Des photos de l’œil, analysées par une IA, permettent de rapidement diagnostiquer l’autisme infantile avec une précision de 100 %
Des chercheurs ont pris des photos de rétines d’enfants et les ont examinées à l’aide d’un algorithme d’apprentissage profond d’une intelligence artificielle afin de diagnostiquer l’autisme avec une précision de 100 %. Ces résultats plaident en faveur de l’utilisation de l’IA comme outil de dépistage objectif pour un diagnostic précoce, en particulier lorsque l’accès à un pédopsychiatre spécialisé est limité.
Au fond de l’œil, la rétine et le nerf optique se connectent au niveau de la “tête du nerf optique” (encore désigné papille ou optic disc). Prolongement du système nerveux central, cette structure est une fenêtre sur le cerveau et les chercheurs ont commencé à tirer parti de leur capacité à accéder facilement et de manière non invasive à cette partie du corps pour obtenir d’importantes informations sur le cerveau.
Image d’entête : ophtalmogramme de la rétine de l’œil droit. Elle montre la tête du nerf optique ou papille comme une zone brillante à droite (côté nasal) où les vaisseaux sanguins convergent. La tache à gauche (côté temporal) du centre est la macula. La tache grise plus diffuse au centre est un artefact d’ombre. (Wikimedia)
Anatomie de l’œil avec l’emplacement de la tête du nerf optique (optic disc dans ce dessin). (Wikimedia)
Récemment, des chercheurs britanniques ont créé un moyen non invasif de diagnostiquer rapidement une commotion cérébrale en projetant un laser sans danger pour les yeux sur la rétine. Aujourd’hui, des chercheurs de la faculté de médecine de l’université Yonsei, en Corée du Sud, ont donc mis au point une méthode de diagnostic des troubles du spectre autistique (TSA) et de la gravité des symptômes chez les enfants à l’aide d’images rétiniennes passées au crible d’un algorithme d’intelligence artificielle.
Les chercheurs ont recruté 958 participants âgés en moyenne de 7,8 ans et ils ont photographié leurs rétines, ce qui a permis d’obtenir un total de 1 890 images. La moitié des participants avaient reçu un diagnostic de TSA et l’autre moitié était constituée de témoins appariés en âge et en sexe. La gravité des symptômes des TSA a été évaluée à l’aide des scores de gravité calibrés de l’Autism Diagnostic Observation Schedule – Second Edition (ADOS-2) et des scores de l’échelle de réactivité sociale – Second Edition (SRS-2).
Un réseau neuronal convolutif, un algorithme d’apprentissage profond, a été formé en utilisant 85 % des images rétiniennes et des résultats des tests de gravité des symptômes pour concevoir des modèles de dépistage des TSA et de la gravité des symptômes associés aux TSA. Les 15 % d’images restantes ont été conservées pour les tests.
Pour le dépistage des TSA sur l’ensemble des images testées, l’IA a pu sélectionner les enfants avec un diagnostic de TSA avec une “aire moyenne sous la fonction d’efficacité du récepteur” (AUROC) de 1,00. La valeur de l’AUROC (ou courbe sensibilité/spécificité) varie de 0 à 1. Un modèle dont les prédictions sont fausses à 100 % a une AUROC de 0,0, un modèle dont les prédictions sont correctes à 100 % a une AUROC de 1,0, ce qui indique que les prédictions de l’IA dans la présente étude étaient correctes à 100 %. Il n’y a pas eu de diminution notable de l’AUROC moyen, même lorsque 95 % des zones les moins importantes de l’image, celles qui n’incluent pas la papille (tête du nerf optique), ont été supprimées.
Selon les chercheurs :
Nos modèles ont obtenu des résultats prometteurs dans la différenciation des TSA et des TD [enfants au développement normal] à partir de photographies rétiniennes, ce qui implique que les altérations rétiniennes dans les TSA peuvent avoir une valeur potentielle en tant que biomarqueurs. Il est intéressant de noter que ces modèles ont conservé un AUROC moyen de 1,00 en utilisant seulement 10 % de l’image contenant le disque optique, ce qui indique que cette zone est cruciale pour distinguer les TSA des TD.
La valeur moyenne de l’AUROC pour la gravité des symptômes était de 0,74, un AUROC de 0,7 à 0,8 étant considéré comme « acceptable » et de 0,8 à 0,9 comme « excellent ».
Toujours selon les chercheurs :
Nos résultats suggèrent que les photographies rétiniennes peuvent fournir des informations supplémentaires sur la gravité des symptômes. Nous avons observé que la classification n’était réalisable que pour les scores ADOS-2 et non pour les scores SRS-2. Cela peut s’expliquer par le fait que l’ADOS-2 est réalisé par un professionnel qualifié qui dispose de beaucoup de temps pour l’évaluation, alors que le SRS-2 est généralement réalisé par un soignant en quelques dizaines de minutes. Le premier reflète donc la gravité des symptômes avec plus de précision que le second.
Les participants à l’étude n’avaient pas plus de 4 ans. Sur la base de leurs résultats, les chercheurs affirment que leur modèle basé sur l’IA pourrait être utilisé comme outil de dépistage objectif à partir de cet âge. Étant donné que la rétine du nouveau-né continue de se développer jusqu’à l’âge de 4 ans, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si l’outil serait précis pour les participants plus jeunes.
Les chercheurs de conclure :
Bien que de futures études soient nécessaires pour établir la généralisabilité, notre étude représente une étape notable vers le développement d’outils de dépistage objectifs pour les TSA, ce qui pourrait aider à résoudre des problèmes urgents tels que l’inaccessibilité des évaluations spécialisées en pédopsychiatrie en raison de ressources limitées.
L’étude publiée dans JAMA Network Open : Development of Deep Ensembles to Screen for Autism and Symptom Severity Using Retinal Photographs et présentée sur le site de l’Université d’Australie-Méridionale : AI screens for autism in the blink of an eye.