Une étude révèle l’impact de la méditation sur les bactéries intestinales
Dans une étude inédite, des chercheurs se sont rendus dans plusieurs temples bouddhistes tibétains isolés pour étudier les microbiomes intestinaux de moines méditant. Les résultats suggèrent que la pratique prolongée d’une méditation profonde pourrait avoir un impact positif sur la composition des bactéries intestinales.
Depuis des années, les chercheurs étudient l’impact de la méditation sur la santé physique et mentale. Cette simple pratique quotidienne a été associée à un certain nombre de résultats positifs, mais la manière exacte dont elle pourrait générer des améliorations physiologiques n’était pas claire.
En 2017, une analyse de 18 études sur la méditation a émis l’hypothèse que cette pratique pouvait modifier l’expression de certains gènes influençant l’inflammation. Bien que cette hypothèse ait été retenue comme un mécanisme possible sous-tendant certains des effets positifs de la méditation, les processus moléculaires à l’œuvre restaient un mystère.
À la suite d’études récentes révélant les nombreuses façons dont l’axe intestin-cerveau peut influencer l’inflammation, le métabolisme et l’humeur, la nouvelle recherche a entrepris d’explorer la relation potentielle entre la méditation et le microbiome intestinal. Pour ce faire, des chercheurs chinois se sont tournés vers des moines bouddhistes tibétains isolés qui passent de nombreuses heures par jour à méditer.
Trente-sept moines bouddhistes de trois temples isolés du Tibet ont été recrutés pour fournir des échantillons de matières fécales en vue de l’analyse du microbiome. Chaque participant méditait en moyenne deux heures par jour, pendant une période pouvant aller jusqu’à 30 ans.
Pour isoler toute différence de microbiome qui pourrait être directement liée à la méditation, les chercheurs ont recueilli des échantillons de microbiome auprès d’un groupe témoin composé de résidents voisins des temples. Les auteurs de l’étude ont noté qu’il était très difficile de recruter un groupe de contrôle adéquat en raison de la rareté des sujets dans les régions concernées. Après avoir éliminé les personnes prenant des antibiotiques ou des probiotiques, et en faisant correspondre leur régime alimentaire, leur âge et leur état de santé à ceux des moines, les chercheurs ont trouvé 19 résidents voisins pour le groupe témoin.
Selon les chercheurs dans leur nouvelle étude (lien plus bas) :
Nous avons constaté que plusieurs espèces bactériennes différaient de manière significative entre le groupe de méditation et le groupe témoin. Les bactéries enrichies dans le groupe de méditation au niveau du genre ont eu un effet positif sur la santé physique et mentale de l’humain. Cette modification de la composition du microbiote intestinal pourrait réduire le risque d’anxiété et de dépression et améliorer la fonction immunitaire de l’organisme.
Les espèces bactériennes Prevotella et Bacteroides étaient le plus significativement enrichies dans le groupe de méditation. Ces deux espèces ont été précédemment associées à une bonne santé mentale et à de faibles taux de dépression et d’anxiété.
Bien que ces résultats soient fascinants, les chercheurs indiquent qu’ils doivent être interprétés avec prudence. La cohorte de sujets est incroyablement petite et, bien que les chercheurs aient essayé de faire correspondre le groupe de contrôle aussi étroitement que possible aux moines, les résultats ne permettent pas de conclure directement que les différences de microbiome détectées sont uniquement dues à la méditation.
Arianna Basile, de l’université de Cambridge, souligne également que les résultats ne peuvent être utilisés comme preuve que la méditation améliore la santé mentale par le biais du microbiome. Basile, qui n’a pas participé à la nouvelle étude, a déclaré qu’il existe peut-être des preuves que la méditation peut aider les troubles légers de la santé mentale, mais que ces nouveaux résultats n’offrent pas de grandes perspectives sur cette association.
Selon Arianna Basile :
Les chercheurs ont pu examiner les différentes fonctions du microbiote fécal et, bien qu’ils spéculent sur l’impact de ces fonctions, l’étude n’a pas été en mesure de prédire si elles modifieraient réellement les processus chimiques dans le corps, et donc les divers résultats de santé. Il est également important de noter que la taille de l’échantillon est petite et que si leur technique de séquençage 16S est bonne, d’autres techniques telles qu’une analyse métagénomique de séquençage shotgun seraient en mesure d’analyser le microbiome intestinal au niveau des espèces, ce qui aurait été beaucoup plus informatif.
Cette nouvelle étude est en tout cas la première à tenter d’étudier les effets de la méditation à long terme sur le microbiome intestinal. C’est aussi la première à effectuer le travail pratique, incroyablement difficile, consistant à retrouver des moines bouddhistes tibétains isolés et à comparer leurs bactéries intestinales à celles de leurs voisins locaux qui ne méditent pas. Les conclusions de l’étude s’appuient certes sur de nombreuses mises en garde, mais elles offrent également de nouvelles pistes intéressantes à suivre pour de futures recherches.
Les chercheurs concluent :
Ces résultats suggèrent que la méditation profonde sur le long terme peut avoir un effet bénéfique sur le microbiote intestinal, permettant au corps de maintenir un état de santé optimal. Cette étude fournit de nouveaux indices concernant le rôle de la méditation profonde à long terme dans la régulation de la flore intestinale humaine, qui pourrait jouer un rôle positif dans les troubles psychosomatiques et le bien-être.
L’étude publiée dans la revue General Psychiatry : Alteration of faecal microbiota balance related to long-term deep meditation.