Les audioprothèses pourraient contribuer à réduire les risques de démence liés à la perte d’audition
Chez les personnes âgées, la perte de l’audition et la démence sont toutes deux très répandues et l’on pense qu’elles sont liées. Dans une nouvelle étude de grande envergure (lien plus bas), une équipe de chercheurs internationaux a tenté de déterminer le lien entre les deux.
On prévoit que d’ici 2050, la démence touchera 150 millions de personnes dans le monde. Une perte auditive égale ou supérieure à 20 dB touche 10 % des personnes âgées de 40 à 69 ans, 30 % des personnes âgées de plus de 65 ans et 70 à 90 % des personnes âgées de 85 ans ou plus. À titre indicatif, un chuchotement entendu à 1,5 m de distance produit un son de 20 dB.
Des études ont démontré un lien entre les deux pathologies, suggérant que la perte auditive est un facteur de risque de démence. Le rapport de la Commission Lancet de 2020 sur la prévention de la démence a révélé que la perte auditive pourrait être liée à environ 8 % des cas de démence dans le monde. Ainsi, le traitement des problèmes d’audition chez les personnes âgées par l’utilisation, par exemple, d’appareils auditifs, pourrait être un moyen de réduire le risque de démence.
Quelques études ont examiné la relation entre l’utilisation d’aides auditives et la démence, mais leurs résultats sont contradictoires. Une nouvelle étude menée par une équipe de chercheurs internationaux a examiné le lien entre l’utilisation d’appareils auditifs et la démence chez les adultes d’âge moyen et les personnes âgées.
Selon Dongshan Zhu, de l’Université Shandong (Chine) et auteur correspondant de l’étude :
Il est de plus en plus évident que la perte auditive pourrait être le facteur de risque modifiable le plus important pour la démence au milieu de la vie, mais l’efficacité de l’utilisation d’appareils auditifs pour réduire le risque de démence n’a pas été clairement établie. Notre étude fournit les meilleures preuves à ce jour pour suggérer que les aides auditives pourraient être un traitement peu invasif et rentable pour atténuer l’impact potentiel de la perte auditive sur la démence.
Les chercheurs ont utilisé la UK Biobank, une base de données biomédicales/ génétique d’un demi-million de participants volontaires, pour examiner les données de 437 704 personnes âgées de 40 à 69 ans qui avaient déclaré utiliser des aides auditives et qui présentaient un risque de démence toutes causes confondues et de démence à cause spécifique, c’est-à-dire de démence causée par la maladie d’Alzheimer, de démence vasculaire et de démence non vasculaire et non causée par la maladie d’Alzheimer.
Environ trois quarts des participants n’avaient aucune perte auditive. Le quart restant avait une certaine perte auditive et 11,7 % d’entre eux utilisaient des appareils auditifs.
Les chercheurs ont constaté que, par rapport aux participants ayant une audition normale, ceux qui avaient une perte auditive et qui n’utilisaient pas d’appareils auditifs avaient un risque accru de démence toutes causes confondues. Ils n’ont pas trouvé de risque accru chez les personnes malentendantes qui utilisaient des appareils auditifs.
Cela signifie que les personnes malentendantes qui n’utilisent pas d’appareils auditifs ont un risque de démence d’environ 1,7 % par rapport aux personnes ayant une audition normale ou à celles qui utilisent des appareils auditifs, dont le risque est de 1,2 %.
Toujours selon Zhu :
Près de quatre cinquièmes des personnes souffrant de perte auditive n’utilisent pas d’appareils auditifs au Royaume-Uni. La perte auditive peut commencer dès la quarantaine, et il est prouvé que le déclin cognitif progressif avant le diagnostic de démence peut durer de 20 à 25 ans. Nos résultats soulignent le besoin urgent d’introduire des aides auditives dès qu’une personne commence à souffrir d’une déficience auditive.
L’étude a également examiné comment d’autres facteurs, tels que la solitude, l’isolement social et la dépression, pouvaient influer sur la relation entre la perte auditive et la démence. Les données suggèrent que moins de 8 % de l’association entre les deux pourrait être supprimée en traitant les problèmes psychosociaux. Selon les chercheurs, cela indique que la diminution du risque de démence est principalement due à l’utilisation d’appareils auditifs plutôt qu’à des causes indirectes.
Les chercheurs soulignent les limites de leur étude, à savoir que les déclarations personnelles risquent d’introduire des biais et que l’association entre la perte auditive et la démence pourrait être due à une neurodégénérescence. En outre, la généralisation de l’étude peut être limitée étant donné que les participants à la UK Biobank sont blancs et que peu d’entre eux sont nés sourds.
Néanmoins, les chercheurs affirment que leurs résultats soulignent la nécessité d’un effort à l’échelle de la société pour sensibiliser à la perte auditive et à ses liens potentiels avec la démence, en plus d’accroître l’accessibilité aux appareils auditifs.
Selon Fan Jiang, auteur principal de l’étude :
Les voies sous-jacentes qui peuvent relier l’utilisation d’aides auditives et la réduction du risque de démence ne sont pas claires. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour établir une relation de cause à effet et la présence de voies sous-jacentes.
L’étude publiée dans The Lancet Public Health : Association between hearing aid use and all-cause and cause-specific dementia: an analysis of the UK Biobank cohort.