Un oiseau de mer effectue un voyage de 11 heures sur plus de 1 000 kilomètres à bord d’un typhon
En 2019, un oiseau de mer mâle téméraire a fait fi de la prudence en volant au-dessus du typhon Faxai, alors que la tempête s’abattait sur le sud-est du Japon. Ce fut le début d’un voyage extraordinaire de 11 heures et de 1 146 km, qui a emmené l’oiseau 4500 m (15 000 pieds) plus haut que la normale, à une vitesse trois fois supérieure à sa vitesse habituelle, dans un trajet que son espèce sait très bien éviter. Heureusement, l’oiseau a survécu et il est finalement retourné auprès de ses camarades à plumes avec une sacrée histoire à raconter.
Image d’entête : en 2021, le typhon Faxai s’est abattu sur le sud-est du Japon avec des vents soufflant à près de 200 km/h. (National Institute of Communication and Technology)
Grâce aux bio-loggers GPS qui avaient été fixés sur 14 puffins leucomèle (Calonectris leucomelas) adultes en août de cette année-là par Kozue Shiomi, biologiste à l’université de Tohoku, afin de suivre les comportements de nidification, les scientifiques ont eu la chance de disposer d’un enregistrement de cet acte défiant la nature, en repérant une énorme anomalie de vol qui coïncidait avec la tempête.
Un puffin leucomèle (Calonectris leucomelas) près d’Hokkaido au Japon. (Chishima,J.)
Bien que cela n’ait pas affecté les autres oiseaux, un mâle a réussi à se faire prendre dans le tourbillon atmosphérique, mais les chercheurs ne peuvent pas dire s’il avait un tempérament de casse-cou ou s’il se trouvait simplement au mauvais endroit au mauvais moment. Mais une chose est sûre : cet oiseau de 585 g n’a pas eu d’autre choix que de « suivre le courant ».
Au cours de ce vol épique de 11 heures, l’oiseau a effectué cinq boucles complètes dans des cercles de 50 à 80 km de diamètre, en suivant la rotation et le mouvement du typhon. Alors que les puffins volent habituellement à moins de 100 m (328 pieds), cet oiseau s’est retrouvé en territoire inconnu, planant à une altitude de 4 700 m (15 420 pieds). À titre indicatif, les petits avions volent entre 600 et 3 000 m (2 000 et 10 000 pieds). Pendant tout ce temps, l’oiseau filait à une vitesse comprise entre 90 et 170 km/h. Étant donné que ces oiseaux se déplacent généralement à une vitesse comprise entre 10 et 60 km/h, notre aventurier aérien a probablement volé sur une aile et une prière à sa vitesse maximale.
L’oiseau a suivi une trajectoire peu pittoresque au-dessus du Japon continental avant d’être ramené au-dessus de l’océan Pacifique lorsque le typhon s’est éloigné vers la mer. À ce moment-là, la puissance de la tempête ayant diminué, l’oiseau a repris ses activités normales et a sans doute eu des explications à donner lorsqu’il a rejoint ses congénères au-dessus de l’eau, près de l’île de nidification.
La chronologie GPS montre que l’oiseau s’est trouvé, pendant un certain temps, dans l’œil du cyclone, mais qu’il a fini par voler en larges boucles à l’extérieur de celui-ci. Son départ a également été retardé, ce qui, selon les scientifiques, est inhabituel pour l’espèce.
Ce graphique montre la trajectoire de ce puffin qui a été suivi et transporté sur une distance totale de 1 146 km lors du typhon Faxai au Japon. (Kozue Shiomi/ Ecological Society of America)
Selon les chercheurs :
Le départ en début de soirée de l’oiseau de la zone de reproduction était également inhabituel pour cette espèce, qui part généralement en quête de nourriture plusieurs heures avant le lever du soleil. Cela pourrait indiquer que l’oiseau a tenté de contourner les conditions difficiles à l’avance, mais qu’il n’y est pas parvenu.
Ils précisent également qu’il est impossible de savoir dans quelle mesure ce voyage était planifié, mais qu’il est tout aussi probable que l’oiseau ait choisi de ne pas faire le voyage, mais de « chevaucher » la tempête à la place.
Quoi qu’il en soit, cette dangereuse excursion met en évidence les risques croissants auxquels les populations d’oiseaux de mer pourraient être confrontées à mesure que le changement climatique entraîne des phénomènes météorologiques plus extrêmes. Les oiseaux pélagiques, comme ce puffin leucomèle, passent la majeure partie de leur vie en haute mer, ne revenant sur terre que pour se reproduire. Ils disposent d’un large éventail de mécanismes et de comportements d’évitement des intempéries, allant du maintien dans l’œil du cyclone à l’ascension à haute altitude au-dessus de la perturbation. Toutefois, les ouragans de plus en plus fréquents et de plus en plus importants rendent la tâche de plus en plus difficile pour de nombreuses espèces d’oiseaux.
Shiomi note qu’il est essentiel de poursuivre les recherches sur la manière dont les oiseaux pélagiques font face à des événements météorologiques plus extrêmes, afin de voir si et comment ces espèces réagissent à ces changements rapides.
L’étude publiée dans la revue Ecologie : Swirling flight of a seabird caught in a huge typhoon high over mainland Japan et présentée sur le site de l’Ecological Society of America : Rider on the storm: Shearwater seabird catches an 11 hour ride over 1,000 miles in a typhoon.