Ces encres à l’échelle nanométrique pourraient alléger les avions de ligne de plusieurs centaines de kilos
Des chercheurs de l’université de Kobe, au Japon, ont créé une nouvelle « encre de couleur structurelle », d’une épaisseur de 100 à 200 nanomètres seulement, qui affiche des couleurs vives sous de grands angles de vue, sans se décolorer, tout en pesant moins d’un demi-gramme par mètre carré.
Image d’entête : résumé graphique de l’étude. (H. Tanaka et col./ ACS Applied Nano Materials)
Les peintures et les pigments ordinaires absorbent certaines longueurs d’onde de la lumière et en reflètent d’autres, mais cela tend à les dégrader au niveau moléculaire, ce qui entraîne une décoloration. Les couleurs structurelles, en revanche, reflètent tout le spectre de la lumière à partir de nanostructures parallèles, placées juste à la bonne distance les unes des autres pour annuler certaines longueurs d’onde. C’est cet effet qui donne aux ailes des papillons et aux plumes des paons leurs magnifiques teintes chatoyantes. Comme la lumière n’est pas absorbée, mais seulement réfléchie par les structures, les couleurs ne s’estompent pas, mais l’effet dépend souvent fortement de l’angle d’observation, ce qui donne d’éblouissantes irisations , magnifiques dans la nature, mais un peu particulières pour la plupart des colorants industriels.
Les nanosphères en suspension dans du méthanol ont des couleurs différentes de celles appliquées en monocouche sur une surface. (FUJII Minoru/ Université de Kobe)
L’équipe de Kobe a étudié une nouvelle façon de créer des couleurs structurelles. Au lieu d’utiliser des nanostructures parallèles, leur méthode fait appel à de minuscules sphères (nanosphères) de silicium cristallin. Grâce à un phénomène appelé solution de Mie, ces sphères de taille nanométrique reflètent certaines longueurs d’onde beaucoup plus fortement que d’autres, et ces longueurs d’onde varient en fonction de la taille des particules. En d’autres termes, si l’on modifie la taille de ces particules, on change la couleur du matériau. Il n’y a pas d’effet d’irisation, car les sphères reflètent la lumière dans toutes les directions.
Les chercheurs ont prouvé que ces encres pouvaient être imprimées. De plus, la couleur est plus intense lorsque les nanosphères ont un peu d’espace autour d’elles, plutôt que d’être serrées les unes contre les autres, ce qui signifie que moins c’est mieux.
Selon Sugimoto Hiroshi, ingénieur en matériaux à Kobe :
Une seule couche de nanoparticules de silicium distribuées de manière éparse, d’une épaisseur de 100 à 200 nanomètres seulement, présente des couleurs vives mais pèse moins d’un demi-gramme par mètre carré. Cela fait de nos nanosphères de silicium l’une des couches de couleur les plus légères au monde.
Une micrographie électronique à balayage de la monocouche de nanosphères montre des particules presque parfaitement rondes et de taille uniforme. (FUJII Minoru/ Université de Kobe)
Le secteur de l’aviation est un domaine qui exige des peintures ultralégères. Les avions de ligne portent entre 272 et 544 kg de peinture et tout ce qu’un avion emporte a un impact direct sur l’efficacité énergétique.
Selon Sugimoto :
Si nous utilisons notre encre à base de nanosphères, nous pourrions réduire le poids à moins de 10 %.
Ainsi, quel que soit l’endroit où l’avion vole, il consommera un peu moins de carburant, à peu près autant que s’il transportait 5 ou 6 passagers adultes de sexe masculin en moins.
De plus, la peinture classique a tendance à s’estomper, ce qui nécessite des travaux de rénovation pouvant atteindre les 455 litres de peinture et les 200 000 dollars (environ 185 000 eur). Ces nouvelles encres structurelles ne s’altéreront pas et, bien qu’elles soient certainement plus chères au départ, elles dureront indéfiniment, ce qui permettra d’économiser de l’argent tout au long de la durée de vie de l’avion. Il pourrait donc y avoir un solide argument commercial en faveur de ces encres structurelles ultrafines une fois qu’elles seront prêtes pour la production.
L’étude publiée dans la revue ACS Applied Nano Materials : Monolayer of Mie-Resonant Silicon Nanospheres for Structural Coloration et présentée sur le site de l’Université de Kobe : Structural color ink: Printable, non-iridescent and lightweight.