Une thérapie à faible dose de ces vers parasites vivants s’avère avoir de multiples avantages pour la santé de l’humain, notamment pour le diabète de type 2
Pour beaucoup, l’idée d’avoir quelques douzaines d’ankylostomes dans l’intestin ressemble plus à une énième version d’Alien qu’à une thérapie bénéfique pour la santé, mais les scientifiques voient dans cette ferme de vers (nématodes) parasites un avenir prometteur pour le traitement de nombreuses maladies chroniques.
Image d’entête : au microscope électronique, la bouche de l’ankylostome Necator americanus qu’il utilise pour s’accrocher à la paroi intestinale. (David Scharf/ Corbis)
En première mondiale, un essai humain de deux ans mené par l’université James-Cook (JCU/ Australie) s’est achevé, et les vers ont obtenu des résultats probants, notamment en ce qui concerne le diabète de type 2, ouvrant la voie à un essai international de plus grande envergure.
De plus, sur les 24 participants qui ont reçu des vers, lorsqu’on leur a proposé un vermifuge à la fin de la deuxième année de l’essai, avec la possibilité de rester dans l’étude pendant 12 mois supplémentaires, une seule personne a choisi de tuer ses compagnons intestinaux, et ce uniquement parce qu’elle devait subir une intervention médicale imminente.
Selon le Dr Doris Pierce, de l’Australian Institute of Tropical Health and Medicine (AITHM) de la JCU :
Tous les participants à l’essai présentaient des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2. L’essai a apporté des avantages métaboliques considérables aux personnes traitées à l’ankylostome, en particulier à celles infectées par 20 larves.
Bien entendu, tous les ankylostomes ne se valent pas et, à l’instar des bactéries, les vers parasites présentent toute la gamme des interactions avec la santé humaine. Mais l’utilisation d’une thérapie à faible dose d’ankylostomes humains s’avère avoir de multiples avantages pour la santé de l’hôte.
L’ankylostome Necator americanus. (Université James-Cook)
Cette dernière étude fait suite à l’utilisation par des chercheurs d’ankylostomes d’élevage cultivés en laboratoire pour traiter avec succès des maladies chroniques telles que le syndrome de l’intestin irritable et la maladie cœliaque, cette dernière a également été menée par des scientifiques du JCU.
Dans cet essai en double aveugle, 40 participants âgés de 27 à 50 ans, présentant des signes précoces de maladies métaboliques, ont pris part à l’étude. Ils ont reçu soit 20, soit 40 larves microscopiques de l’ankylostome humain Necator americanus et un autre groupe a reçu un placebo.
Toujours selon Pierce :
Les maladies métaboliques sont caractérisées par des réponses immunitaires inflammatoires et une altération du microbiome intestinal. Des études antérieures sur des modèles animaux ont indiqué que les ankylostomes induisent une réponse anti-inflammatoire chez leur hôte afin d’assurer leur propre survie.
En tant que parasite intestinal, la meilleure façon de survivre est de maintenir l’hôte en bonne santé, ce qui lui fournira un foyer stable et durable avec des nutriments « à portée de main ». En retour, ces ankylostomes paient le loyer en créant un environnement qui empêche l’inflammation et d’autres facteurs défavorables susceptibles de perturber ce foyer stable.
Au microscope électronique, la bouche de l’ankylostome Necator americanus avec les crochets qu’il utilise pour s’accrocher à la paroi intestinale. (Australian Institute of Tropical Health and Medicine)
Si ces petits vers ronds peuvent vivre une dizaine d’années, ils ne se multiplient qu’à l’extérieur du corps, et une bonne hygiène signifie que le risque de transmission est très faible.
En ce qui concerne les résultats, les personnes ayant 20 ankylostomes ont vu leur niveau d’évaluation de la résistance à l’insuline selon le modèle homéostatique (HOMA-IR) passer de 3,0 unités à 1,8 unités au cours de la première année, ce qui a ramené leur résistance à l’insuline dans une fourchette saine. La cohorte ayant reçu 40 ankylostomes a tout de même connu une baisse, passant de 2,4 à 2,0. Ceux qui ont reçu le placebo ont vu leurs niveaux HOMA-IR augmenter de 2,2 à 2,9 au cours de la même période.
Pour Pierce :
Ces valeurs HOMA-IR réduites indiquent que les patients ont connu une amélioration considérable de leur sensibilité à l’insuline, des résultats à la fois cliniquement et statistiquement significatifs.
Les personnes portant des vers présentaient également des niveaux plus élevés de cytokines, qui jouent un rôle essentiel dans le déclenchement des réponses immunitaires.
Les chercheurs ont maintenant entrepris d’étudier les effets bénéfiques de ce traitement sur la santé du microbiome intestinal et testent des échantillons prélevés sur les 23 participants qui ont gardé leurs vers.
Il est intéressant de noter que les personnes infectées par les vers se sont déclarées de meilleure humeur et se sont senties globalement en meilleure santé que celles du groupe placebo.
Selon le Dr Paul Giacomin, chercheur principal de l’AITHM et immunologiste :
L’essai du JCU fournit une preuve suffisante du concept selon lequel l’infection par des ankylostomes vivants est sans danger et semble avoir des effets bénéfiques sur la santé métabolique des personnes, ce qui, espérons-le, sera confirmé par de futurs essais cliniques destinés à confirmer l’efficacité et à explorer la façon dont les ankylostomes influencent le métabolisme. « Un essai international de plus grande envergure nous permettra également de mieux comprendre les effets différentiels de l’infection par les ankylostomes sur des personnes d’âges, de sexes, de races et de milieux génétiques différents.
Le Dr Giacomin a également évoqué la possibilité de mettre au point un traitement, sous forme de comprimés par exemple, qui permettrait de bénéficier des bienfaits métaboliques du ver parasite sans avoir à subir l’infestation.
L’étude publiée dans Nature Communications : Effect of experimental hookworm infection on insulin resistance in people at risk of type 2 diabetes et présentée sur le site de l’Australian Institute of Tropical Health and Medicine : The worm turns – into a potential safeguard against Type 2 diabetes.