Vénus a probablement connu une tectonique des plaques comme la Terre, introduisant l’idée d’une ancienne vie
Vénus, souvent dépeinte comme un enfer en ébullition, aurait pu receler des secrets géologiques similaires à ceux de la Terre à ses débuts. De récentes recherches indiquent que Vénus a peut-être un jour connu une tectonique des plaques semblable à celle de la Terre, ouvrant ainsi la voie à des spéculations sur les débuts de la vie vénusienne et sur l’histoire du système solaire.
Image d’entête : Vue globale de la surface de Vénus avec les images obtenues par la sonde Magellan et simulée par ordinateur. Certaines lacunes sont comblées par les données de la sonde Pioneer Venus Orbiter. (NASA/ JPL)
Dans une étude publiée cette semaine (lien plus bas), des scientifiques démontrent que la composition atmosphérique et la pression de surface actuelles de Vénus témoignent d’une ancienne activité tectonique. Ces processus, essentiels à la vie, impliquent l’interaction de plaques continentales qui s’écartent, entrent en collision ou glissent l’une sous l’autre. Cette danse tectonique, qui s’est déroulée pendant des milliards d’années sur Terre, a donné naissance aux continents et aux montagnes. Elle a déclenché des réactions chimiques qui ont stabilisé la température à la surface de la Terre, la rendant ainsi propice à la vie.
À l’inverse, Vénus, la plus proche sœur de la Terre dans son voisinage cosmique, est devenue une fournaise, avec des températures suffisamment élevées pour faire fondre le plomb. Traditionnellement, on pensait que Vénus avait un « couvercle stagnant » (stagnant lid), c’est-à-dire une plaque de surface unique et rigide avec un minimum d’activité, de mouvement et de dégagement de gaz dans l’atmosphère. Toutefois, les nouvelles découvertes remettent en cause cette vision.
Représentation artistique de volcans en activité sur Vénus, illustrant une zone de subduction où la croûte du premier niveau plonge à l’intérieur de la planète. (NASA/ JPL-Caltech/ Peter Rubin)
Pour justifier les niveaux élevés d’azote et de dioxyde de carbone dans l’atmosphère de Vénus, cette recherche suggère qu’elle a connu des mouvements de plaques tectoniques entre 4,5 et 3,5 milliards d’années. Cela signifie que la Terre et Vénus auraient pu présenter simultanément ce type de tectonique. Cette découverte augmente les chances d’une ancienne vie microbienne sur la deuxième planète à partir du Soleil. Elle implique que ces planètes sœurs, malgré leurs attributs communs, tels que la taille et la masse, ont eu des histoires parallèles avant que leurs chemins ne divergent.
Selon Matt Weller, l’auteur principal de l’étude qui a effectué le travail en tant que chercheur postdoctoral à l’université Brown, maintenant à l’Institut lunaire et planétaire de Houston (États-Unis) :
L’une des grandes conclusions de l’étude est qu’il y avait très probablement deux planètes en même temps dans le même système solaire opérant dans un régime de tectonique des plaques, le même mode de tectonique qui a permis la vie que nous voyons sur Terre aujourd’hui.
L’étude introduit une hypothèse selon laquelle les planètes pourraient alterner entre différents états tectoniques. Ce changement suggère qu’elles pourraient être propices à la vie par intermittence plutôt que de maintenir une habitabilité continue. Cette perspective devient encore plus intéressante si l’on considère des corps célestes éloignés, comme la lune de Jupiter, Europe, qui pourrait également présenter une tectonique semblable à celle de la Terre, ou des exoplanètes lointaines.
Selon Alexander Evans, coauteur de l’étude et professeur adjoint à l’université Brown :
Jusqu’à présent, nous avons considéré l’état tectonique en termes binaires : soit c’est vrai, soit c’est faux, et c’est vrai ou faux pendant toute la durée de vie de la planète. Cela montre que les planètes peuvent passer d’un état tectonique à l’autre et que ce phénomène est en fait assez courant. La Terre pourrait être une exception. Cela signifie également que nous pourrions avoir des planètes qui passent d’un état d’habitabilité à un autre, plutôt que d’être continuellement habitables.
Bien que Vénus soit une terre brûlante, elle est souvent considérée comme la sœur de la Terre en raison de ses similitudes en termes de taille, de masse, de densité et de volume. (NASA/ JPL)
Les chercheurs ont commencé leur travail en démontrant que les atmosphères des lointaines exoplanètes peuvent être de puissants indicateurs de leur histoire initiale, avant de décider d’étudier ce point plus près de chez eux.
Pour commencer, ils ont utilisé les informations actuelles sur l’atmosphère de Vénus et ils ont supposé que la planète a toujours eu un couvercle qui n’a pas bougé. Il ne leur a pas fallu longtemps pour constater que les simulations de l’atmosphère actuelle de la planète ne correspondaient pas à la situation actuelle de la planète pour ce qui est de la quantité d’azote et de dioxyde de carbone dans l’atmosphère et de la pression à la surface.
Ils ont ensuite modélisé ce qui se serait passé sur Terre pour qu’elle devienne ce qu’elle est aujourd’hui. Après avoir tenu compte d’un mouvement tectonique limité au début de l’histoire de Vénus et mis en œuvre le modèle de couvercle stagnant utilisé aujourd’hui, ils ont fini par faire correspondre les chiffres de manière presque précise.
Dans l’ensemble, l’équipe pense que ce travail montre que les atmosphères peuvent nous donner des informations sur le passé.
Selon Weller :
Ce sera la prochaine étape cruciale dans la compréhension de Vénus, de son évolution et, en fin de compte, du sort de la Terre. Quelles conditions nous forceront à suivre une trajectoire semblable à celle de Vénus et quelles conditions pourraient permettre à la Terre de rester habitable ?
Une étude américaine réalisée en 2023, analysant une tectonique vieille de 3,9 milliards d’années, n’a trouvé aucun signe de plaques en mouvement. Les chercheurs suggéraient que la Terre utilisait un « régime de couvercle stagnant » (stagnant lid tectonics) pour libérer la chaleur, soulignant que la tectonique des plaques, bien que vitale pour le maintien de la vie, pourrait ne pas être nécessaire à l’apparition de celle-ci.
L’étude publiée dans Nature Astronomy : Venus’s atmospheric nitrogen explained by ancient plate tectonics et présentée sur le site de l’Université Brown : Venus had Earth-like plate tectonics billions of years ago, study suggests.
