Une nouvelle loi de la physique pourrait-elle confirmer l’idée que nous vivons dans une simulation informatique ?
Un argument philosophique publié en 2003, par le philosophe suédois Nick Bostrom de l’université d’Oxford, a introduit l’hypothèse de simulation, selon laquelle si l’humanité vit jusqu’au jour où elle pourra simuler l’univers de manière répétée à l’aide d’une sorte d’ordinateur, il y a de fortes chances que nous vivions dans l’une de ces nombreuses simulations. Si c’est le cas, tout ce que nous vivons est un modèle de quelque chose d’autre, éloigné d’une certaine forme de réalité.
Cette hypothèse relève plus de la réflexion que de l’expérience, mais les scientifiques adorent la sonder pour voir si quelque chose vacille et, quelque chose vacille… Selon Melvin Vopson, physicien à l’université de Portsmouth, et Serban Lepadatu, mathématicien à l’institut Jeremiah Horrocks pour les mathématiques, la physique et l’astronomie (Université du Lancashire central) au Royaume-Uni, la deuxième loi de l’infodynamique vient étayer l’idée que tout cela n’est rien d’autre qu’un modèle sophistiqué sur un ordinateur plutôt évolué.
Selon Melvin Vopson dans une nouvelle étude (lien plus bas) :
La découverte en 2022 de la deuxième loi de la dynamique de l’information (infodynamique) facilite la mise au point de nouveaux outils de recherche intéressants à l’intersection de la physique et de l’information. Dans cette étude, nous réexaminons la deuxième loi de l’infodynamique et son applicabilité à l’information numérique, à l’information génétique, à la physique atomique, aux symétries mathématiques et à la cosmologie, et nous fournissons des preuves scientifiques qui semblent étayer l’hypothèse de l’univers simulé.
La deuxième loi de l’infodynamique de Vopson et Lepadatu est basée sur la deuxième loi de la thermodynamique, qui stipule que tout processus naturel dans l’univers entraînera une perte d’énergie et une augmentation de la mesure du désordre, ou entropie, d’un système.
Diagramme d’un système physique soumis à une expansion continue dans le temps, entraînant une augmentation de l’entropie. (Melvin Vopson/ AIP Advances)
Vopson, qui a proposé que l’information soit en fait considérée comme une forme de matière, s’attendait à ce qu’il en soit de même pour les systèmes d’information, c’est-à-dire qu’avec le temps, leur propre type de désordre devrait également augmenter. Cependant, en étudiant deux systèmes d’information différents, le stockage de données numériques et un génome d’ARN, il a constaté que ce n’était pas le cas. La deuxième loi de l’infodynamique exige que « l’entropie de l’information » (voir entropie de Shannon) reste au même niveau, voire diminue avec le temps.
Selon Vopson :
Je savais alors que cette révélation avait des implications considérables dans diverses disciplines scientifiques. Je voulais ensuite mettre cette loi à l’épreuve et voir si elle pouvait étayer davantage l’hypothèse de la simulation en la faisant passer du domaine philosophique à celui de la science dominante.
Dans cette dernière étude, le physicien explore les implications de cette nouvelle loi pour toute une série de domaines, tels que la génétique, la cosmologie, la physique atomique, la symétrie… et, bien sûr, l’hypothèse de la simulation.
Pour la génétique, Vopson a analysé les séquences d’ARN de différentes variantes du SARS-CoV-2. Il a constaté que toutes les variantes analysées présentaient une diminution de l’entropie de l’information au fur et à mesure qu’elles subissaient des mutations. Ces résultats suggèrent également qu’il existe un mécanisme régissant la mutation en vertu de la deuxième loi de l’infodynamique, plutôt qu’un simple hasard.
Valeurs de l’entropie de l’information de Shannon des variantes du virus SARS-CoV-2 en fonction du nombre de mutations par variante. (Melvin Vopson/ AIP Advances)
Il a également découvert que les électrons d’un atome s’organisent de manière à minimiser l’entropie de l’information et que, pour que l’univers continue à s’étendre, l’augmentation de l’entropie physique doit être compensée par une diminution correspondante de l’entropie de l’information.
A partir de l’étude : (a) Schéma du mot INFORMATION écrit sur un matériau en code binaire à l’aide d’un enregistrement magnétique. Le rouge indique une magnétisation dirigée vers l’extérieur du plan et le bleu une magnétisation dirigée vers l’intérieur du plan. (b)-(d) Évolution temporelle des états d’information de l’enregistrement magnétique numérique simulée à l’aide de la méthode micromagnétique de Monte Carlo. (b) État aléatoire initial. (c) L’information est écrite (t = 0 s). (d) Itération 930 (t = 1395 s) montrant la dégradation des états d’information. (Melvin Vopson/ AIP Advances)
La prévalence de la symétrie dans l’univers, du petit flocon de neige à l’étonnante galaxie spirale, peut également s’expliquer par la deuxième loi de l’infodynamique.
A partir de l’étude : quelques exemples de l’abondance de la symétrie dans l’univers. (Melvin Vopson/ AIP Advances)
Pour Vopson :
Les principes de symétrie jouent un rôle important dans les lois de la nature, mais jusqu’à présent, il n’y avait que peu d’explications à ce sujet. Mes résultats démontrent qu’une symétrie élevée correspond à l’état d’entropie de l’information le plus bas, ce qui pourrait expliquer l’inclination de la nature pour cet état. Cette approche, qui consiste à éliminer les informations excédentaires, ressemble au processus d’un ordinateur qui supprime ou comprime les codes inutiles pour économiser de l’espace de stockage et optimiser la consommation d’énergie. Elle renforce donc l’idée que nous vivons dans une simulation.
Les prochaines étapes consisteront à valider ces résultats de manière expérimentale. Si nous vivons dans une simulation, alors l’information est l’élément fondamental de notre univers, comme les bits sont l’unité fondamentale de l’information en informatique, et peut, comme Vopson l’a déjà proposé, avoir une masse. Si c’est le cas, elle peut être détectée par l’annihilation de l’information dans des collisions entre particules et antiparticules.
Bien entendu, en tant que simulation comprimée et optimisée, notre Univers modélisé devrait être programmé par un système plus profond et plus complexe, ce qui pose une série de questions encore plus importantes…
Une interview de Melvin Vopson un peu avant la publication de ses travaux. (Université de Portsmouth)
L’étude publiée dans la revue AIP Advances : The second law of infodynamics and its implications for the simulated universe hypothesis et présentée sur le site de l’Université de Portsmouth : Could a new law of physics support the idea we’re living in a computer simulation?