Les poissons-clowns savent compter, mais seulement pour repérer la concurrence
On peut dire que cette créature orange et blanche est l’un des poissons les plus reconnaissables, en grande partie grâce au film Le Monde de Nemo, sorti en 2001. Aujourd’hui, des scientifiques ont découvert qu’ils se reconnaissent également entre eux, en comptant les bandes blanches le long de leurs flancs, afin de harceler sans relâche leurs congénères hors de leur espace.
Image d’entête : poissons-clown à trois bandes dans leur anémone. (OIST)
Les chercheurs du Collège doctoral de science et technologie d’Okinawa (OIST/ Japon) ont constaté que ces mignons poissons-clowns, ou Poisson-clown à trois bandes (Amphiprion ocellaris), acceptent les visiteurs dans leur communauté d’anémones, à condition qu’ils ne leur ressemblent pas. Malheureusement, il n’y a pas de fin au Disney, dans lequel les poissons apprennent à voir au-delà de la première impression et acceptent leur invité surprise. L’intrus à trois rayures sera plutôt agressivement mordu et chassé par l’alpha de la colonie.
Selon le premier auteur, Kina Hayashi, de l’unité Marine Eco-Evo-Devo de l’OIST :
La fréquence et la durée des comportements agressifs chez les poissons clowns étaient les plus élevées envers les poissons à trois bandes comme eux. La fréquence et la durée des comportements agressifs des poissons clowns étaient les plus élevées envers les poissons à trois bandes comme eux, tandis qu’elles étaient plus faibles envers les poissons à une ou deux barres et les plus faibles envers ceux sans barres verticales, ce qui suggère qu’ils sont capables de compter le nombre de barres afin de reconnaître l’espèce de l’intrus.
L’équipe a découvert ce comportement unique lors de deux expériences en laboratoire. Dans la première, des individus de différentes espèces de poissons-clowns, arborant donc différents nombres de rayures blanches, ont été placés dans des caisses à l’intérieur d’un aquarium abritant une colonie à trois bandes, et les chercheurs ont enregistré le temps qu’il fallait aux poissons de la colonie pour fixer le visiteur et l’encercler. Ensuite, la colonie a reçu des disques en plastique peints de manière réaliste pour ressembler à d’autres espèces de poissons-clowns, y compris la leur, et leur agressivité à l’égard des objets a été mesurée.
Les faux poissons utilisés, à la place de la véritable espèce, pour tester l’agressivité d’une colonie de poissons-clowns envers les inconnus de leur propre espèce. (Kina Hayashi/ OIST)
Les poissons-clowns de l’aquarium se sont montrés les plus agressifs envers les poissons et les modèles à trois bandes, tandis que les attaques et les encerclements devenaient moins fréquents au fur et à mesure que le nombre de bandes blanches diminuait. Comme les poissons n’ont pas d’autres traits distinctifs, les chercheurs pensent que les poissons-clowns « comptent » les bandes blanches pour déterminer l’intensité de leur réaction agressive.
Dans le cadre de l’étude, ils ont également observé la hiérarchie rigide de la colonie. Dans la nature, une femelle alpha, qui a atteint la maturité nécessaire pour arborer les trois bandes et qui possède un léger avantage de taille, serait chargée d’attaquer les intrus. Bien que de jeunes poissons aient été utilisés dans cette expérience, l’équipe a constaté que les plus grands poissons jouaient le même rôle que l’alpha de la colonie.
Figure illustrant le comportement agressif de l’Amphiprion ocellaris, ou poisson clown, face à différentes espèces de poissons anémones, vivants ou modèles. (Kina Hayashi/ OIST)
Les poissons-clowns partagent l’une des plus fascinantes relations symbiotiques de la nature avec l’anémone (Heteractis magnifica). Celle-ci appartient à l’embranchement des cnidaires, qui comprend les méduses et les coraux. Comme ces animaux, elles possèdent de minuscules tentacules urticants, ou nématocystes, qui libèrent des composés toxiques sur les proies qui ne se doutent de rien. Cependant, comme le poisson-clown naît avec une solide armure de mucus qui, à l’âge adulte, est plusieurs fois plus épaisse que celle des autres poissons, il peut vivre tranquillement parmi les anémones, échangeant un abri contre des nutriments fournis par leurs déchets.
L’étude publiée dans le Journal of Experimental Biology : Counting Nemo: anemonefish Amphiprion ocellaris identify species by number of white bars et présentée sur le site du Collège doctoral de science et technologie d’Okinawa : Clown anemonefish seem to be counting bars and laying down the law.