CBD : comment le cannabidiol réduit les crises d’épilepsie en bloquant un cercle vicieux de rétroaction dans le cerveau
Au cours des 20 dernières années, l’utilisation du cannabidiol (CBD) pour traiter les crises d’épilepsie a gagné du terrain, en particulier lorsque les médicaments antiépileptiques ont échoué. Les propriétés anticonvulsives du CBD sont bien connues, cependant, une nouvelle étude a mis en évidence la manière jusqu’alors inconnue dont le CBD réduit les crises, en particulier chez les personnes souffrant d’épilepsie résistante au traitement.
Image d’entête, à partir de l’étude : la protéine ciblée par la CBD dérivée du cannabis dans la région du cerveau appelée hippocampe. Plus de précision dans la suite de l’article. (Tsien et col./ Cell Press)
En termes physiologiques très simples, les impulsions électriques se propagent le long d’une voie neuronale jusqu’à ce qu’elles atteignent une fente synaptique d’une synapse. Là, des neurotransmetteurs sont libérés et traversent la fente, excitant ou inhibant la cellule suivante.
Pour fonctionner correctement, les circuits neuronaux nécessitent une coordination entre l’excitation et l’inhibition synaptiques. Un dysfonctionnement du rapport excitateur-inhibiteur (E:I) peut entraîner des crises. Bien que l’on sache que le récepteur 55 couplé aux protéines G (GPR55), présent à la surface des cellules neuronales, régule le rapport E:I, le mécanisme exact par lequel il agit reste mal compris.
De même, la manière dont le CBD, le composant non euphorisant du cannabis, supprime l’activité des crises au niveau moléculaire demeure obscure. On pense que le CBD agit comme un antagoniste, bloquant les effets du lipide lysophosphatidylinositol (LPI), un agoniste naturel du GPR55.
De précédents essais cliniques de phase III en double aveugle, contrôlés par placebo, menés aux États-Unis, ont démontré que le CBD réduit les crises récurrentes spontanées et régule le rapport E:I dans les crises aiguës. L’efficacité de ces essais a conduit l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) à approuver une forme purifiée de CBD d’origine végétale pour traiter les troubles épileptiques.
Une étude menée par des chercheurs de la faculté de médecine de l’université de New York (NYU Langone Health) a utilisé des rongeurs pour tester la relation entre le LPI et le GPR55 en tant que modulateur potentiel du rapport E:I, ainsi que l’impact du CBD sur chacun.
Les chercheurs ont confirmé une découverte antérieure selon laquelle le CBD bloque la capacité du LPI à amplifier les signaux nerveux dans l’hippocampe, la zone du cerveau associée à l’épilepsie. Mais ils ont également découvert quelque chose d’inconnu jusqu’alors : lorsque le LPI interagit avec le GPR55, il affaiblit les signaux qui suppriment les crises. Cela signifie que la voie LPI-GPR55 peut entraîner une boucle de rétroaction positive par laquelle les crises augmentent la signalisation LPI-GPR55, ce qui produit davantage de crises et augmente les niveaux de LPI-GPR55. Le processus se poursuit dans un cercle vicieux, ce qui explique en partie l’activité prolongée des crises.
Image d’entête : cette image au microscope de la région du cerveau appelée hippocampe montre la protéine ciblée par la CBD dérivée du cannabis, la GPR55 (rouge), et les cellules du cerveau (bleues) qui envoient leurs prolongements pour former les couches visibles sur l’image. La nature interconnectée de l’hippocampe en fait un site majeur pour le déclenchement et la propagation des crises. (Tsien et col./ Cell Press)
Les résultats suggèrent que le CBD court-circuite cette boucle de rétroaction, rétablissant le rapport E:I, ce qui augmente encore la valeur du CBD comme traitement anticonvulsivant.
Selon Richard Tsien, président du département de physiologie et de neuroscience du NYU Langone Health et coauteur de l’étude :
Nos résultats approfondissent la compréhension d’un mécanisme central d’induction des crises, avec de nombreuses implications pour la recherche de nouvelles approches thérapeutiques.
Étant donné que les déséquilibres E:I se retrouvent dans d’autres pathologies, les résultats de cette étude pourraient avoir une application plus large.
Toujours selon Tsien :
L’étude a également clarifié, non seulement la manière dont le CBD contrecarre les crises, mais plus largement la manière dont les circuits sont équilibrés dans le cerveau. Des déséquilibres similaires sont présents dans l’autisme et la schizophrénie, donc cette étude pourrait avoir un impact plus large.
L’étude publiée dans Neuron : Cannabidiol modulates excitatory-inhibitory ratio to counter hippocampal hyperactivity et présentée par le NYU Langone Health via EurekAlert : Study reveals how CBD counters epileptic seizures.