Des physiciens découvrent que l’antimatière réagit à la gravité de la même manière que la matière ordinaire
L‘antimatière intrigue et déroute les physiciens depuis près d’un siècle, et l’effet de la gravité sur l’antimatière est un sujet de controverse. De nouvelles recherches pourraient avoir réglé le débat en découvrant que les atomes d’antihydrogène, la contrepartie antimatière de l’hydrogène, sont affectés par la gravité de la même manière que leurs équivalents en matière, ce qui exclut l’existence d’une « antigravité » répulsive.
Image d’entête : représentation de particules d’antihydrogène se déplaçant dans un piège magnétisé au CERN. (U.S. National Science Foundation)
Au XVIIe siècle, Isaac Newton a proposé sa théorie de la gravitation après avoir observé une pomme tomber d’un arbre et s’être demandé pourquoi elle tombait tout droit plutôt que de côté ou de haut. Des siècles plus tard, Albert Einstein a élaboré sa théorie de la relativité générale, qui reste la description la plus aboutie et la plus testée de la gravité. Cependant, Einstein ne connaissait pas l’antimatière.
En 1928, le physicien britannique Paul Dirac a théorisé que pour chaque particule, il existe une antiparticule correspondante, prédisant l’existence du positron, ou antiélectron, qui a été observé pour la première fois en 1932. Depuis lors, l’interaction entre la gravité et l’antimatière a fait l’objet de nombreuses spéculations, certains soutenant que l’antimatière est repoussée par la gravité et d’autres qu’elle est attirée.
Une nouvelle étude menée par la collaboration ALPHA (Antihydrogen Laser Physics Apparatus) au sein de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) pourrait avoir permis de résoudre ce problème, en constatant que les atomes d’antihydrogène, la version antimatière de l’hydrogène, tombent sur Terre de la même manière que leurs équivalents en matière.
Selon Jeffrey Hangst, l’un des auteurs correspondants de l’étude :
En physique, on ne connaît pas vraiment quelque chose tant qu’on ne l’a pas observé. Il s’agit de la première expérience directe permettant d’observer un effet gravitationnel sur le mouvement de l’antimatière. Il s’agit d’une étape importante dans l’étude de l’antimatière, qui nous mystifie encore en raison de son absence apparente dans l’Univers.
L’expérience ALPHA consiste à fabriquer, capturer et étudier des atomes d’antihydrogène dans un piège. Les atomes d’antihydrogène sont des particules d’antimatière électriquement neutres et stables, ce qui les rend idéaux pour étudier le comportement gravitationnel de l’antimatière. L’antihydrogène est créé en combinant les deux antiparticules qui le composent, les antiprotons et les positrons. Un antiproton est une particule subatomique ayant la même masse qu’un proton, mais avec une charge électrique négative.
L’équipe ALPHA a récemment construit un appareil vertical appelé ALPHA-g, où le « g » désigne l’accélération locale de la gravité, qui, pour la matière, est de 9,81 m/sec2. L’ALPHA-g permet de mesurer les positions verticales auxquelles les atomes d’antihydrogène rencontrent la matière correspondante, un processus appelé annihilation, une fois que le champ magnétique du piège est désactivé, ce qui permet aux atomes de s’échapper.
Les chercheurs ont piégé des groupes d’environ 100 atomes d’antihydrogène, un groupe à la fois. Ils ont ensuite lentement libéré les atomes sur une période de 20 secondes en réduisant progressivement le courant dans les aimants supérieur et inférieur du piège.
Représentation conceptuelle d’atomes d’antihydrogène contenus dans le piège magnétique de l’appareil ALPHA-g. Lorsque l’intensité du champ en haut et en bas du piège magnétique est réduite, les atomes d’antihydrogène s’échappent, touchent les parois de la chambre et s’annihilent. La plupart des annihilations se produisent sous la chambre, ce qui montre que la gravité attire l’antihydrogène vers le bas. Les lignes de champ magnétique qui tournent dans l’animation représentent l’influence invisible du champ magnétique sur l’antihydrogène. Le champ magnétique ne tourne pas dans l’expérience réelle. (Animation de Keyi « Onyx » Li/ U.S. National Science Foundation)
Une autre représentation conceptuelle des atomes d’antihydrogène contenus dans le piège magnétique de l’appareil ALPHA-g. (Keyi « Onyx » Li/U.S. National Science Foundation)
Les simulations informatiques prévoyaient que 20 % des atomes sortiraient par le haut du piège et 80 % par le bas, une différence due à l’effet de gravité vers le bas. En faisant la moyenne des résultats de sept essais de libération, les chercheurs ont constaté que les fractions d’antiatomes sortant par le haut et par le bas correspondaient aux simulations. En d’autres termes, les atomes d’antihydrogène tombaient de la même manière que les atomes d’hydrogène sous l’effet d’une gravité normale de 1 g.
En utilisant l’appareil ALPHA-g, les chercheurs ont recréé la célèbre expérience de Galilée sur la gravité. Selon la légende, le scientifique italien a lâché des boules de fer de différents poids du haut de la tour penchée de Pise, et elles ont atterri en même temps, montrant que la gravité fait tomber des objets de masses différentes avec la même accélération. Bien que les chercheurs affirment que leurs résultats excluent l’existence d’une « antigravité » répulsive, l’étude actuelle ne marque que le début d’investigations détaillées et directes sur la nature gravitationnelle de l’antimatière.
Toujours selon Hangst :
Il nous a fallu 30 ans pour apprendre à fabriquer cet anti-atome, à le conserver et à le contrôler suffisamment bien pour pouvoir le laisser tomber de manière à ce qu’il soit sensible à la force de gravité. L’étape suivante consiste à mesurer l’accélération aussi précisément que possible. Nous voulons vérifier si la matière et l’antimatière tombent effectivement de la même manière.
Dans la vidéo ci-dessous, produite par le CERN, Jeffrey Hangst explique le fonctionnement d’ALPHA-g, les raisons et les résultats des expériences sur la gravité de l’antimatière :
L’étude a été publiée dans la revue Nature : Observation of the effect of gravity on the motion of antimatter et présentée sur le site du CERN : L’expérience ALPHA au CERN observe l’influence de la gravité sur l’antimatière et de l’U.S. National Science Foundation : Down goes antimatter! Gravity’s effect on matter’s elusive twin is revealed.
Bonjour,
Merci pour vos articles, et merci au CERN et à la revue Nature de confirmer les prédictions de Jean-Pierre PETIT au sujet du comportement de l’antimatière !
Bonne continuation.
Bonjour et merci pour ce gentil commentaire. 😉