Des scientifiques prévoient une diminution spectaculaire de la taille des familles dans un avenir proche
Les personnes nées aujourd’hui sont susceptibles d’avoir un nombre réduit de proches parents tout au long de leur vie et une structure familiale très différente de la nôtre. Selon une nouvelle étude, ils peuvent s’attendre à avoir moins de cousins, de nièces, de neveux et de petits-enfants et plus d’arrière-grands-parents et de grands-parents. Cela pourrait poser de gros problèmes à nos systèmes de solidarité sociale.
Image d’entête : “En famille”, peinture à l’huile de Jean de FRANCQUEVILLE. (Aude d’Argentré/ Wikimedia)
Des chercheurs de l’Institut Max Planck pour la recherche démographique (MPIDR/ Allemagne) ont publié une nouvelle étude (lien plus bas) portant sur l’évolution des relations de parenté humaines dans le monde. La parenté est un terme qui désigne un système d’organisation sociale fondé sur les liens familiaux. Il s’agit d’un phénomène humain universel qui prend des formes culturelles différentes d’un pays à l’autre.
Dans son étude, l’équipe, qui a également collaboré avec des chercheurs en Argentine et aux Pays-Bas, a constaté que le nombre de membres de la famille d’une personne diminuera d’au moins 35 % dans un avenir proche. Alors qu’en 1950, une femme de 65 ans avait en moyenne 41 parents vivants, en 2095, une femme du même âge n’aura plus que 25 parents vivants.
Selon Diego Alburez-Gutierrez, chef du groupe de recherche au MPIDR et l’un des auteurs de l’étude :
Nous nous sommes demandé comment l’évolution démographique affecterait la « dotation » de la parenté à l’avenir. Quelles étaient la taille, la structure et la répartition par âge des familles dans le passé, et comment évolueront-elles à l’avenir ?
Pour cette étude, les chercheurs ont examiné les données historiques et prévisionnelles de l’examen 2022 des Perspectives de la population mondiale des Nations unies (2022 Revision of World Population Prospects). Ils ont utilisé un modèle pour représenter la relation entre une personne, ses ancêtres et ses descendants. Le modèle donne les distributions moyennes de sexe et d’âge pour différents types de liens de parenté.
Ils ont défini la taille de la famille comme le nombre d’arrière-grands-parents, de grands-parents, de parents, d’enfants, de petits-enfants et d’arrière-petits-enfants, ainsi que de tantes et d’oncles, de nièces et de neveux, de frères et de sœurs et de cousins. Ils ont ensuite documenté les différences éventuelles. À partir de leurs données, ils ont déterminé que la taille moyenne des familles diminuera dans le monde entier en raison d’une fécondité plus faible et plus tardive.
C’est en Amérique latine et dans les Caraïbes que le déclin serait le plus marqué, une femme de 65 ans passant de 56 membres de sa famille en 1950 à 18,3 en 2095, soit une baisse de 67 %. Par ailleurs, les régions où les structures familiales sont déjà réduites ne connaîtront pas de changements significatifs. Aux États-Unis et en Europe, une femme de 65 ans qui avait 25 parents en 1950 en aura 15,9 en 2095.
A partir de l’étude : Nombre moyen de parents vivants pour une femme de référence âgée de 65 ans dans les pays sélectionnés. Les lignes grises en arrière-plan après 2021 montrent 100 projections issues de la révision de 2022 des Perspectives de la population mondiale des Nations unies. Les lignes continues indiquent la médiane de ces projections, et les lignes en pointillé indiquent les intervalles de projection à 80 %. (D. Alburez-Gutierrez et col./ PNAS)
Les chercheurs s’attendent à ce que les réseaux familiaux gagnent en verticalité au fil du temps, la structure de la parenté étant de plus en plus composée d’arrière-grands-parents, de parents, d’enfants et d’arrière-petits-enfants. Ils estiment également que les réseaux de parenté vieilliront considérablement, ce qui se traduira par un écart d’âge plus important entre les individus et leurs proches dans un avenir proche. Les réseaux familiaux seront alors non seulement plus petits, mais aussi plus âgés. Si les grands-parents et les arrière-grands-parents seront plus nombreux à l’avenir, cela ne contribuera pas nécessairement à alléger le fardeau de la garde des enfants pour les parents, car ces derniers plus âgés pourraient aussi avoir besoin de soins eux-mêmes. Cela met en évidence les évolutions auxquels sont et seront confrontés les systèmes d’aide sociale.
Les chercheurs de conclure :
À l’avenir, les individus seront confrontés à des demandes croissantes de soins informels de la part de leurs proches dans le monde entier, même si les variations régionales sont importantes. Nos résultats soutiennent les appels en faveur d’un investissement accru dans la garde d’enfants et les soins aux personnes âgées afin d’alléger le fardeau des individus vieillissant avec moins de ressources familiales sur lesquelles compter.
L’étude publiée dans PNAS : Projections of human kinship for all countries et présentée sur le site de l’Institut Max-Planck de démographie : Families will change dramatically.