Les ancêtres des chevaux modernes avaient des orteils à sabots au lieu d’un seul sabot
Les ancêtres des chevaux trottaient autrefois sur un nombre réduit d’orteils en sabot, qui ont évolué au fil du temps jusqu’au sabot unique et solide que nous connaissons aujourd’hui.
Image d’entête : reconstruction du cheval disparu à trois doigts, Hipparion, par Karolina Suchan-Okulska. (Morales-García/ Université de Bristol)
Selon une analyse complète de l’histoire du cheval, ces doigts supplémentaires ont véritablement disparu. Les scientifiques affirment que cette analyse écarte une hypothèse récente selon laquelle les orteils ont été conservés dans le sabot et soutient l’idée antérieure selon laquelle l’évolution les a complètement éliminés.
Une équipe de chercheurs du Royaume-Uni, des États-Unis et des Pays-Bas a examiné des fossiles de périssodactyles (animaux à sabots avec un nombre impair de doigts), ainsi que des photos d’empreintes de sabots de chevaux modernes et des détails des os de leurs pieds, afin de comprendre ce qu’il est advenu de ces orteils.
Les recherches sur l’ascendance des chevaux modernes considèrent les changements de pieds comme une progression évolutive. Le premier ancêtre du cheval, l’Eohippus angustidens (Hyracotherium), avait des pieds en sabots avec un coussinet en dessous, comme les tapirs modernes, avec quatre orteils à l’avant et trois à l’arrière.
Dessous des sabots avant (à gauche) et arrière (à droite) du tapir malais. (Wikimedia)
Les périssodactyles actuels comprennent la famille des équidés (chevaux, ânes et zèbres), dont les pieds ne comportent qu’un seul orteil (le troisième orteil d’origine), entouré d’un sabot kératinique résistant mais flexible. En dessous, sur la sole, se trouve un absorbeur de chocs en forme de V appelé la fourchette.
Schéma d’un pied de cheval en coupe sagittal. (Bigomar/ Wikimedia)
Selon les chercheurs dans leur étude (lien plus bas) :
Ce changement anatomique a été interprété comme une adaptation à la vie dans des habitats ouverts, de même que l’acquisition de dents hypsodontes pour le pâturage (ou l’incorporation d’au moins un peu d’herbe dans le régime alimentaire), et une plus grande taille corporelle.
Les autres périssodactyles modernes sont les tapirs (qui ont réussi à conserver tous leurs orteils) et les rhinocéros qui ont perdu le quatrième orteil de leur pied avant, ce qui leur en laisse trois chacun.
Selon Christine Janis, paléontologue spécialiste des vertébrés à l’université de Bristol (Royaume-Uni) :
Les plus récents fossiles de chevaux ne présentaient que trois orteils à l’avant et à l’arrière. Les orteils supplémentaires, connus sous le nom d’orteils latéraux, étaient plus petits et plus courts que chez le tapir et ne touchaient probablement pas le sol dans des circonstances normales, mais ils ont pu servir de support dans des situations exceptionnelles, telles qu’une glissade ou un impact violent.
Comment les chevaux modernes ont-ils fini par n’avoir qu’un seul orteil par pied ? Et d’où vient cette structure en forme de grenouille (frog) au fond du pied ?
Vue plantaire (dessous) des pieds d’un tapir à quatre doigts (à gauche) et d’un cheval à un doigt (à droite), par Nuria Melisa Morales-García. Au milieu, une reconstruction du cheval à trois doigts disparu Hipparion, par Karolina Suchan-Okulska. (Morales-García/ Université de Bristol)
Toujours selon Janis :
Les parties supérieures, les restes des os supplémentaires de la main et du pied, subsistent sous forme d’attelles fusionnées avec l’os central restant, mais où sont les doigts et les orteils ?
Bien qu’il n’y ait pas d’os réels dans la fourchette, une étude de 2018 a émis l’hypothèse que, chez les chevaux modernes, ces orteils extérieurs ont été « absorbés » dans le sabot de l’orteil central au fil des générations et ont contribué à la formation de la fourchette.
Cette découverte repose en partie sur l’analyse des empreintes de sabots laissées par un cheval à trois doigts appelé Hipparion (qui n’est pas de la lignée directe des chevaux modernes) qui vivait à Laetoli, en Tanzanie, il y a 3,7 millions d’années. Le site est un haut lieu de l’histoire, comme les célèbres « empreintes de Laetoli » attribuées aux premiers hominidés Australopithecus, et plus récemment des empreintes qui suggèrent qu’ils étaient plus grands que nous ne le pensions.
Dans le cas des empreintes de sabots de Laetoli, l’absence de “grenouille” confirme l’hypothèse de l’étude de 2018, selon laquelle les “grenouilles” (Frog ou glôme) des chevaux modernes sont dérivées des orteils latéraux de créatures tels que l’Hipparion. Mais Janis et ses collègues affirment qu’il existe des preuves qui contredisent cette hypothèse, notamment le fait que de nombreuses empreintes de sabots d’anciens chevaux à trois doigts présentent clairement la marque révélatrice d’une grenouille, attestant de son existence depuis longtemps dans l’histoire du cheval. Ils affirment également que les grenouilles ne sont pas visibles dans toutes les empreintes de sabots de chevaux modernes, dont on sait qu’ils en ont, et que l’absence de grenouille dans une empreinte n’a donc pas de poids.
Leurs résultats mettent en doute l’hypothèse selon laquelle la fourchette des sabots des chevaux modernes aurait évolué à partir des orteils latéraux de leurs ancêtres à trois doigts.
Selon l’auteur principal Alan Vincelette, biologiste au St. John’s Seminary, à Camarillo, aux États-Unis :
La fourchette du sabot du cheval a évolué indépendamment des orteils latéraux en tant que structure unique permettant l’absorption des chocs et la traction pendant la locomotion.
Les chercheurs ont également noté que les chevaux à un orteil ont généralement des pieds plus ronds que les chevaux à trois orteils, qui ont une forme ovale, ce qui permet peut-être de répartir le poids différemment. Ils ajoutent que la grenouille est probablement un vestige de ce coussinet oublié, modifié pour absorber les chocs.
Pour Janis :
Bien que l’idée selon laquelle les chevaux modernes ont conservé tous leurs orteils d’origine sous forme de vestiges à l’intérieur du sabot soit nouvelle et donc plutôt séduisante, il est possible de démontrer qu’elle est erronée.
L’étude publiée dans la revue Royal Society Open Science : Hipparion tracks and horses’ toes: the evolution of the equid single hoof et présentée sur le site de l’Université de Bristol : Modern horses have lost their additional toes, scientists confirm.