Une surprenante découverte révèle que les baleines bleues se sont accouplées avec une autre espèce
De nouvelles recherches suggèrent que les relations interespèces entre les baleines bleues et les rorquals communs sont plus fréquentes qu’on ne le pensait, du moins dans certaines parties du monde.
Image d’entête : Rorqual commun (Balaenoptera physalus) expirant, au large du Groenland. (Aqqa Rosing-Asvid)
Le séquençage du génome des baleines bleues de l’Atlantique Nord (Balaenoptera musculus) a révélé qu’environ 3,5 % de l’ADN du groupe provenait d’une espèce voisine, le rorqual commun (Balaenoptera physalus).Les scientifiques canadiens et norvégiens ne s’attendaient pas à ce que ce pourcentage soit aussi élevé. De plus, tous les échantillons de rorquals bleus actuels de leur étude contenaient au moins un peu d’ADN de rorqual commun dans leur génome, un phénomène appelé introgression.
Selon Sushma Jossey, scientifique du Musée royal de l’Ontario (Canada), et ses collègues dans leur étude (lien plus bas) :
Nos résultats donnent un premier aperçu de la structure de la population et de l’histoire démographique des rorquals bleus de l’Atlantique Nord, et documentent les niveaux d’introgression avec les rorquals communs.
Ce qui est surprenant, c’est que la plupart des animaux hybrides (la progéniture de deux espèces différentes) ont tendance à être stériles, vous avez peut-être entendu parler de la mule (un hybride d’âne et de cheval) ou du ligre (un hybride de lion et de tigre).
Les parents des hybrides infertiles doivent être suffisamment semblables pour se reproduire, mais leur progéniture ne possède pas le matériel génétique adéquat pour produire des spermatozoïdes ou des ovules viables. Toutefois, une étude réalisée en 2018 a révélé que les baleines du groupe des rorquals, qui comprend les rorquals communs et les baleines bleues, présentent certaines caractéristiques génétiques qui signifient que l’hybridation ne se termine pas forcément par une impasse. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les espèces ne se sont pas séparées sur l’arbre de l’évolution au point que leurs gènes soient incompatibles comme le sont d’autres hybrides stériles.
Les deux espèces possèdent 44 paires de chromosomes et un profil chromosomique (Caryotype) identique qui apparaît lors d’un test génétique appelé « C-banding« . Le premier exemple d’hybride fertile de cétacé a été capturé dans les eaux islandaises en 1986 : il s’agissait d’une baleine bleue/ rorqual commun hybride enceinte portant un fœtus engendré par une baleine bleue. La façon dont l’ADN du rorqual commun s’est retrouvé dans ces baleines bleues est donc assez claire.
Une Baleine bleue (Balaenoptera musculus). (NOAA)
Il est intéressant de noter que l’échange d’ADN entre espèces, connu sous le nom d’introgression, semble quelque peu unilatéral dans ce cas. Alors que les baleines bleues ont pas mal de « rorqual », de précédentes études ont montré que les rorquals communs ne semblaient pas hériter de la même manière de l’ADN des baleines bleues. Cela pourrait signifier que les baleines bleues sont la seule espèce disposée à s’accoupler avec un hybride, peut-être parce qu’ils ne peuvent pas se permettre d’être difficiles, la population de rorquals communs est beaucoup plus importante en nombre, tandis que la population de baleines bleues est peu nombreuse.
Leur nombre est précaire depuis que la technologie a permis aux humains de chasser ces rapides géants, à commencer par la zone d’étude en question, l’Atlantique Nord, qui a poussé l’espèce à la limite de l’extinction. L’espèce ne s’est jamais vraiment rétablie.
Alors, y a-t-il un mal à ce que les baleines s’aiment d’une espèce à l’autre ? Dans un sens, la possibilité de se reproduire avec d’autres espèces de baleines similaires signifie qu’il y a plus de prétendants disponibles, ce qui est mieux que des situations dans lesquelles la diminution du nombre de baleines entraîne une consanguinité qui peut être préjudiciable à une espèce déjà en difficulté. Mais la spéciation est également un élément important de la diversité génétique. Lorsque les frontières entre deux espèces deviennent si floues qu’il est impossible de les distinguer, la situation n’est pas très différente de l’extinction pure et simple de l’une des deux espèces.
Jusqu’à présent, rien n’indique que l’ADN de rorqual commun présent chez les baleines bleues leur cause des problèmes. Cependant, Jossey et son équipe craignent que si l’ADN du rorqual bleu se perd dans toute la population, l’espèce risque de devenir moins résistante pour s’adapter aux changements environnementaux, en particulier dans un monde où le changement climatique est induit par les activités humaines.
Selon les chercheurs :
Nos analyses de séquençage et de structure de la population fournissent une base génomique pour informer les stratégies de conservation en cours pour cette espèce emblématique.
L’étude publiée dans la revue Conservation Genetics : Population structure and history of North Atlantic Blue whales (Balaenoptera musculus musculus) inferred from whole genome sequence analysis.