus de 20 kilomètres.
Ces objets stellaires compacts se forment lorsqu’une étoile supergéante manque de combustible, ce qui provoque l’effondrement de son noyau. Cet effondrement pousse les électrons et les protons du noyau de la supergéante à se rapprocher si étroitement qu’ils fusionnent pour devenir des neutrons.
Au-delà de 25 masses solaires, une étoile qui meurt ne laisse plus derrière elle une étoile à neutrons, mais un trou noir. La masse supplémentaire donne naissance à un objet si dense que même la lumière ne peut échapper à l’attraction gravitationnelle du trou noir.
En théorie, deux étoiles à neutrons qui entrent en collision, en combinant leurs masses, devraient donc former un trou noir. Mais ce n’est pas le cas.
Dans une étude publiée la semaine dernière (lien plus bas), le sursaut gamma de deux étoiles à neutrons entrant en collision a conduit à la formation d’une étoile à neutrons fortement magnétisée, bien plus lourde que la masse maximale possible largement acceptée d’une étoile à neutrons.
Un tel système ne devrait pas exister, mais les scientifiques ont observé que l’étoile à neutrons massive a survécu pendant plus d’un jour avant de s’effondrer en un trou noir.
Selon le premier auteur de l’étude, le Dr Nuria Jordana-Mitjans, astronome à l’université de Bath (Royaume-Uni) :
Une étoile à neutrons aussi massive avec une longue espérance de vie n’est normalement pas censée être possible. C’est un mystère de savoir pourquoi celle-ci a eu une si longue durée de vie.
Selon le professeur Carole Mundell, coauteur de l’étude, également à Bath :
Nous ne pouvons pas rassembler ce matériel et le ramener dans notre laboratoire, donc la seule façon de l’étudier est quand ils font quelque chose dans le ciel que nous pouvons observer.
Le sursaut gamma qui a provoqué toute cette agitation a été détecté en juin 2018 et désigné GRB (Gamma-Ray Burst) 180618A. Survenant à 10,6 milliards d’années-lumière de la Terre, l’explosion de la collision de la paire d’étoiles à neutrons a été observée en trois étapes : le sursaut, une explosion de kilonova (provoquée par la collision de binaires d’étoiles à neutrons) et la rémanence.
Les astronomes ont remarqué que la rémanence a cessé d’émettre de la lumière 35 minutes après l’explosion initiale. Cela s’explique par le fait que l’explosion a été propulsée à une vitesse proche de celle de la lumière par une source d’énergie continue, ce qui correspond à une étoile à neutrons et non à un trou noir.
Non seulement l’étoile à neutrons était massive, mais il s’agissait d’un type spécifique appelé magnétar. L’objet possédait un champ magnétique 1 000 fois plus puissant que celui d’une étoile à neutrons ordinaire et un quadrillion (un avec 15 zéros après) plus puissant que le champ magnétique de la Terre.
Le magnétar a vécu pendant près de 28 heures.
Selon Jordana-Mitjans :
Pour la première fois, nos observations mettent en évidence des signaux multiples provenant d’une étoile à neutrons survivante qui a vécu pendant au moins un jour après la mort de l’étoile à neutrons binaire d’origine.
C’est le premier aperçu direct que nous ayons d’une étoile à neutrons hypermassive en rotation dans la nature. Mon intuition me dit que nous en trouverons d’autres.
La raison pour laquelle le GRB 180618A a donné naissance à un magnétar « supramassif » d’une telle longévité n’est pas claire et fera l’objet d’une étude plus approfondie. L’équipe suggère que son puissant champ magnétique a pu provoquer une force extérieure empêchant, au moins pour un temps, le matériau de s’effondrer davantage.
Cela indique que nous ne pouvons plus supposer que les sursauts gamma de courte durée proviennent des trous noirs.
Mundell précisant :
Ces résultats sont importants, car ils confirment que les étoiles à neutrons naissantes peuvent être à l’origine de certains sursauts gamma de courte durée et des émissions lumineuses dans le spectre électromagnétique qui ont été détectées en accompagnement. Cette découverte pourrait offrir un nouveau moyen de localiser les fusions d’étoiles à neutrons, et donc les émetteurs d’ondes gravitationnelles, lorsque nous recherchons des signaux dans le ciel.
L’étude publiée dans The Astrophysical Journal : A Short Gamma-Ray Burst from a Protomagnetar Remnant et présentée sur le site de l’université de Bath : Black holes don’t always power gamma-ray bursts, new research shows.